Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 20 juin 2024, M. D... A... B..., représenté par Me de Seze, demande au juge des référés de la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du préfet des Hauts-de-Seine du 16 mai 2022 en tant qu'elle porte rejet de sa demande de titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre à la préfecture compétente de délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et ce jusqu'à ce que sa demande de titre de séjour soit instruite, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans les même conditions et délais ;
4°) de mettre le versement d'une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite ;
- il soulève des moyens de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2024, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance et aux considérations du premier juge.
Vu :
- la requête n° 24VE01693 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les observations de Me de Seze, représentant M. A... B... en présence de ce dernier.
1. M. D... A... B..., ressortissant ivoirien né le 1er mars 2004, déclare être entré en France en 2019. Par une ordonnance de placement du 13 mai 2019, il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance. Le 27 janvier 2022, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 mai 2022, le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de cet arrêté. Par jugement n° 2310161 du 23 avril 2024, le tribunal a annulé cet arrêté seulement en tant qu'il prononçait à l'encontre de M. A... B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et a rejeté le surplus de sa demande. M. A... B... demande au juge des référés de la cour de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté contesté en tant qu'il porte rejet de sa demande de titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français.
Sur l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. En raison de l'urgence, il y a lieu d'admettre, à titre provisoire, M. A... B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions aux fins de suspension :
3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. ".
En ce qui concerne la condition d'urgence :
4. Il résulte des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.
5. Il résulte de l'instruction que les décisions contestées ont pour effet d'empêcher M. A... B..., qui a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance, en qualité de mineur isolé en 2019 et a passé trois années en situation régulière d'exercer, après avoir obtenu son certificat d'aptitude professionnelle Boulangerie, une activité salariée comme boulanger. M. A... B... a produit en ce sens une promesse d'embauche établie le 9 décembre 2024 par la Sarl Boulangerie du Point du Jour pour exercer un emploi de boulanger dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Les décisions contestées préjudicient ainsi de manière suffisamment grave et immédiate à la situation de M. A... B... de sorte que la condition d'urgence est satisfaite.
En ce qui concerne la condition d'un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées :
6. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1.Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. ".
7. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
8. Il résulte de l'instruction que M. A... B... a demandé à être admis au séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Or, pour refuser, cette admission, le préfet s'est uniquement fondé sur ce que l'intéressé ne démontrait pas avoir rompu les liens avec sa famille restée dans son pays d'origine sans avoir porté une appréciation globale sur la situation de M. A... B... au regard notamment du caractère réel et sérieux de la formation suivie et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de celui-ci dans la société française. En l'état de l'instruction, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... est fondé à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 16 mai 2022 du préfet des Hauts-de-Seine en tant que cette autorité rejette sa demande de titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
10. La présente ordonnance implique qu'il soit enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A... B... dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance et de délivrer dans le délai de huit jours une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. M. A... B... a été admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me de Seze, avocat du requérant, renonce à percevoir les sommes correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me de Seze d'une somme de 1 200 euros. Dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée à M. A... B... par le bureau d'aide juridictionnelle, la somme de 1 200 euros sera versée à ce dernier.
O R D O N N E :
Article 1er : M. A... B... est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté 16 mai 2022 du préfet des Hauts-de-Seine en tant que cette autorité rejette la demande de titre de séjour de M. A... B... et l'oblige à quitter le territoire français est suspendue jusqu'au jugement de la requête au fond n° 24VE01693.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A... B... dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance et de lui délivrer dans le délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Article 4 : Sous réserve de l'admission définitive de M. A... B... à l'aide juridictionnelle et sous réserve que Me de Seze, son conseil, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, l'Etat versera à Me de Seze une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée à M. A... B..., la somme de 1 200 euros sera versée à ce dernier.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D... A... B..., à Me De Seze, au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'intérieur.
Fait à Versailles, le 18 décembre 2024.
Le juge des référés,
F. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution du présent jugement.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 24VE01694 2