Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B..., a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être éloigné à l'expiration de ce délai, d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de sept jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve pour son conseil de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Par un jugement n° 2204745 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 décembre 2022 et le 30 mai 2023, M. A... B..., représenté par Me Magdelaine, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté en litige en tant qu'il porte refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois sous astreinte de 300 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration est irrégulier car la signature du docteur D... est illisible ; il n'est pas possible de s'assurer que l'avis a été pris par un collège de médecins compétents ;
- il méconnaît les articles L. 452-9 et L. 611-3-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; sa pathologie est d'une exceptionnelle gravité ; la préfecture a considéré à tort que le défaut de prise en charge n'entrainerait pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité, en contradiction avec l'avis du collège de médecins du 23 novembre 2021 ; le traitement ne sera pas accessible au Cameroun ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2023, le préfet des Yvelines conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles du 8 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
-le rapport de M. Mauny, rapporteur ;
-les observations de Me Hunet-Siclaire pour M. A... B....
M. A... B... a produit une note en délibéré le 26 juin 2023.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... B..., ressortissant camerounais né le 19 décembre 1940, a déclaré être entré en France le 22 septembre 2015. Il a sollicité le 3 août 2017 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en raison de son état de santé. Par un arrêté du 29 juin 2018, le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être éloigné à l'expiration de ce délai. Par un jugement rendu le 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de réexaminer la situation de l'intéressé. M. A... B... s'est vu délivrer un titre de séjour le 12 juin 2020 valable jusqu'au 11 juin 2021. Par un arrêté daté du 3 janvier 2022, le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être éloigné à l'expiration de ce délai. Par un jugement du 15 septembre 2022, dont M. A... B... fait appel, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande aux fins d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " .
3. Il résulte de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration du 23 novembre 2021 que l'état de santé de M. A... B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'un traitement était disponible dans son pays d'origine. Le préfet, dans son arrêté du 3 janvier 2022, a toutefois estimé, en se référant au même avis, que l'état de santé de M. A... B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers le Cameroun. Le même arrêté précise ensuite que, après étude de sa demande, l'intéressé ne peut pas prétendre à la délivrance d'un titre sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au regard de l'erreur ainsi commise tant quant à la portée de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration que dans l'appréciation la situation de M. A... B..., qui souffre d'une pathologie cardiovasculaire sévère nécessitant non pas seulement un suivi mais aussi la prise de plusieurs médicaments quotidiennement et dont l'état pourrait nécessiter une intervention chirurgicale particulièrement lourde et risquée, le requérant est fondé à soutenir que le préfet a entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions précitées et que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande aux fins d'annulation de l'arrêté du 3 janvier 2022. Il y a donc lieu pour la cour, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... B... en première instance et en appel, d'annuler cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
4. Eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet de réexaminer la demande de M. A... B... dans un délai de 3 mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu en revanche d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ou d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser au conseil de M. A... B... sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du préfet des Yvelines du 3 janvier 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Yvelines de réexaminer la demande de M. A... B... dans un délai de 3 mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. A... B..., sous réserve qu'elle renonce à la contribution au titre de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : le surplus des conclusions de M. A... B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au Préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président-assesseur,
Mme Villette, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 août 2023.
Le rapporteur,
O. MAUNYLe président,
P.-L. ALBERTINI
La greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 22VE02809002