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24/08/2023 | FRANCE | N°22VE00973

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 24 août 2023, 22VE00973


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 23 août 2019 du préfet du Val-d'Oise portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement

à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 23 août 2019 du préfet du Val-d'Oise portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2002468 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 avril 2022, M. A..., représenté par Me David, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val d'Oise de procéder à la délivrance d'un titre de séjour portant mention " salarié ", à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me David au titre des frais irrépétibles engagés pour l'instance et non compris dans les dépens, par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement n'a pas été signé par le rapporteur ;

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions attaquées :

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

- les décisions sont insuffisamment motivées.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- le préfet a examiné sa demande sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il a présenté sa demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du même code ;

- la décision est entachée d'erreur de fait en ce qu'elle indique qu'il ne justifie pas de sa présence ininterrompue sur le territoire français de l'année 2016 au premier trimestre 2019 ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision porte une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale et méconnait, ce faisant, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui la fonde et dont il entend également se prévaloir par la voie de l'exception ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui la fonde et dont il entend également se prévaloir par la voie de l'exception ;

- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet du Val-d'Oise qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 26 décembre 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale de l'Etat par décision sur recours du 24 mars 2022.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Albertini a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... ressortissant de la République démocratique du Congo né le 13 septembre 1984, est entré en France le 26 mai 2014, selon ses déclarations. Le 9 avril 2019, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 23 août 2019, le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Aux termes de l'article 5 du décret du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, qui était encore en vigueur à la date de la mise à disposition du jugement : " Par dérogation aux articles R. 741-7 à R. 741-9 du code de justice administrative, la minute de la décision peut être signée uniquement par le président de la formation de jugement ".

3. D'une part, le jugement attaqué, qui vise le décret du 18 novembre 2020, pouvait n'être signé que de la présidente de la formation de jugement en application des dispositions précitées de l'article 5 de ce décret. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement est signée, et la circonstance que l'expédition du jugement qui a été notifiée à M. A... ne comporte pas cette signature est sans incidence sur la régularité de ce jugement. Par suite, la circonstance que le jugement ne soit pas signé par la rapporteure, compte tenu des dispositions citées au point précédent, est sans incidence sur sa régularité et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions attaquées :

3. En premier lieu, l'arrêté contesté est revêtu de la signature de Mme B... E..., adjointe au directeur des migrations et de l'intégration de la préfecture du Val-d'Oise. Par l'arrêté n° 19-028 en date du 17 juin 2019, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le Val-d'Oise, le préfet de ce département a donné délégation à Mme E... à l'effet de signer, notamment, " toute obligation de quitter le territoire français (...) avec fixation ou non d'un délai de départ volontaire, toute décision fixant le pays de destination (...) tout arrêté de refus de délivrance de titre de séjour ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

4. En second lieu, les décisions portant refus de titre de séjour et fixant le pays de destination visent les textes dont il est fait application et comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet, qui n'avait pas à faire état de tous les éléments caractérisant la situation personnelle du requérant a, ainsi, suffisamment motivé ses décisions. En outre, en vertu des dispositions du I de l'article L 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la mesure d'éloignement qui assortit une décision de refus de séjour n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique dès lors que cette dernière décision est elle-même suffisamment motivée. Il s'ensuit que le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

5. En premier lieu si, lorsqu'il est saisi d'une demande de titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit que le préfet a également examiné la demande de M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors même qu'il n'avait présenté aucune demande à ce titre. Le moyen doit être écarté.

6. En deuxième lieu, si M. A... soutient encore en appel que le préfet a commis une erreur de fait en considérant qu'il ne justifie pas de sa présence ininterrompue sur le territoire français de l'année 2016 au premier trimestre 2019, il n'établit pas par la seule production d'un avis d'imposition, d'un courrier de l'assurance maladie, d'une quittance du service des objets trouvés, de documents médicaux, de relevés bancaires, de documents déclaratifs établis par lui-même et de factures de supermarchés, sa présence ininterrompue en France au cours des années 2017, 2018 et du premier trimestre de l'année 2019. Par suite, le moyen doit être écarté.

7. En troisième lieu, M. A... fait valoir qu'il réside sur le territoire français depuis l'année 2014, qu'il y a fixé l'essentiel de ses intérêts personnels et professionnels et que son futur employeur lui a fourni l'ensemble des documents nécessaires au dépôt de sa demande en préfecture. Toutefois, la résidence habituelle de l'intéressé en France n'est pas suffisamment établie ainsi qu'il a été dit au point 5, au cours de l'intégralité de la période alléguée. En outre, si le requérant produit une promesse d'embauche et une demande d'autorisation de travail datées du mois d'avril 2019, afin de conclure un contrat à durée indéterminée avec la société AFJ pour occuper un emploi d'ouvrier polyvalent, il ne justifie d'aucune activité professionnelle antérieure sur le territoire français, alors qu'il soutient résider en France depuis l'année 2014. Les autres pièces produites au soutien de ses allégations ne permettent pas davantage de démontrer son intégration ou l'existence d'attaches sur le territoire français, alors que M. A... est sans charge de famille en France et n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où résident sa concubine, ses trois enfants mineurs, ses parents ainsi que l'ensemble de sa fratrie et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. Dans ces conditions, une atteinte disproportionnée n'a pas été portée au respect de sa vie privée et familiale et la décision en cause n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Compte tenu de ce qui précède, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Pour les raisons exposées au point 7, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la l'obligeant à quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale et qu'elle méconnaitrait, ce faisant, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

9. En premier lieu, si le requérant excipe de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français pour demander l'annulation de la décision fixant le délai de départ volontaire, il n'invoque par voie d'exception aucun autre moyen que ceux déjà développés, écartés par voie d'action. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, soulevé à l'encontre de la décision fixant le délai de départ volontaire doit, dès lors, être écarté.

10. En second lieu, pour les raisons exposées au point 7, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision porte une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale et méconnait, ce faisant, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, si le requérant excipe de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination, il n'invoque par voie d'exception aucun autre moyen que ceux déjà développés, écartés par voie d'action. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination doit, dès lors, être écarté.

12. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

13. M. A... soutient qu'il craint d'être exposé à des persécutions de la part des autorités en cas de retour dans son pays d'origine, en raison des opinions politiques qui lui sont imputées. Il ne produit toutefois aucun élément probant au soutien de ses allégations alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 février 2015, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 9 novembre 2015. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Villette, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 août 2023.

Le président-assesseur,

O. MAUNYLe président-rapporteur

P.-L. ALBERTINI

La greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 22VE00973002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00973
Date de la décision : 24/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-08-24;22ve00973 ?
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