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10/10/2006 | FRANCE | N°579

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 10 octobre 2006, 579


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS ARRÊT N RJ/SLG Numéro d'inscription au répertoire général : 05/02143. Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, décision attaquée en date du 29 Août 2005, enregistrée sous le n 03/00733

ARRÊT DU 10 Octobre 2006

APPELANT : S.A. UFIFRANCE PATRIMOINE 32 avenue d'Iéna 75783 PARIS CEDEX 16 représentée par Me LEDDET, avocat substituant Me Eric PERES, avocat au barreau de PARIS INTIME et appelant incident : Monsieur Maurice X... ... représenté par Me Bruno SC

ARDINA, avocat au barreau d'ANGERS COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débat...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS ARRÊT N RJ/SLG Numéro d'inscription au répertoire général : 05/02143. Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, décision attaquée en date du 29 Août 2005, enregistrée sous le n 03/00733

ARRÊT DU 10 Octobre 2006

APPELANT : S.A. UFIFRANCE PATRIMOINE 32 avenue d'Iéna 75783 PARIS CEDEX 16 représentée par Me LEDDET, avocat substituant Me Eric PERES, avocat au barreau de PARIS INTIME et appelant incident : Monsieur Maurice X... ... représenté par Me Bruno SCARDINA, avocat au barreau d'ANGERS COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 27 Juin 2006, en audience publique, devant la cour, composée de :

Monsieur Philippe BOTHOREL, président de chambre Monsieur Roland JEGOUIC, conseiller et assesseur Madame Brigitte ANDRE, conseiller et assesseur qui en ont délibéré. Greffier lors des débats : Madame Sylvie LE GALL,

ARRÊT : contradictoire ; Prononcé publiquement, par Monsieur BOTHOREL, président, Signé par Monsieur BOTHOREL, président, et par Madame TIJOU, greffier présent lors du prononcé

Monsieur X..., ancien salarié de la société AXA, a été embauché en mars 2001 par la SAS UFIFRANCE PATRIMOINE comme démarcheur en produits financiers et d'assurance, et rattaché à l'agence d'Angers. Il a été licencié pour insuffisance professionnelle par LRAR en date du 8 juillet 2003.

Il a saisi le Conseil de prud'hommes d'Angers de demandes salariales et indemnitaires.

Par jugement du 29 août 2005, le Conseil de prud'hommes d'Angers a :

- dit que le licenciement de M. Maurice X... est intervenu en l'absence de causes réelles et sérieuses et condamné la SAS UFIFRANCE PATRIMOINE à régler à M. Maurice X... les sommes suivantes :

* 15000 ç au titre des dommages et intérêts pour licenciement en absence de causes réelles et sérieuses sur la base de l'article L 122.14.4 du code du travail.

Le Conseil de prud'hommes d'Angers a condamné par ailleurs la SAS UFIFRANCE PATRIMOINE à verser à M. Maurice X... la somme de 27028 ç de frais professionnels, a dit que ces derniers ne sont pas soumis aux cotisations sociales et qu'ils devront bénéficier des intérêts au taux légal à compter de la saisine.

Le conseil a condamné la SAS UFIFRANCE PATRIMOINE au paiement de rappels de salaire d'un montant de 6789,49 ç et 678,94 ç au titre de congés payés sur ce rappel, a dit que ces sommes devront bénéficier des intérêts au taux légal à compter de la saisine, a condamné la SAS UFIFRANCE PATRIMOINE au paiement de la somme de 5000 ç sur la base de l'article 1153 du code civil, enfin a condamné la SAS au paiement de la somme de 1800 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La SAS UFIFRANCE PATRIMOINE a formé appel de cette décision.

Dans ses conclusions en date du 21 juin 2006, la société conclut au principal au rejet des demandes adverses.

Dans ses conclusions du 21 juin 2006, M. Maurice X... a formé appel incident.

Le détail des demandes des parties sera exposé à l'occasion de l'examen particulier de chacune de ces demandes .

