Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé en cas d'exécution d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, en l'informant qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, et d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder à un réexamen de sa situation administrative.
Par un jugement n° 2205443 du 22 août 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 13 juillet 2022 et enjoint au préfet du Val-d'Oise ou à tout autre préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 septembre 2022, le préfet du Val-d'Oise demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. C... B... présentée au tribunal.
Il soutient qu'il justifie que le tribunal administratif de Versailles était incompétent ; qu'il a retenu à tort le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mauny a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant vénézuélien né le 3 septembre 1983, a déclaré être entré sur le territoire français en 2016. Il a demandé l'asile, qui lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 26 février 2018 puis la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 26 juin 2018. Il a été interpellé le 13 juillet 2022 et a fait l'objet le jour même d'un arrêté par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé en cas d'exécution d'office et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an en l'informant qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Par un jugement, dont le préfet du Val-d'Oise fait appel, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes du second alinéa de l'article R. 312-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'il n'a pas été fait application de la procédure de renvoi prévue à l'article R. 351-3 et que le moyen tiré de l'incompétence territoriale du tribunal administratif n'a pas été invoqué par les parties avant la clôture de l'instruction de première instance, ce moyen ne peut plus être ultérieurement soulevé par les parties ou relevé d'office par le juge d'appel ou de cassation ". Il ressort des pièces du dossier que ni M. B... ni le préfet du Val-d'Oise n'ont soulevé en première instance l'incompétence territoriale du tribunal administratif de Versailles. Par conséquent, le préfet n'est pas recevable à soulever ce moyen pour la première fois en appel, en application des dispositions précitées.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
4. S'il ressort des pièces du dossier que M. B... serait entré en France en 2016, qu'il y travaille en tant que plombier dans l'entreprise gérée par sa sœur et que résident sur le territoire la sœur et le beau-frère de M. B..., qui sont en situation régulière, ainsi que son ex-compagne et ses deux fils nés 2004 et 2006, qui sont scolarisés, il en ressort également que M. B... s'est maintenu sur le territoire en situation irrégulière après le rejet de sa demande d'asile par l'OFPRA puis la CNDA en 2018. Il en ressort également que l'ex-compagne de M. B... a elle-même été déboutée du droit d'asile et se maintient sur le territoire en situation irrégulière. Enfin, même si les enfants de M. B... sont scolarisés, l'ensemble de la famille a vécu au Venezuela jusqu'en 2016 et il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait pas s'y reconstituer. Eu égard à la durée et aux conditions du séjour de M. B... en France, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a accueilli les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a donc lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. B....
5. Par un arrêté du 13 mai 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Val-d'Oise, M. D... A..., chef de la section éloignement/Comex, a reçu délégation du préfet pour signer la décision attaquée en cas d'absence ou d'empêchement du directeur des migrations et de l'intégration ou de son adjointe. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté.
6. L'arrêté du 13 juillet 2022 vise et mentionne les textes applicables à la situation de M. B... et comporte des éléments circonstanciés sur sa situation administrative, familiale et personnelle. Il est donc suffisamment motivé en droit et en fait. En outre, il ne ressort ni des termes de l'arrêté ni des autres pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen suffisant de sa situation.
7. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
8. Il ressort des pièces du dossier que, lors de son audition par les services de police le 13 juillet 2022, M. B... a été interrogé sur sa situation personnelle et administrative, sur les conditions de son entrée et de son séjour en France, sur la possibilité d'un retour volontaire au Venezuela et a été invité à présenter des observations. Il n'a pas présenté d'observation supplémentaire et n'allègue pas davantage qu'il aurait vainement tenté de porter à la connaissance de l'administration des éléments pertinents relatifs à sa situation. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Val-d'Oise aurait méconnu son droit d'être entendu doit être écarté.
9. Enfin, eu égard à ce qui a été exposé au point 4 et faute pour M. B..., qui déclare être entré en France en 2016 à l'âge de 33 ans et s'y est maintenu en situation irrégulière après le rejet de sa demande d'asile en 2018, de justifier d'attaches personnelles et d'efforts d'intégration d'une particulière intensité sur le territoire, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val-d'Oise est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Versailles du 22 août 2022 et le rejet des conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par M. B... devant ce tribunal.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2205443 du 22 août 2022 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La demande de M. B... présentée au tribunal administratif de Versailles est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... B....
Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président-assesseur,
Mme Villette, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 août 2023.
Le rapporteur,
O. MAUNYLe président,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE02261002