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30/04/2024 | FRANCE | N°24VE00052

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 6ème chambre, 30 avril 2024, 24VE00052


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a assigné à résidence dans le département

des Hauts-de-Seine pour une durée de quarante-cinq jours en tant qu'il fixe le département des ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a assigné à résidence dans le département des Hauts-de-Seine pour une durée de quarante-cinq jours en tant qu'il fixe le département des Hauts-de-Seine comme lieu de résidence, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et d'ordonner l'effacement de son signalement au fichier d'information Schengen dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2316162 du 8 décembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 janvier, 20 février et 28 février 2024, M. B... A..., représenté par Me Ore Diaz, avocate, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 30 novembre 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

4°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 1er décembre 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a assigné à résidence dans le département des Hauts-de-Seine pour une durée de quarante-cinq jours en tant qu'il fixe le département des Hauts-de-Seine comme lieu de résidence ;

5°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et d'ordonner l'effacement de son signalement au fichier d'information Schengen dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

6°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, au bénéfice de son conseil Me Ore Diaz, et de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en portant une atteinte disproportionnée à sa vie familiale ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et doit être modifiée pour fixer sa résidence en Essonne chez sa compagne tout en lui permettant de se déplacer dans les Hauts-de-Seine pour garder ses filles.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 février 2024, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Albertini,

- et les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B... A..., ressortissant colombien né le 19 février 1984, déclare être entré en France le 14 novembre 2014 après avoir séjourné depuis 2007 en Espagne. Par un premier arrêté, du 30 novembre 2023, notifié le 1er décembre 2023, le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un second arrêté, du 1er décembre 2023, notifié le même jour, le préfet des Hauts-de-Seine l'a assigné à résidence dans le département des Hauts-de-Seine pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. M. B... A... relève appel du jugement du 8 décembre 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président. ". Aux termes de l'article 61 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 : " L'admission provisoire peut être accordée dans une situation d'urgence, (...). L'admission provisoire est accordée par (...) le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle ou d'aide à l'intervention de l'avocat sur laquelle il n'a pas encore été statué. ".

3. M. B... A..., déjà représenté par un avocat, a déposé une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle de Versailles. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de prononcer l'admission de M. B... A..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, précité.

Sur la légalité des décisions attaquées :

4. D'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. D'autre part, l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 stipule que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...) l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... A... réside en France depuis 2014, après avoir résidé à partir de 2007 en Espagne, où il a rencontré son ancienne compagne, de nationalité espagnole. De leur union sont nées deux filles, en 2011 puis en 2015. Il a été condamné en 2020 pour la première fois à un an de prison, dont 6 mois avec sursis, pour des faits de détention et transport de stupéfiants, avec un aménagement de peine sous bracelet électronique. M. B... A..., séparé de sa femme, ne disposant pas d'un domicile dans lequel cet aménagement pouvait être mis en place, cet aménagement a été converti en régime de semi-liberté. A sa libération, le 30 novembre 2023, le préfet des Hauts-de-Seine a pris à son encontre l'obligation de quitter le territoire français en cause, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. S'il est désormais séparé de son ancienne compagne, il produit des photographies, des relevés de compte bancaire ainsi que des attestations établissant son rôle actif dans l'éducation et l'entretien de ses deux filles, dont il a pris en charge l'accueil en centre de loisirs et au profit desquelles il a régulièrement fait l'acquisition de vêtements et de jouets, ce qui n'a pas pris fin malgré la séparation avec la mère de ses enfants, de nationalité espagnole. Il suit de là que les arrêtés contestés du 30 novembre 2023 et du 1er décembre 2023 par lesquels le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et l'a assigné à résidence dans le département des Hauts-de-Seine pour une durée de quarante-cinq jours portent au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris et portent atteinte à l'intérêt supérieur des enfants. Dès lors, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3- 1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être accueillis.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, que M. B... A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

9. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard à ses motifs, qu'il soit enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B... A... d'une somme au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : M. B... A... est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 2316162 du 8 décembre 2023 est annulé.

Article 3 : Les arrêtés du 30 novembre et du 1er décembre 2023 du préfet des Hauts-de-Seine sont annulés.

Article 4 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la situation de M. B... A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt est notifié à M. C... B... A..., au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président-assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024.

Le président-assesseur,

J.-E. PILVENLe président-rapporteur,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 24VE00052


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24VE00052
Date de la décision : 30/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : ORE DIAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-30;24ve00052 ?
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