A - SUR LES FRAIS PROFESSIONNELS

M. X... forme une demande en remboursement de frais professionnels à hauteur de 27332 ç, nets de cotisations sociales.

Le contrat initial de 2001 contenait une clause d'intégration des frais professionnels prévoyant que les commissions versés couvraient l'intégralité de ceux-ci que le salarié pourrait être amené à exposer.

Le salarié soutient la nullité de cette clause et demande remboursement des ses frais de déplacement, de stationnement, d'autoroute, de secrétariat et de repas.

La société SAS UFIFRANCE PATRIMOINE s'oppose à cette demande en faisant valoir que le salarié ne justifie pas avoir exposé ces frais pour les besoins de son activité et dans l'intérêt de son employeur. Cette clause est nulle, comme contraire aux principes posées par la Cour de Cassation en la matière.

Ultérieurement, le 3 mars 2003, M. X... a signé un avenant à son contrat de travail, prévoyant un remboursement de frais professionnels forfaitaires à hauteur de 230 ç bruts par mois.

Le salarié soutient que cette clause est nulle.

Il invoque le dol et soutient qu'intrinsèquement cette clause n'est pas conforme aux exigences posées par la jurisprudence. L'employeur soutient la validité de cette clause, en faisant valoir qu'elle est la reprise dans le contrat de travail, d'un accord d'entreprise relatif aux relations de travail du personnel commercial, conclu le 28 février 2003, avec les organisations syndicales représentatives (art 9.2.II).

Le salarié n'établit pas l'intention dolosive de son employeur qui devait mettre en oeuvre dans les relations individuelles de travail les stipulations de l'accord collectif.

La clause qui prévoit un traitement de base (partie fixe) égal au

SMIC mensuel, majoré de 10 % outre la somme de 230 ç correspondant au remboursement des frais forfaitaires, plus une partie variable, est remise en cause en ce qu'elle n'assure pas une rémunération proprement dite au moins égale au SMIC.

L'examen de ce moyen nécessite de procéder à une appréciation des frais professionnels exposés par M. X... en fonction des justificatifs produits, appréciés au regard des caractéristiques de sa prospection pour SAS UFIFRANCE PATRIMOINE . Il résulte suffisamment des pièces versées, que M. X... a dû exposer mois après mois, des frais de déplacement, des frais de stationnement, des frais de repas et de téléphone, enfin de secrétariat, pour les besoins de son activité et dans l'intérêt de son employeur. Notamment, les factures de garage sont intéressantes en ce qu'elles permettent d'apprécier les kilomètres parcourus entre deux passages. Compte tenu de l'éparpillement de la clientèle démarchée par M. X... en l'absence de secteur attribué, même en tenant compte d'un coeur de clientèle domiciliée sur Angers et sa périphérie, il y a suffisamment d'éléments pour retenir une somme de 762 ç bruts par mois de frais professionnels, exposés en moyenne.

Il résulte des bulletins de salaire émis pour la période allant de mars à juin 2003, que M. X... a été rémunéré globalement (remboursement forfaitaire inclus) à hauteur de 1100 ç en mars 2003, puis à hauteur de 1499 ç pour les 3 mois suivants (rémunération totale brute). Si l'on déduit les frais professionnels réellement concernés (762 ç), le SMIC n'est pas assuré pour ces périodes.

Il s'en suit que pour les mois en cause, le salarié a droit à un différentiel correspondant à 762 ç - 230 ç = 532 ç par mois. Pour la période antérieure, mars 2001 à février 2003, il est dû un défraiement sur la base de 762 ç par mois.

Le rappel pour frais professionnels se chiffre donc globalement à la somme de 20416 ç bruts (réformation du jugement sur le quantum).

M. X... fait valoir par ailleurs que les sommes versées en remboursement de frais professionnels n'ont pas à être soumises à cotisations sociales, les conditions d'un tel assujetissement n'étant pas réunies.

Cependant, l'employeur a opté pour l'abattement forfaitaire pour frais professionnels de 30 %. Cette option, qui n'a pas été remise en cause par l'accord collectif de 2003 est opposable au salarié.

