COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale
RÉPUBLIQUE FRANOEAISEAU NOM DU PEUPLE FRANOEAISARRÊT N RJ/ATNuméro d'inscription au répertoire général : 05/02297.type de la décision déférée à la Cour,juridiction d'origine,date de la décision déférée,numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instanceJugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes du MANS, décision attaquée en date du 16 Septembre 2005, enregistrée sous le n 04/00777
ARRÊT DU 24 Octobre 2006
APPELANT :Monsieur Jean-Yves X... ... 72000 LE MANS présent, assisté de Maître Dominique D'ORTOLI, avocat au barrea de NICE,INTIMÉ:GROUPE SANTÉ CMCM 14 rue d'Isaac 72016 LE MANS CEDEX représenté par Maître Eric BERTHOME, avocat au barreau de BLOIS,COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Septembre 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur JEGOUIC, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Monsieur BOTHOREL, présidentMonsieur JEGOUIC, conseillerMadame ANDRE, conseiller.Greffier , lors des débats :
Madame Sylvie LE GALL,
ARRÊT :DU 24 Octobre 2006, contradictoire et mis à disposition au greffe, Signé par Monsieur BOTHOREL, président, et par Madame Sylvie LE GALL, greffier présent lors du prononcé.
Monsieur X... a été embauché le 10 mars 2003 en qualité de pharmacien coordinateur du groupe CMCM, qui gère deux cliniques au Mans. En parallèle, un contrat de gérance a été établi.
Après un avertissement prononcé le 15 juillet 2004 pour attitude désinvolte, Monsieur X... a été licencié pour cause réelle et
sérieuse par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 octobre 2004.
Monsieur X... a contesté son licenciement et a saisi le conseil de prud'hommes de différentes demandes salariales et indemnitaires.
Par jugement en date du 16 septembre 2005, le conseil de prud'hommes du Mans a condamné le groupe CMCM au paiement à Monsieur X... de 13 484,56 ç + 1.398,45 ç à titre de complément de préavis outre 1 000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejetant toutes autres demandes.
Monsieur X... a formé appel de cette décision.
Dans ses conclusions enrôlées le 30 août 2006, Monsieur X... forme des demandes au titre de l'indemnité de licenciement et du licenciement lui-même contesté sur le plan procédural et sur le fond.
Dans ses conclusions enrôlées le 13 septembre 2006, le Groupe Santé CMCM a conclu au principal au déboutement de l'ensemble des demandes adverses.
Sur le préavis
Monsieur X... indique qu'il avait la qualité de cadre supérieur, à laquelle la convention collective attache le bénéfice d'un délai congé de six mois.
Ayant été réglé d'une indemnité de préavis de trois mois, il réclame paiement de la différence.
L'employeur conteste la qualité de cadre supérieur au sens de la convention, dans la situation de Monsieur X....
Le cadre supérieur dans la convention collective à l'hospitalisation privée est défini comme le cadre exerçant sa fonction avec une délégation de pouvoir, qui engage sa responsabilité dans son domaine de compétence et qui coordonne plusieurs services ou établissements, notamment par l'activité qu'il exerce sur des cadres ABC ou sur un
nombre important d'agents.
Son coefficient est d'au moins 525.
Pour s'opposer à la demande de requalification, l'employeur se fonde sur les renseignements fournis par son syndicat professionnel, qui indique que, sauf indications contraires du contrat de travail, les pharmaciens responsables d'un service appartiennent à la catégorie des cadres.
Indépendamment du coefficient (547) reconnu au salarié, il apparaît que sa responsabilité ne se limitait pas au seul service de pharmacie de la clinique à laquelle il était plus particulièrement affecté, mais à la coordination des pharmacies du pôle CRCM du Mans et à l'élaboration de projets communs à ce pôle de santé. Les tâches "de management de projet" et d'organisation attachées à la fonction de coordinateur, ainsi que le coefficient reconnu contractuellement justifient la qualification de cadre supérieur revendiquée par le salarié, ainsi que l'a décidé à juste titre le conseil de prud'hommes, qui en a exactement tiré les conséquences, en ce qui concerne l'indemnité de préavis.- page 2 -
Sur l'indemnité de licenciement
Le salarié fait valoir que l'argumentation du délai congé à 6 mois a pour effet de déporter la date de fin du contrat et de lui ouvrir droit à une indemnité de licenciement, justifiée par une ancienneté de deux ans et un mois, dans l'entreprise, à son départ.
Cette demande n'apparaît pas justifiée.
En effet, il est de principe établi que le droit à l'indemnité de licenciement s'apprécie à la date de notification du licenciement, même si la durée du préavis est de nature à influer sur le quantum de l'indemnité de licenciement.
Les dispositions de la convention collective ne font pas exception à
ce principe, rappelé à son article 47.
Il convient de débouter le salarié de cette demande.
Sur la procédure de licenciement
Le salarié fait état de distorsions entre les questions évoquées lors de l'entretienpréalable et les fautes retenues dans la lettre de licenciement, dont certaines d'entre elles n'auraient pas été discutées lors de l'entretien préalable.
Pour s'opposer à cette demande, l'employeur fait valoir que Monsieur X... avait un sens du dialogue limité et qu'il avait rapidement déclaré "on verra cela aux Prud'hommes", clôturant ainsi lui-même l'entretien, selon l'employeur.
Il résulte de l'attestation et du compte rendu établis par Madame Papin, assistant le salarié, dont le contenu n'est pas mis en cause, qu'un certain nombre de points mentionnés dans la lettre de licenciement n'ont pas été portés à la connaissance du salarié lors de l'entretien préalable, contrairement aux prévisions de l'article L.122-14 du Code du travail.
