Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision implicite de refus de séjour née du silence gardé par le préfet d'Eure-et-Loir sur sa demande du 12 septembre 2022 d'admission exceptionnelle au séjour.
Par une ordonnance n° 2405054 du 2 décembre 2024, la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2024 au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes, transmise à la cour par une ordonnance du 16 décembre 2024, et un mémoire complémentaire enregistré le 10 février 2025, M. A..., représenté par Me Mohamed, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que sa demande a été rejetée au motif qu'elle était tardive, dès lors qu'il n'a pas été informé des voies et délais de recours ;
- il remplit les conditions pour être admis au séjour au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation, dès lors qu'il n'a pas été répondu à sa demande de communication de ses motifs.
La requête a été communiquée au préfet d'Eure-et-Loir qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dorion a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né le 4 janvier 1987, entré en France en 2014 selon ses déclarations, a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour en se prévalant de sa qualité de salarié et été mis en possession d'un récépissé de demande de titre de séjour le 12 septembre 2022. Il relève appel de l'ordonnance du 2 décembre 2024 par laquelle la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation du rejet implicite de sa demande de titre de séjour.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé par l'autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. " En vertu de l'article R. 432-2 du même code, cette décision implicite naît au terme d'un délai de quatre mois.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. "
4. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. La preuve d'une telle connaissance ne saurait résulter du seul écoulement du temps depuis la présentation de la demande. Elle peut en revanche résulter de ce qu'il est établi, soit que l'intéressé a été clairement informé des conditions de naissance d'une décision implicite lors de la présentation de sa demande, soit que la décision a par la suite été expressément mentionnée au cours de ses échanges avec l'administration, notamment à l'occasion d'un recours gracieux dirigé contre cette décision.
5. La présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de M. A... au motif qu'elle était tardive et, dès lors, manifestement irrecevable. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que M. A... ait été clairement informé des conditions de naissance d'une décision implicite lors de la présentation de sa demande de titre de séjour le 12 septembre 2022, ni que la décision implicite de rejet née à l'expiration d'un délai de quatre mois suivant cette demande ait été expressément mentionnée au cours d'échanges avec l'administration. Il s'ensuit qu'aucun délai de recours n'était susceptible d'être opposé à la demande de M. A... et que celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
6. Il y a lieu, pour la cour, de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal et devant la cour.
Sur la légalité de la décision contestée :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. (...) ". Les décisions de refus de titre de séjour sont au nombre des décisions devant être obligatoirement motivées en application de ces dispositions.
8. M. A... justifie avoir saisi la préfecture d'Eure-et-Loir le 27 septembre 2024 d'une demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande de délivrance d'un titre de séjour. Le préfet d'Eure-et-Loir n'a pas répondu à cette demande, ni statué par une décision explicite sur la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par M. A.... Il s'ensuit que M. A... est fondé à soutenir que la décision qu'il conteste est entachée d'un défaut de motivation.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par M. A... en première instance et en appel, que la décision implicite de refus de séjour née du silence gardé par le préfet d'Eure-et-Loir sur sa demande du 12 septembre 2022 d'admission exceptionnelle au séjour doit être annulée.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
10. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet d'Eure-et-Loir procède au réexamen de la demande de M. A..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du 2 décembre 2024 de la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans et la décision implicite de refus de séjour du préfet d'Eure-et-Loir sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Eure-et-Loir de réexaminer la demande de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera la somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre d'État, ministre de l'intérieur et au préfet d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Dorion, présidente,
Mme Bruno-Salel, présidente-assesseure,
M. Ablard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.
La présidente-assesseure,
C. Bruno-SalelLa présidente-rapporteure,
O. Dorion
La greffière,
C. YardeLa République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24VE03288