Il convient donc d'intégrer ces remboursements et de les soumettre à cotisations sociales, sur la base de l'option déclarée par l'employeur auprès de l'URSSAF (réformation du jugement sur ce point).

Il existe un préjudice distinct du retard lié au non remboursement des frais professionnels sur une période relativement importante. Il convient d'allouer une somme de 2000 ç de dommages-intérêts à ce titre à Monsieur X....

B - SUR LA DEMANDE DE RAPPEL DE SALAIRES EN APPLICATION DE LA RÉGLEMENTATION SUR LE SMIC

M. X... soutient que les stipulations concernant sa rémunération, prévues dans le contrat initial (mars 2001) sont contraires à la législation sur le SMIC, ce pourquoi il réclame un rappel de salaires sur SMIC outre des dommages-intérêts, pour préjudice distinct, en application de l'article 1153 du code civil.

La rémunération du salarié se compose, contractuellement, d'un traitement mensuel dit fixe, égal au SMIC en vigueur, majoré de 10 % pour congés, payés, ayant la nature d'avance et donnant lieu à imputation le mois suivant sur la rémunération brute proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé à son initiative et calculée selon un

barème indexé, de primes d'objectifs, de bonus d'activité et d'une rémunération complémentaire de suivi client.

Le salarié conteste le caractère d'avance conféré au SMIC, dans ce dispositif, en indiquant qu'il résulte de la réglementation sur le SMIC que celui-ci est la contrepartie d'un horaire de travail et qu'il est acquis mois après mois au salarié, sans qu'il soit possible de lui conférer un caractère d'avance récupérable. Il apparaît que le système mis en place consacre une rémunération à la commission, basée sur le chiffre d'affaires, sans plafond, avec une garantie minimale mensuelle égale au SMIC.

A partir du moment où l'employeur s'engage à assurer, mois après mois, une rémunération au moins égale au SMIC, ce dispositif n'est pas contraire à l'article L 144-2 du code du travail.

Les bulletins de salaires produits établissent que chaque mois, M. X... a effectivement perçu une rémunération au moins égale au SMIC mensuel, en vigueur.

Quels que soient les termes employés dans la clause, le mécanisme d'ajustement de la rémunération en fonction des résultats du salarié, avec l'assurance d'une rémunération plancher égale au SMIC, ne contrevient à aucune disposition d'ordre public et ressortit de la liberté contractuelle.

Le salarié soutient que ce rappel de salaire lui serait dû, quand bien même la clause relative à la rémunération serait validée, dans la mesure où l'employeur ne lui aurait pas donné les moyens pour accomplir sa tâche en lui donnant des clients impécunieux et en ne lui remboursant pas ses frais de déplacement.

Cependant, à partir du moment où l'employeur a appliqué le contrat, il ne peut y avoir lieu à rappel de salaire, l'absence de paiement des frais professionnels ayant été indemnisée par ailleurs.

Il convient donc de rejeter la demande de rappel de salaires et la demande de dommages-intérêts qui y est adossée.

C - SUR LE LICENCIEMENT

Le licenciement a été prononcé pour insuffisance professionnelle, manifestée par un manque d'activité et de résultats et traduisant une inadéquation aux fonctions.

Le salarié conteste ce grief. Il indique que cette insuffisance professionnelle ne lui pas imputable, mais résulte des conditions dans lesquelles il a été contraint de travailler, en sorte que les objectifs qui lui étaient fixés en terme de rendez-vous clientèle (16 par semaine) et d'affaires conclues (1 par semaine) étaient irréalisables.

L'insuffisance professionnelle ne peut être légitimement reprochée par l'employeur que s'il a fourni au salarié les moyens de remplir ses fonctions.

Monsieur X... n'étant pas remboursé de ses frais professionnels (ou insuffisamment les derniers mois) ce qui n'a pu que limiter sa prospection, qu'il était largement amené à financer sur ses propres deniers.

Les pièces versées établissent également qu'il lui a été confié initialement un portefeuille de clients de médiocre rapport ; cet élément résulte de la rémunération sur actifs perçus par Monsieur X..., qui était inférieure à la moyenne de celle perçue par les conseillers en patrimoine.