Il y a là une irrégularité de la procédure qui a causé au salarié un préjudice, qui sera réparé par une indemnité de 4 574 ç, l'article L.12-14-5 du Code du travail, étant applicable au litige, en fonction de l'ancienneté du salarié à la date de notification du licenciement. ******
Sur le licenciement
Le licenciement prononcé le 29 octobre 2004 repose sur les faits suivants :
- Absence de suites données au courrier d'avertissement du 15 juillet 2004,
- Comportement désinvolte,
- Absence d'actions régulières concernant le suivi des médicaments et des consommables.
Le salarié indique que ces griefs sont trop vagues et généraux. Cependant, l'article L.12214-3 du Code du travail ne fait pas obligation à l'employeur d'entrer dans le détail des faits reprochés au salarié, pourvu que les griefs soient susceptibles d'une vérification matérielle, ce qui est le cas, en l'espèce.
Au fond, le salarié conteste le bien-fondé de son licenciement, en indiquant qu'il ne repose sur aucun élément probant.
Au total, il est reproché au salarié un non-investissement dans ses fonctions de coordinateur, mais aucune pièce n'est versée à cet égard, et des dysfonctionnements dans le service pharmacie intérieur.
A cet égard, l'employeur verse deux pièces ; un rapport d'inspection du 14 juin 2004 de l'inspection régionale de la pharmacie et un rapport des inspecteurs de l'ANAES.
Monsieur X... fait valoir que ce rapport ne peut être pris en compte dans la mesure où il a été établi postérieurement au licenciement.
Cependant, la visite des lieux par l'ANAES a eu lieu du 11 au 15 octobre 2004, donc avant l'engagement de la procédure de licenciement et a logiquement donné lieu à un premier compte rendu de conclusions, au moins verbal, après la visite, qui peut être utilisé par l'employeur dans la mesure où il se trouve vérifié dans le rapport définitif.
Cette objection n'apparaît pas déterminante.
En fonction des productions effectuées par l'employeur sur lequel repose la charge de la preuve, il incombe à la cour de vérifier si les deux rapports produits contiennent la preuve de fautes ou de négligences, mises en évidence par l'autorité de tutelle ou l'agence d'accréditation.
Le grief no 2 renvoie à une appréciation subjective de l'employeur,
alors que les faits qui sont invoqués pour l'illustrer ne sont pas matériellement établis.
Lesgrief no 3 concerne l'aspect gestion financière et comptable sur lequel aucune pièce n'est produite.
Ces griefs ne sont donc pas établis.
Sur le grief no1
Le pharmacien inspecteur avait fait des remarques concernant la présence pharmaceutique, recommandant l'embauche d'un troisième pharmacien, et concernant le respect des normes en matière de contrôles particulaires et de pression de l'atmosphère. Ces remarques étaient du ressort des dirigeants de la clinique qui ont le pouvoir d'embaucher ou de procéder à des investissements, mais ne concernent pas a priori directement le pharmacien hospitalier, fût-il coordinateur.
En revanche, le rapport réitéré des remarques faites précédemment en décembre 2002, concernant la sécurisation de la prescription des médicaments et de la dispensation des médicaments, de même que les retraits de lots (point 1.2. et 6).
Ces points son manifestement de la responsabilité du pharmacien hospitalier et celui-ci serait en faute si aucune amélioration n'avait été apportée sur ces aspects plusieurs mois après.
Il résulte du rapport de l'ANAES que les problèmes et les incertitudes concernant la fiabilité des informations liées aux prescriptions jusqu'à la traçabilité des actes de soins réalisés, demeurent en octobre 2004, et ils sont évoqués à nouveau par les experts (p 38).
De même, l'ANAES estime(P. 51) que les conditions de réception des commandes de pharmacie, de stockage des médicaments et des dispositifs médicaux ne répondent pas à toutes les règles de sécurité, et recommande de sécuriser le circuit du médicament et des
dispositifs médicaux de la prescription à la dispensation.
Là encore, les remarques de l'ANAES recoupe au moins partiellement les observations du pharmacien inspecteur.
Contrairement à ce que soutient Monsieur X... , ces points étaient sous sa responsabilité et des lacunes constatées dans ces domaines peuvent lui être reprochées de façon appropriée.
Le rapprochement de ces deux pièces émanant de professionnels extérieurs à l'établissement, établit qu'il y avait des lacunes sur des points importants de la mission du pharmacien hospitalier, auxquels il n'a pas été porté remède plusieurs mois après un premier constat.
L'employeur avait visé dans sa lettre d'avertissement les insuffisances de la gestion de la pharmacie intérieure.
Il est fondé à considérer, à la date du licenciement, qu'il n'a pas été porté d'amélioration à cette gestion, sur les points qui faisaient problème.
Le grief no 1 qui vise précisément cette absence de réaction, est donc fondé.
Les griefs ainsi articulés concernent une des responsabilités essentielles du pharmacien responsable de la pharmacie de l'établissement.
Compte tenu des incidences possibles de ces lacunes en ce qui concerne la sécurité des patients et la gestion de l'établissement hospitalier, ils constituent une cause réelle et sérieuse du licenciement, comme l'a estimé à juste titre le conseil de prud'hommes.
Il convient de confirmer l'indemnité de procédure de première instance et d'allouer à Monsieur X... une indemnité de même montant au titre de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Réformant le jugement entrepris,
Condamne le Groupe Santé CMCM au paiement à Monsieur X... de la somme de 4 574 ç pour irrégularité de procédure ;
Confirme le jugement en ses autres dispositions non contraires ;
Condamne le Groupe Santé CMCM au paiement à Monsieur X... de 1 000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
Condamne le Groupe Santé CMCM aux dépens d'appel.LE GREFFIER,
LE PRÉSIDENT,Sylvie LE GALL
Philippe BOTHOREL