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25/06/2024 | FRANCE | N°22VE00678

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 6ème chambre, 25 juin 2024, 22VE00678


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 3 novembre 2016 autorisant la société Corporate Express France à la licencier pour motif économique ainsi que la décision implicite du 4 mai 2017 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique et confirmé la décision du 3 novembre 2016.



Par un jugeme

nt n° 1908854 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la requête de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 3 novembre 2016 autorisant la société Corporate Express France à la licencier pour motif économique ainsi que la décision implicite du 4 mai 2017 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique et confirmé la décision du 3 novembre 2016.

Par un jugement n° 1908854 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la requête de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 mars 2022, Mme A..., représentée par Me Diarra, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite de rejet du ministre du travail du 4 mai 2017 ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision autorisant son licenciement de l'inspecteur du travail du 3 novembre 2016 ;

4°) de condamner la société à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur commise par l'inspecteur du travail, qui n'aurait pas dû tenir pour établie la réalité du motif économique dans la mesure où la société Staples se contente de communiquer le résultat d'exploitation pour la seule société Corporate Express, ce qui ne permet pas de justifier de difficultés économiques au niveau du secteur d'activité du groupe ;

- ils aussi ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur commise par l'inspecteur du travail, qui n'aurait pas dû tenir pour établie la réalité du motif économique dans la mesure où la société Staples ne communique pas les comptes d'exploitation au niveau mondial et notamment en Pologne ce qui ne permet pas d'apprécier la situation économique de l'ensemble du groupe Staples ;

- ils ont également dénaturé les faits et ont commis une erreur d'appréciation des faits ;

- ils ont méconnu leur office en omettant de statuer sur les moyens soulevés par la requérante ;

- ils ont commis des erreurs de droit et d'appréciation en méconnaissant les critères caractérisant le motif économique puisque la situation économique du groupe ne permet pas d'établir de difficultés économiques ;

- les décisions sont aussi entachées d'erreurs de droit et de fait dans la mesure où la nécessité de sauvegarder la compétitivité n'est pas établie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2022, la société JPG SAS, venant aux droits de la société Corporate express France, représentée par Me Berg, avocate, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- le recours est tardif car présenté plus de deux ans après la décision implicite de rejet née le 7 mai 2017 ;

- les autres moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 3 juillet 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Versailles du 27 janvier 2022.

Il soutient que :

- la décision d'autorisation de licenciement du 3 novembre 2016 a été définitivement annulée ;

- les conclusions tendant à ce que le tribunal autorise le licenciement sont irrecevables ;

- la société ne démontre pas l'existence d'une menace sur la compétitivité du groupe, dès lors, la réalité du motif économique n'est pas établie pour justifier le licenciement de Mme A....

Par ordonnance du président de la 6ème chambre en date du 9 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 26 avril 2024 à 12 heures 00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Albertini,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations de Me Michl, pour la société Staples France JPG SAS.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... était employée au sein de l'entreprise Corporate Express France depuis le 3 décembre 2007, occupait le poste d'assistante grands comptes et était membre du CHSCT depuis le 9 juillet 2015. Par un courrier du 8 septembre 2016, son employeur a sollicité auprès de l'unité départementale de l'Essonne de la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France, l'autorisation de la licencier pour motif économique. Par une décision du 3 novembre 2016, l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement qui lui a été notifié le 18 novembre 2016. Le 2 janvier 2017, Mme A... a formé un recours hiérarchique contre cette décision. Une décision de rejet implicite est née le 4 mai 2017 confirmant l'autorisation de licenciement. Puis, par une décision expresse du 28 juin 2017, la ministre du travail a finalement procédé au retrait de cette décision implicite de rejet, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 3 novembre 2016 et refusé d'autoriser le licenciement de Mme A.... La société Corporate Express France, aux droits de laquelle est venue la société Staples France JPG, a demandé l'annulation de la décision de retrait de la ministre du 28 juin 2017. Par un jugement n° 1706260 du 18 juillet 2019, devenu définitif, le tribunal administratif de Versailles a fait droit à la demande de la société et annulé la décision du 28 juin 2017. Par une requête enregistrée le 19 novembre 2019, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision de l'inspecteur du travail en date du 3 novembre 2016 autorisant son licenciement ainsi que la décision implicite de rejet née le 4 mai 2017 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique et confirmé la décision de l'inspecteur du travail du 3 novembre 2016. Mme A... relève appel du jugement n° 1908854 du 27 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

2. Lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision de l'inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre compétent doit soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision. L'annulation, par l'autorité hiérarchique, de la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement ne laisse rien subsister de celle-ci, peu important l'annulation ultérieure par la juridiction administrative de la décision de l'autorité hiérarchique.

3. Le tribunal administratif de Versailles a annulé, par un jugement n° 1706260 du 18 juillet 2019, la décision expresse de la ministre du travail du 28 juin 2017. Compte tenu de ce qui a été indiqué au point 2, l'annulation de la décision de la ministre, qui s'est substituée à celle de l'inspecteur du travail, n'a pas pour effet de faire renaître la décision de ce dernier. La décision attaquée de l'inspecteur du travail ayant disparu de l'ordonnancement juridique à la date à laquelle Mme A... a saisi le tribunal, ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision avaient perdu leur objet et étaient donc irrecevables. C'est donc à tort que, par le jugement attaqué du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Versailles a estimé que le jugement du 18 juillet 2019 avait fait revivre la décision du 3 novembre 2016 autorisant le licenciement de Mme A.... Elle a ainsi été licenciée sans autorisation, dès lors que celle-ci a rétroactivement été retirée de l'ordonnancement juridique et que cela ne peut être régularisé a posteriori.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Versailles.

5. Il résulte de ce qui a été indiqué précédemment que les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 3 novembre 2016 autorisant la société Corporate Express France, devenue la société Staples France JPG SAS à procéder à son licenciement étaient irrecevables. Il y a donc lieu de les rejeter.

6. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du 4 mai 2017 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique et confirmé la décision de l'inspecteur du travail du 3 novembre 2016 sont également irrecevables et doivent être rejetées.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1908854 du tribunal administratif de Versailles est annulé et la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la société Staples France JPG venant aux droits de la société Corporate express France et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024.

Le président-assesseur,

J.-E. PILVENLe président-rapporteur,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE00678 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00678
Date de la décision : 25/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Modalités de délivrance ou de refus de l'autorisation - Recours hiérarchique.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : RENDELI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-25;22ve00678 ?
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