La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/01/2024 | FRANCE | N°23VE01999

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 29 janvier 2024, 23VE01999


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du préfet des Yvelines du 3 mars 2023 refusant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français avec délai à destination de son pays d'origine, d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, l'ensemble dans

un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du préfet des Yvelines du 3 mars 2023 refusant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français avec délai à destination de son pays d'origine, d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, l'ensemble dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour sans délai et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2302622 du 28 juillet 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 août 2023, M. C... A... G... B..., représenté par Me Walther, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et ce dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir avec astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer la situation du requérant à fin de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", et ce dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir avec astreinte de 150 euros par jour de retard en application des dispositions des articles L.911-1 et L.911-3 du code de justice administrative ;

5°) en tout état de cause, d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail sans délai, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et ce pendant la durée du réexamen de sa situation ;

6°) de condamner le préfet des Yvelines à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sur la régularité du jugement querellé, il est entaché d'un défaut de motivation et d'une omission de statuer, la motivation de la décision des juges de première instance est lacunaire, et ne permet pas de comprendre de manière intelligible les raisons pour lesquelles la requête a été rejeté, le juge de première instance commet une confusion entre l'établissement de l'expérience professionnelle, sur laquelle une erreur de droit a été commise, et l'établissement de la résidence en France, qui n'implique aucunement obligatoirement une activité professionnelle ; le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen soulevé, qui concernait l'absence de prise en compte de l'expérience professionnelle, et non l'absence d'établissement de la résidence en France ; le juge de première instance a omis de statuer sur ce moyen ; à tout le moins, en ne répondant à ce moyen de manière totalement incohérente, le juge de première instance n'a pas suffisamment motivé le jugement en litige ;

- s'agissant de la légalité externe, la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation en fait et en droit ;

- elle est aussi entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est de surcroît entachée d'une erreur de fait, il n'a pas présenté une fausse carte pour travailler en 2016 et son employeur a commis une erreur en établissant son contrat de travail lors de son entrée en poste ; cette erreur a une influence décisive sur le sens de la décision, le préfet s'est fondé sur ce seul élément pour remettre en cause la réalité de son insertion professionnelle et affirmer que la fraude est insusceptible de créer des droits au profit de celui qui s'y livre ;

-; en lui opposant l'usage supposé d'une fausse carte sans prendre en compte l'ensemble de sa situation, l'autorité préfectorale a commis une erreur de droit ; à supposer même qu'il ait présenté une fausse carte, il ressort en tout état de cause d'une jurisprudence constante que l'autorité préfectorale ne peut se borner à retenir l'usage d'une fausse carte pour refuser de prendre en compte la période de séjour ou de travail de l'intéressé sans commettre une erreur de droit ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; l'avis de la commission du titre de séjour est purement consultatif ; il ne dispose que de liens familiaux distendus en Égypte, pays qu'il a quitté il y a plus de quinze années ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi sont illégales à raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; il justifie de son insertion sociale et professionnelle, la mesure d'éloignement contestée aurait pour conséquence de mettre un terme brutal à son insertion sociale et professionnelle ; dans ces circonstances, il ne fait nul doute que la décision d'éloignement prise à son encontre méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale ; le préfet a commis, à tout le moins, une erreur manifeste d'appréciation.

Un mémoire non communiqué, enregistré le 10 janvier 2024 après la clôture automatique de l'instruction, a été présenté par le préfet des Yvelines.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Albertini a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A... E... B..., ressortissant égyptien né le 22 décembre 1985, est entré sur le territoire français en 2008, selon ses déclarations. Le 15 janvier 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Après avis défavorable rendu par la commission du titre de séjour le 30 novembre 2022, le préfet des Yvelines a refusé de faire droit à sa demande et a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français avec délai à destination de son pays d'origine, par arrêté du 3 mars 2023 dont il a demandé l'annulation au tribunal administratif de Versailles. M. C... A... F... B... relève appel du jugement du 28 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des points 4 à 7 du jugement attaqué a répondu au moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une confusion entre l'établissement de l'expérience professionnelle, sur laquelle une erreur de droit et une erreur de fait auraient été commise selon le requérant, et l'établissement de la résidence en France, qui n'implique aucunement obligatoirement une activité professionnelle. Le moyen tiré de cette prétendue omission doit donc être écarté comme manquant en fait.

