Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... a demandé l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2022 par lequel le préfet des Yvelines a procédé au retrait de son certificat de résidence algérien valable du 17 juin 2020 au 16 juin 2021.
Par un jugement n° 2209589 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 mai 2023 et le 25 octobre 2024, Mme A..., représentée par Me Ormillien, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un certificat de résidence algérien ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont entaché leurs décisions d'erreurs d'appréciation ;
- le jugement est entaché d'une omission à statuer, dès lors que le tribunal n'a pas examiné son moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le préfet était en situation de compétence liée pour prendre la décision contestée ;
- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et familiale ;
- elle n'a commis aucune fraude, laquelle n'est d'ailleurs pas démontrée par le préfet ;
- elle remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en application du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2024, le préfet des Yvelines conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ablard,
- et les observations de Me Ormillien, pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante algérienne née le 13 février 1986, entrée en France le 24 août 2014 selon ses déclarations, a été mise en possession d'un certificat de résidence algérien au titre de sa vie privée et familiale, valable du 17 juin 2020 au 16 juin 2021. Par un arrêté du 29 novembre 2022, le préfet des Yvelines a procédé au retrait de ce titre de séjour. Mme A... relève appel du jugement du 28 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, si la requérante soutient que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer, en ce que le tribunal n'a pas examiné son moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté, les premiers juges ont répondu à ce moyen au point 3 de leur décision, en indiquant qu'il était inopérant. Par suite, quel que soit le bien-fondé de ce motif, le moyen doit être écarté.
3. En second lieu, le moyen tiré de ce que le tribunal a entaché sa décision d'erreurs d'appréciation, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges, est sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, ce moyen doit être écarté.
Au fond :
4. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la minute du jugement correctionnel du tribunal judiciaire de Versailles du 11 octobre 2021, que l'agent de la sous-préfecture de Saint-Germain-en-Laye condamné à trois ans de prison dont deux avec sursis, interdiction d'exercer une fonction publique, inéligibilité, confiscation des scellés et 10 000 euros d'amendes, pour des faits d'aide au séjour irrégulier, escroquerie, corruption passive et blanchiment, a permis la délivrance indue de titres de séjour à 160 étrangers dont la liste est mentionnée dans ce jugement, au nombre desquels figure Mme A.... Selon la description des faits constitutifs des infractions, cet agent s'est livré à des manœuvres frauduleuses, notamment, en " organisant son auto-attribution des dossiers et auto-validation des instructions lui permettant d'éviter les interférences avec ses collègues et sa hiérarchie notamment lors de la remise des titres frauduleusement délivrés, en s'assurant contrairement aux règles mises en place au sein de la sous-préfecture de Saint-Germain de l'instruction intégrale de toutes les phases d'une demande ou d'un renouvellement de titre, en s'assurant de la disparition des archives des dossiers frauduleux pour éviter tout contrôle " et en " procédant à des enregistrements volontairement erronés de dossiers de titre de séjour ", en vue de " tromper les services de l'Etat pour les déterminer à remettre des titres de séjour non conformes aux situations personnelles de leurs bénéficiaires ".
5. Si l'instruction des dossiers des demandeurs a été gravement entachée d'irrégularité, il n'est pas établi que les décisions de délivrance de titre de séjour n'ont pas été prises, à l'issue de cette instruction, par l'autorité compétente. Dans ces conditions, en dépit de la gravité de la fraude commise par l'agent auteur des manœuvres frauduleuses commises au détriment de la préfecture des Yvelines, les titres de séjour indûment délivrés ne peuvent être regardés comme n'ayant pas matériellement existé ou comme étant juridiquement non avenus. Dès lors le préfet des Yvelines n'était pas en situation de compétence liée pour procéder au retrait du certificat de résidence délivré à Mme A..., de telle sorte que les moyens soulevés au soutien de sa demande tendant à l'annulation de cette décision de retrait sont opérants. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que le préfet des Yvelines était tenu de retirer pour inexistence le certificat de résidence de dix ans qui avait été délivré à Mme A... et a pour ce motif rejeté sa demande, sans examiner les moyens dont celle-ci était assortie.
7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par la requérante tant devant le tribunal que devant la cour.
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté n° 78-2022-06-27-00006 du 27 juin 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 78-2022-06-27-00003 du même jour de la préfecture des Yvelines, M. B... C..., sous-préfet de Versailles, secrétaire général de la préfecture des Yvelines, a reçu délégation de signature à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département des Yvelines, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figure pas la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.
7. En deuxième lieu, le préfet des Yvelines a exposé les raisons pour lesquelles il a estimé, d'une part, que la requérante ne remplissait pas les conditions de délivrance d'un certificat de résidence fixées par le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, d'autre part, qu'il existait un faisceau d'indices sérieux et concordants permettant de caractériser une fraude en vue de l'obtention d'un titre de séjour. Cet arrêté est ainsi suffisamment motivé, alors même qu'il ne présente pas une description exhaustive de la situation personnelle de la requérante. Cette motivation ne révèle aucun défaut d'examen de sa situation personnelle et familiale.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
9. Mme A..., mariée le 16 août 2018 en Algérie à un compatriote titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, dès lors qu'elle entrait dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de délivrance du titre de séjour litigieux, son mariage était récent et elle ne travaillait pas. Dans ces conditions, c'est seulement à la faveur de la fraude commise par l'agent reconnu coupable des faits énoncés au point 5 que ce titre de séjour lui a été délivré le 17 juin 2020. Le préfet des Yvelines était dès lors fondé à le retirer.
10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
11. Mme A... fait valoir qu'elle réside en France depuis 2014, qu'elle a obtenu un master de sciences et techniques des activités physiques et sportives ainsi qu'un certificat professionnel de directrice des structures de santé et de solidarité, qu'elle exerce depuis 2021 les fonctions de directrice adjointe de résidences sénior dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, qu'elle est mariée avec un compatriote en situation régulière et que ses parents, sa sœur, et de nombreux membres de sa famille, résident également sur le territoire national. Toutefois, l'intéressée n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, le caractère habituel et continu de sa résidence en France depuis 2014. Mariée à un compatriote en situation régulière et sans enfant, elle peut bénéficier du regroupement familial. En outre, la requérante n'établit pas, ni même n'allègue, être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans au moins et où elle s'est mariée en 2018. Enfin, le contrat de travail dont elle se prévaut était récent à la date de l'arrêté contesté et n'a été obtenu qu'à la faveur de la fraude, dès lors qu'elle s'est frauduleusement fait remettre un certificat de résidence alors qu'elle ne remplissait pas les conditions pour l'obtenir. En tout état de cause, le retrait du titre de séjour dont elle a été irrégulièrement titulaire du 17 juin 2020 au 16 juin 2021 n'emporte pas, par lui-même, de conséquence sur sa situation personnelle et familiale à la date de l'arrêté contesté. Dans ces circonstances, la décision de retrait de son titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Pour les mêmes motifs, le préfet des Yvelines n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de l'intéressée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Dorion, présidente,
Mme Bruno-Salel, présidente-assesseure,
M. Ablard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
Le rapporteur,
T. ABLARDLa présidente,
O. DORION
La greffière,
C. YARDE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 23VE00954