Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de lui accorder, à titre provisoire, le bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'annuler l'arrêté, en date du 3 décembre 2021, par lequel le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative, dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'État le versement à Me Kanza de la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Par un jugement n° 2202092 du 23 janvier 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mai 2023, Mme B..., représentée par Me Kanza, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation par celui-ci de la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, les premiers juges, dont la décision est entachée d'erreur de droit, n'ayant pas fait usage de leur pouvoir d'instruction pour demander les avis médicaux et documents dont il ressort que son titre de séjour pour soins doit être renouvelé ;
- la décision portant refus de séjour n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est également entachée d'un défaut d'examen complet et personnalisé de sa situation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors que le préfet du Val-d'Oise n'a pas saisi la commission du titre de séjour ;
- elle est irrégulière, dès lors que le préfet du Val-d'Oise ne produit pas l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle est entachée d'erreurs de fait, dès lors qu'il est porté atteinte à sa vie privée et familiale et qu'elle ne pourra pas bénéficier de soins appropriés en Haïti ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet du Val-d'Oise ayant méconnu l'étendue de sa compétence en se bornant à reprendre les conclusions du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur de qualification juridique des faits ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale, dès lors que la décision portant refus de lui délivrer un titre de séjour est illégale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2023, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 4 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Albertini a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., de nationalité haïtienne, est née le 20 septembre 1982 dans le pays dont elle a la nationalité. Elle serait entrée en France, selon ses déclarations, le 5 juin 2016. Elle a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise a rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour que Mme B..., lui avait présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et fait obligation à l'intéressée de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Le même arrêté prévoit que Mme B... pourra, si elle ne quitte pas volontairement le territoire français avant l'expiration de ce délai, être reconduite d'office à destination de son pays d'origine. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme B... ne peut donc utilement se prévaloir de l'erreur de droit qu'auraient commise les premiers juges, saisis d'une demande d'annulation d'un refus de renouvellement de titre de séjour, pour demander l'annulation du jugement attaqué.
3. En second lieu, contrairement à ce que soutient Mme B..., les premiers juges n'ont pas méconnu leur office en ne faisant pas usage de leur pouvoir d'instruction avant d'écarter, au regard notamment de l'avis émis le 11 décembre 2020 par un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et des documents et avis médicaux produits par l'intéressée elle-même, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour vise les textes dont il est fait application et comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, ainsi, suffisamment motivée.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à Mme B... le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet du Val-d'Oise s'est fondé, notamment, sur l'avis émis le 11 décembre 2020 par un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, lequel indique que l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut " peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers ce pays. Mme B... soutient en appel que le préfet du Val-d'Oise a méconnu les dispositions précitées, dès lors qu'elle souffre d'un cancer depuis plusieurs années et que son état de santé nécessite une prise en charge médicale. Toutefois, la requérante ne produit devant la cour aucune pièce ou avis médicalement circonstancié à même de justifier qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Haïti. En outre, il ne ressort d'aucune des nombreuses pièces médicales produites par la requérante qu'elle ait contracté un cancer, Mme B... ayant notamment bénéficié, au cours de son séjour en France, de soins pour une tumeur solide papillaire au pancréas, bénigne et opérée avec succès, pour des fibromes à l'utérus, également opérés avec succès, ainsi que pour des migraines ou des sinusites. Les certificats médicaux les plus récents, datés des 9 novembre 2021, 7 janvier, 25 avril et 11 août 2022, sont au demeurant, à l'exception du premier, postérieurs à la date de la décision attaquée, établis par des médecins qui ne justifient pas même suivre Mme B... et insuffisamment circonstanciés. En revanche, les certificats des médecins de l'hôpital Antoine Béclère font état des opérations précitées, qui ont été réalisées avec succès et établissent l'évolution favorable de l'état de santé de Mme B.... Dans ces conditions, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, Mme B... n'est pas fondée à soutenir en appel que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 435-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En troisième lieu, il ne ressort pas de ce qui a été dit au point 6 et des pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise aurait entaché la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour d'une erreur de fait en considérant que Mme B... pouvait bénéficier d'un traitement ou suivi médical approprié dans son pays d'origine.
8. En quatrième lieu, il ne ressort pas des motifs de la décision attaquée, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet du Val-d'Oise se serait cru lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et aurait, ce faisant, entaché sa décision d'une erreur de droit.
9. En cinquième lieu, il ne ressort pas davantage des motifs de la décision attaquée, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet du Val-d'Oise n'aurait pas, avant de prendre la décision contestée, procédé à un examen sérieux de la situation de Mme B....
10. En sixième lieu, dès lors que Mme B... ne remplissait pas les conditions lui permettant de bénéficier de plein droit de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle n'a pas sollicité son admission exceptionnelle au séjour, le préfet du Val-d'Oise n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour préalablement à l'adoption de l'arrêté contesté.
11. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
12. Mme B... fait valoir qu'elle réside habituellement en France depuis le 5 juin 2016, qu'elle y a construit tous ses repères et qu'elle a eu une fille, prénommée Eloïse, Adèle, née 13 décembre 2019 à Gonesse. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la requérante ne justifie d'aucune insertion professionnelle ou sociale en France, y compris en appel, que sa fille en bas âge n'était pas encore scolarisée à la date de la décision en cause et qu'elle ne fait état d'aucune relation particulière, intense et stable, avec le père de l'enfant. Dès lors, eu égard notamment à sa durée de présence en France et à l'âge de son enfant, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale de Mme B... puisse se reconstituer hors de France. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en prenant la décision contestée, le préfet du Val-d'Oise aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Val-d'Oise a entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité des autres décisions attaquées :
13. En premier lieu, il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la décision par laquelle le préfet du Val-d'Oise a refusé à la requérante le renouvellement de son titre de séjour n'est pas illégale. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle l'obligeant à quitter le territoire français. De même, elle n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle fixant le pays de destination.
14. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
15. Il ne résulte pas de l'ensemble de ce qui a été dit et des documents médicaux produits que Mme B... ne pourrait pas bénéficier d'un suivi approprié à son état de santé dans le pays dont elle a la nationalité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.
Le président-assesseur,
J.-E. PILVENLe président-rapporteur,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE00960 2