Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 25 avril 2023 par lequel le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de sa reconduite et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2303589 du 30 mai 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces, enregistrées les 20, 21 et 27 juin 2023, M. A..., représenté par Me Benitez, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté contesté ;
3°) de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ; cette insuffisance de motivation révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- son droit d'être entendu a été méconnu ;
- le procès-verbal de garde à vue daté du 7 novembre 2022 doit être écarté du débat, dès lors que le secret de l'enquête a été méconnu ;
- l'arrêté contesté porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il réside habituellement en France depuis l'âge de treize ans ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur d'appréciation ; il n'a jamais fait l'usage d'alias ; il est titulaire d'un passeport en cours de validité ; une demande de réexamen de sa situation a été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Paris ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il justifie de circonstances humanitaires ;
- elle est disproportionnée.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 octobre 2024, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête de M. A....
Le préfet fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public désigné, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dorion a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 20 avril 2002, entré en France en 2013, a été condamné le 15 février 2023 par la cour d'appel de Paris à dix mois d'emprisonnement pour détention non autorisée de stupéfiants, en récidive, et détenu à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis. Par l'arrêté contesté du 25 avril 2023, le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de sa reconduite et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. A... relève appel du jugement du 30 mai 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été scolarisé en France à compter de l'année scolaire 2013-2014, en sixième, alors qu'il était âgé de onze ans, jusqu'en classe de 3ème au collège, au titre de l'année 2017-2018, puis qu'il a été pris en charge à compter du 15 juin 2018, par le service territorial éducatif en milieu ouvert et d'insertion de Torcy, pour des mesures éducatives et de probation, sans discontinuer au moins jusqu'au 11 octobre 2021, ainsi qu'il ressort des ordonnances de placement sous contrôle judiciaire du juge des enfants du tribunal d'instance de Meaux et d'une attestation des services de la protection judiciaire de la jeunesse. Placé en rétention au cours du mois d'octobre 2021, il a obtenu par une ordonnance du 13 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Paris la suspension de l'exécution d'un arrêté du 9 octobre 2020 lui faisant obligation de quitter le territoire français et été mis en possession de récépissés du 6 décembre 2021 au 19 octobre 2022, avant d'être incarcéré à compter du 9 novembre 2022. Les éventuelles périodes d'incarcération en France ne sont pas de nature à remettre en cause la continuité de la résidence habituelle et continue de M. A... en France depuis l'âge de onze ans. Il s'ensuit que M. A... est fondé à soutenir que les dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisaient obstacle à ce que le préfet de lui fasse obligation de quitter le territoire français.
4. La décision par laquelle l'autorité préfectorale a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français étant entachée d'illégalité, les décisions portant refus de délai de départ volontaire, fixation le pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français, dont elle est assortie, doivent, par voie de conséquence, également être annulées.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles, a rejeté sa demande d'annulation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet compétent réexamine la situation de M. A... et procède à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Il y a lieu, dès lors, de lui enjoindre d'y procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais de l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2303589 du 30 mai 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du 25 avril 2023 du préfet de l'Essonne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet compétent de réexaminer la situation de M. A... et de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera la somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à la préfète de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Dorion, présidente,
Mme Bruno-Salel, présidente-assesseure,
M. Ablard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
L'assesseure la plus ancienne,
C. BRUNO-SALELLa présidente-rapporteure,
O. DORIONLa greffière,
C. YARDE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N°23VE01356