Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 23 octobre 2020 par laquelle le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de regroupement familial, d'enjoindre au préfet de l'Essonne d'accorder le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse, Mme A... D..., et de délivrer à cette dernière un titre de séjour dans le délai de trois mois suivant la notification du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 2007530 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2022, M. C..., représenté par Me Deval, avocat, demande à la cour :
1°) d'infirmer ce jugement et d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision préfectorale contestée ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de faire droit à la demande de regroupement familial et, subséquemment, de délivrer un titre de séjour à Mme A... D..., épouse C... ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision est intervenue après un délai d'instruction dilatoire, elle n'est pas intervenue dans un délai raisonnable et méconnait les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les conditions de ressources devant s'apprécier au jour de la décision et non à celui du dépôt de la demande.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Albertini,
- et les observations de Me Deval pour M. C..., en présence de l'intéressé.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien né le 10 septembre 1955 à Tachouaft Bouhamza (Algérie) a présenté, au cours de l'année 2019, une demande de regroupement familial en faveur de son épouse, Mme A... D..., ressortissante russe avec laquelle il s'est marié le 24 mars 2018. Par une décision du 23 octobre 2020, le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande au motif que la condition tenant aux ressources n'était pas remplie. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance (...) ".
3. Il résulte de ces stipulations que la condition de ressources est satisfaite lorsque le demandeur et son conjoint justifient de ressources au moins égales au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), quelle que soit la composition de la famille. En vertu des dispositions des articles R. 411-4 et R. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compatibles sur ce point avec les stipulations de l'accord franco-algérien ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, le caractère suffisant des ressources du demandeur et de son conjoint, qui alimenteront de façon stable le budget de la famille, est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période. Lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période de référence, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre en compte l'évolution des ressources du foyer du demandeur, si elle lui est favorable.
4. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'enquête réalisée par les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le revenu perçu par M. C... s'est élevé, en moyenne, à 825,41 euros mensuels sur la période des douze mois qui ont précédé la demande de regroupement familial qu'il a déposée le 6 août 2019 d'après les indications figurant sur le formulaire soumis à l'administration, l'intéressé ne justifiant, en particulier, d'aucun revenu entre les mois d'août 2018 et février 2019. Toutefois, M. C... fait valoir en appel que ses revenus ont considérablement progressé au cours de l'année 2019, puis au cours de l'année 2020 jusqu'à la date de la décision en litige. Il ressort des pièces produites devant la cour, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, que la stablité de ses revenus, qui ont toujours été supérieurs au salaire minimum interprofessionnel de croissance et sont sufisants pour subvenir aux besoins de sa famille, y compris après son admission à la retraite, est suffisamment établie par les pièces du dossier, au demeurant non contestées en défense par le préfet de l'Essonne, qui a eu communication de la requête. Par suite, la stabilité et le caractère suffisant des ressources de M. C... étant suffisamment établie par les pièces du dossier, le préfet de l'Essonne a entaché d'une erreur manisfete d'appréciation la décision rejetant sa demande de regroupement familial en faveur de son épouse, Mme A... D..., de nationalité russe. Il y a lieu, par suite, d'en prononcer l'annulation.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Essonne du 23 octobre 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Compte tenu du motif d'annulation retenu, et en l'absence de contestation du préfet quant aux autres conditions mises au regroupement familial en application des stipultions citées au point 2, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit fait droit à la demande de regroupement familial présentée par M. C.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Essonne d'accorder le regroupement familial au bénéfice de Mme A... D..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais de l'instance :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2007530 du 18 juillet 2022 du tribunal administratif de Versailles et la décision du préfet de l'Essonne du 23 octobre 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne d'admettre Mme A... D... au bénéfice du regroupement familial, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Villette, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 août 2023.
Le président assesseur,
O. MAUNYLe président rapporteur,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE02229002