Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 6 février 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an ainsi que l'arrêté de la même date portant assignation à résidence.
Par un jugement n° 2301630 du 14 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mars 2023, M. A... B..., représenté par Me Loehr, avocate, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces arrêtés ;
4°) de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
5°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation et de le convoquer en vue du dépôt d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de le mettre à ce titre en possession d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation par celui-ci de la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
Concernant la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de la directrice " retour " ainsi que le droit à l'enseignement reconnu aux enfants ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;
Concernant la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Hauts-de-Seine ayant commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
Concernant la décision portant fixation du pays de renvoi :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
Concernant la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ayant commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ayant commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Concernant l'arrêté portant assignation à résidence :
- il est illégal du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et refus de délai de départ volontaire ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle en ce que son éloignement du territoire ne constitue pas une perspective raisonnable au sens des dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses précédentes écritures pour faire valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Albertini,
- et les observations de Me Loehr pour M. A... B..., en présence de l'intéressé.
Une note en délibéré présentée pour M. A... B... a été enregistrée le 11 juillet 2023.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant colombien, né le 27 novembre 1990, déclare être entré régulièrement en France en juillet 2019 muni d'un passeport biométrique le dispensant de visa. Alors qu'il se maintient depuis lors sur le territoire français et qu'il a dépassé la durée de validité de séjour autorisé, le préfet des Hauts-de-Seine, par un arrêté du 6 février 2023, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un arrêté de la même date, le préfet des Hauts-de-Seine l'a assigné à résidence. M. A... B... relève appel du jugement du 14 février 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Selon l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président. ".
3. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de prononcer l'admission de M. A... B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 précité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées dans délai des motifs des décisions individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques, ou de manière générale, constituent une mesure de police (...). ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
5. L'arrêté attaqué vise les textes dont il est fait application, notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il expose également les considérations de fait propres à la situation personnelle du requérant, en particulier le caractère récent de sa présence sur le territoire français, les faibles attaches dont il y bénéficie et l'absence d'obstacle à ce que sa cellule familiale ne soit reconstituée dans son pays d'origine. Par suite, et alors qu'il n'avait pas à exposer de manière exhaustive l'intégralité des éléments de fait propres à la situation personnelle de M. A... B..., l'arrêté litigieux ne peut être regardé comme étant insuffisamment motivé. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée ne peut qu'être écarté.
6. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté querellé ni de tout autre élément versé au dossier que le préfet des Hauts-de-Seine ne se serait pas livré à un examen approfondi et personnalisé de la situation personnelle du requérant avant de prendre à son encontre l'arrêté litigieux. Le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle doit être écarté.
7. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Il en résulte une obligation pour l'étranger se prévalant de ces stipulations, d'apporter tout élément de nature à étayer la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. D'autre part, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. Si M. A... B... soutient résider de manière continue sur le territoire français depuis 2019, accompagné de son épouse et son fils mineur scolarisé en France, d'abord dans une école maternelle, puis dans l'enseignement primaire, et fait valoir que l'exécution de la décision en litige porterait atteinte au droit à l'enseignement de ce dernier, il n'établit toutefois pas, par les pièces qu'il verse à l'instance en appel, que l'exécution de l'arrêté querellé ferait obstacle au prolongement de sa vie familiale et à la scolarisation de son enfant hors de France, notamment en Colombie, pays dont tous les membres de la cellule familiale en cause possèdent la nationalité et dans lequel l'éducation est obligatoire pour les enfants de 5 à 15 ans et gratuite dans les établissements publics, bien que des frais puissent être imputés aux parents qui en ont les moyens. Par ailleurs, et alors qu'il ne démontre au demeurant pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a majoritairement vécu, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir, compte tenu du caractère récent de son entrée sur le territoire, qu'il disposerait de liens personnels suffisamment intenses, durables et stables avec la France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la décision attaquée des stipulations susvisées doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet des Hauts-de-Seine, en l'obligeant à quitter le territoire français, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une telle décision sur la situation personnelle et familiale du requérant doit également être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... B... n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale. Dès lors, l'exception d'illégalité de cette décision soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant refus de délai de départ volontaire n'est pas fondée et doit être écartée.
10. En deuxième lieu et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant refus de délai de départ volontaire doit être écarté.
11. En troisième lieu, M. A... B... reprend en appel, à l'identique et sans élément nouveau, les moyens soulevés en première instance tirés de la méconnaissance de la décision attaquée des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de ce que le préfet des Hauts-de-Seine aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation du requérant en arrêtant une telle décision. Par suite, ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge et exposés au point 13 du jugement attaqué.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant fixation du pays de renvoi :
12. M. A... B..., ainsi qu'il l'a été exposé précédemment, n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'illégalité. Par suite, il n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant fixation du pays de renvoi à raison de cette prétendue illégalité. Ce moyen doit par suite être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... B... n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire serait entachée d'illégalité. Par suite, il n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an mois à raison de cette prétendue illégalité.
14. En deuxième lieu et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté.
15. En troisième lieu et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré de ce que le préfet des Hauts-de-Seine n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de M. A... B... avant de lui interdire de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an doit être écarté.
16. En quatrième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de la décision attaquée des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, déjà soulevés en première instance et à l'appui desquels M. A... B... ne produit ni ne fait état d'aucun élément qui soit de nature ou suffise à remettre en cause l'appréciation motivée du premier juge, doivent dès lors être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et exposés au point 18 du jugement attaqué. Il en va de même pour le moyen tiré de ce que le préfet des Hauts-de-Seine aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions à la situation personnelle de M. A... B....
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :
17. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire n'étant pas illégale, le moyen dirigé contre la décision portant assignation à résidence par la voie de l'exception d'illégalité manque en fait et ne peut qu'être écarté.
18. En deuxième lieu, M. A... B... reprend en appel, à l'identique et sans élément nouveau, les moyens soulevés en première instance tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué et de ce que son édiction n'aurait pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation personnelle. Par suite, ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge et exposés au point 20 du jugement attaqué.
19. En troisième et dernier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ".
20. Si M. A... B... soutient que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en l'assignant à résidence en ce que son éloignement du territoire ne constituerait pas une perspective raisonnable au sens des dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il ne justifie d'aucune circonstance humanitaire qui soit de nature à exclure que son éloignement puisse survenir dans un délai raisonnable, la scolarisation de son fils et ses liens récents avec le territoire français ne pouvant suffire à eux seuls à en constituer un obstacle. Dès lors, c'est sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet des Hauts-de-Seine a pris à son encontre la décision litigieuse. Ce moyen ne peut qu'être écarté.
21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : M. A... B... est admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Villette, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 août 2023.
Le président-assesseur,
O. MAUNYLe président-rapporteur,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE00516002