3. En second lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. C... A... F... B... ne peut donc utilement se prévaloir sur le terrain de la régularité d'erreurs de fait, d'erreurs de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation qu'auraient commis les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour :

4. En premier lieu, la décision attaquée, qui n'avait pas à être exhaustive, cite les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, conformément aux articles L. 211-5 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

5. En deuxième lieu, il ne ressort pas de la décision attaquée que le préfet aurait manqué à son devoir d'examen particulier de sa situation personnelle.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. " Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du même code : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ". Il résulte de ces dispositions que la commission du titre de séjour doit être saisie par l'autorité administrative pour avis dès lors que cette dernière envisage de refuser l'octroi d'un titre de séjour à un ressortissant étranger qui justifie avoir résidé habituellement en France pendant plus de dix ans.

7. En quatrième lieu, le requérant soutient également que le préfet a entaché sa décision d'une erreur de fait en considérant qu'il a travaillé sous une fausse identité italienne pour le compte de la société Sani Technique, comme il s'en est justifié devant la commission du titre de séjour. A ce titre, il précise qu'il s'agit d'une erreur de son employeur qui l'a rectifiée lorsqu'il la lui a signalée, comme l'atteste le deuxième contrat de travail à durée déterminée rectifié du 17 octobre 2016 qu'il produit, conclu avec la SARL Alpha Energie. Toutefois, à supposer que tel soit le cas, le préfet a produit ainsi que l'ont relevé les premiers juges un autre contrat de travail à temps partiel pour le compte de la société Sani Technique, établi le 1er février 2016, avec mention d'une nationalité italienne. Il résulte de l'instruction que le préfet, qui a pris en compte l'ensemble des périodes d'emploi de M. C... A... G... B..., y compris sous une identité italienne, aurait pris la même décision, en l'absence de ce grief. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit de nouveau être écarté.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat ".

9. Au cas d'espèce, le requérant se prévaut de sa présence habituelle en France depuis plus de 15 ans, de son activité professionnelle, qui lui a permis de créer une société dénommée MAAS Plombier le 17 janvier 2022 et qui lui assure des revenus confortables, de même que de sa maîtrise de la langue française, tandis que ses liens familiaux en Egypte se sont distendus en raison du décès de ses parents. Toutefois, il est constant que la commission du titre de séjour a rendu un avis défavorable sur sa demande. Il ressort de sa demande de titre de séjour que le requérant a d'abord demandé son admission exceptionnelle au séjour au regard de sa vie privée et familiale. Or, il ne justifie pas, par les pièces qu'il produit, de considérations humanitaires de nature à établir l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet, alors qu'il n'est par ailleurs pas contesté qu'il est célibataire et sans charge de famille en France. En outre, et alors que le préfet des Yvelines a aussi apprécié sa demande au regard de sa situation professionnelle, les éléments produits, qui témoignent d'une certaine insertion professionnelle et d'un excédent d'exploitation de son entreprise en 2022, ne sont néanmoins pas suffisants pour justifier son admission au séjour au regard de motifs exceptionnels, au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard notamment au caractère particulièrement récent de sa création d'entreprise avec un associé et aux conditions de son séjour irrégulier au cours duquel il a d'abord exercé une activité professionnelle sans y avoir été autorisé et sans demander son admission au séjour. Ensuite, il n'a pas déféré à un précédent arrêté en date du 11 septembre 2018, par lequel le préfet du Val-d'Oise l'avait obligé à quitter le territoire français. Dans ces conditions, M. A... E... B... n'est pas fondé à soutenir que son admission au séjour en France répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels et que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite le moyen doit être écarté.

10. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. M. A... E... B... fait valoir sa durée de présence en France depuis plus de dix ans et les liens développés sur le territoire français. Toutefois, il est célibataire, sans charge de famille en France, et ressort de ce qui a été dit au point 10, que par les pièces produites, le requérant ne démontre pas l'existence de liens intenses et stables développés en France à l'exception de ceux constitués pendant l'exercice d'activités professionnelles sans y avoir été autorisé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de titre de séjour est légale. Par suite, le requérant n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre les deux décisions susvisées.

13. En second lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 10 et 12, les décisions susvisées n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'ont pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale du requérant.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... E... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... A... E... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... E... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 janvier 2024.

Le président-assesseur,

J.-E. PILVENLe président-rapporteur,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

23VE01999002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01999
Date de la décision : 29/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : WALTHER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-29;23ve01999 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award