Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 26 juin 2024 par lequel la préfète de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.
Par un jugement n° 2406164 du 29 novembre 2024, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 décembre 2024, Mme A..., représentée par Me Lebon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- cette insuffisance de motivation révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et familiale ;
- il est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de qualification juridique des faits ;
- il est entaché d'une erreur de droit ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il ne prend pas en compte l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2025, la préfète de l'Essonne conclut au rejet de la requête.
La préfète fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dorion a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo) née le 28 mai 1995, qui déclare être entrée en France le 18 septembre 2015, a présenté une demande d'asile rejetée le 15 avril 2016 par le directeur général l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), décision confirmée le 6 février 2017 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le 26 août 2022, elle a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Par l'arrêté contesté du 26 juin 2024, la préfète de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 29 novembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... vit depuis 2016 en concubinage avec un compatriote titulaire d'une carte de résident, avec lequel elle a eu trois enfants nés le 29 novembre 2016, le 8 février 2018 et le 11 septembre 2021 sur le territoire français. Par ailleurs, elle apporte suffisamment d'éléments établissant que le couple dispose de revenus qui permettent de subvenir aux besoins de la famille. Dans ces conditions, bien que Mme A... ne soit pas dépourvue d'attaches familiales en République démocratique du Congo où résident ses parents et sa fratrie et où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de vingt ans et qu'elle ait fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français suite au rejet de sa demande d'asile, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A..., la préfète de l'Essonne a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, le présent arrêt implique nécessairement que soit délivré à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu d'enjoindre à la préfète de l'Essonne, ou à toute autre autorité compétente, d'y procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2406164 du tribunal administratif de Versailles du 29 novembre 2024 et l'arrêté de la préfète de l'Essonne du 26 juin 2024 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de l'Essonne, ou à l'autorité compétente, de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre d'État, ministre de l'intérieur et à la préfète de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Dorion, présidente,
Mme Bruno-Salel, présidente-assesseure,
M. Ablard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.
La présidente-assesseure,
C. Bruno-SalelLa présidente-rapporteure,
O. Dorion
La greffière,
C. Yarde
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24VE03399