Ces deux éléments permettent de considérer que l'insuffisance professionnelle invoquée n'est pas imputable au salarié, mais procède largement des conditions dans lesquelles il a été amené à exercer son emploi.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a décidé que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse. Le Conseil de prud'hommes d'Angers a fait une exacte appréciation du montant des dommages-intérêts en application de l'article L 122-14-4 du code du travail, en sorte que les appels principal et incident formés sur ce point doivent être rejetés.

D- SUR LA CLAUSE DE PROTECTION DE CLIENTÈLE

Les contrats comportaient une clause de protection de clientèle ainsi libellée : "après le départ de la société, le salarié s'interdit d'entrer en relation directement et indirectement avec les clients de la société qu'il a démarchés, conseillés ou suivis, en vue de leur proposer une formule de placement de quelque nature qu'elle soit pendant une durée de 24 mois à compter de la cessation définitive de son activité."

Le salarié fait valoir qu'il s'agit d'une clause de non concurrence et qu'en l'absence de contrepartie financière, elle est nulle.

Le salarié fait valoir qu'il s'agit d'une clause de non concurrence et qu'en l'absence de contrepartie financière, elle est nulle.

L'employeur soutient qu'il s'agit bien d'une clause de protection de clientèle distincte d'une clause de non concurrence, puisque le salarié demeurait libre de poursuivre la même activité. Il soutient la validité d'une telle clientèle.

Quelle que soit la dénomination de la clause, elle a pour effet de restreindre la liberté d'entreprendre ou la liberté de travail, selon les modalités de la reconversion du salarié,au-delà des obligations légales, qui l'autoriserait à démarcher toute clientèle (qui n'appartient à quiconque) sauf concurrence déloyale.

Ces restrictions apportées à des libertés publiques ne peuvent se concevoir que si elles sont justifiées par l'intérêt légitime de l'entreprise, que si elles ont une contrepartie financière, ce qui n'est pas vérifié au cas d'espèce. Il convient de confirmer le jugement sur ce point, en observant que cette question n'avait, même au moment du jugement, qu'un intérêt de principe puisque sa validité était expirée et qu'aucune demande de dommages-intérêts n'avait été formée.

E - SUR LA NULLITE DE LA CAUSE DE NON DEBAUCHAGE

Le contrat de 2001 comportait une clause de non débauchage. Cette clause n'a pas été reprise dans le contrat de 2003. A la date de la rupture, cette obligation n'était pas en vigueur.

Le salarié ne justifie d'aucun intérêt à agir sur ce point.

Il convient de confirmer l'indemnité de procédure de première instance et d'allouer à Monsieur X... une somme de 700 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Les autres dispositions du jugement non remises en cause, seront confirmées.

PAR CES MOTIFS,

statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

REFORMANT le jugement entrepris,

CONDAMNE la SAS UFIFRANCE PATRIMOINE au paiement à Monsieur X... de 20416 ç à titre de rappel sur remboursement de frais professionnels avec intérêts au taux légal à compter de la demande, 2000 ç à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct lié au non paiement des frais professionnels.

DEBOUTE Monsieur X... de sa demande de rappel de salaire sur SMIC et de dommages-intérêts afférente à cette demande.

DÉCHARGE l'employeur des condamnations correspondantes.

DIT que les remboursements pour frais professionnels doivent être

soumis aux cotisations sociales.

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions non contraires au présent arrêt et notamment en ce qu'il a annulé la clause de non captation de clientèle (disposition non reprise dans le dispositif du jugement).

CONDAMNE la SAS UFIFRANCE PATRIMOINE au paiement de 700 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

DEBOUTE les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires.

CONDAMNE la SAS UFIFRANCE PATRIMOINE aux dépens d'appel. LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT, Annick TIJOU

Philippe BOTHOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 579
Date de la décision : 10/10/2006
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : M. BOTHOREL, président

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2006-10-10;579 ?
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