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24/08/2023 | FRANCE | N°21VE00813

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 24 août 2023, 21VE00813


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Free mobile a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2019 par lequel le maire de la commune d'Yerres s'est opposé à sa déclaration préalable concernant l'implantation d'antennes-relais sur le toit d'un bâtiment situé 84 rue Pierre Brossolette.

Par un jugement n° 1908937 du 25 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le

s 4 mars 2021 et 22 octobre 2021, la commune d'Yerres, représenté par Me Chaussade, avocat, demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Free mobile a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2019 par lequel le maire de la commune d'Yerres s'est opposé à sa déclaration préalable concernant l'implantation d'antennes-relais sur le toit d'un bâtiment situé 84 rue Pierre Brossolette.

Par un jugement n° 1908937 du 25 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 mars 2021 et 22 octobre 2021, la commune d'Yerres, représenté par Me Chaussade, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Free mobile devant le tribunal administratif de Versailles ;

3°) de mettre à la charge de la société Free mobile la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur la substitution de motifs qu'elle avait sollicitée ;

- les moyens soulevés en première instance, relatifs à l'incompétence de l'auteur de l'acte et à son défaut de motivation sont infondés ;

- à supposer que l'arrêté en litige soit entaché d'une erreur d'appréciation en ce qui concerne l'application de l'article UE11 du plan local d'urbanisme, il devra être considéré que le projet de la société Free mobile méconnaissait aussi l'article UE10 de ce plan.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 juillet 2021 et 10 octobre 2022, la société Free mobile, représentée par Me Martin, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Yerres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à supposer même que l'omission à statuer soit constituée, les autres moyens soulevés par la commune d'Yerres sont infondés ;

- l'arrêté du 1er octobre 2019 est insuffisamment motivée, entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;

- son projet ne méconnaît part l'article UE10 du plan local d'urbanisme communal.

Par ordonnance du président de la 6ème chambre du 16 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 17 octobre 2022 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Villette,

- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 1er octobre 2019, le maire de la commune d'Yerres s'est opposé à la déclaration préalable déposée par la société Free mobile en vue de l'installation d'antennes-relais sur le toit d'un bâtiment situé 84 rue Pierre Brossolette. La commune d'Yerres relève appel du jugement du 25 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des termes du jugement attaqué que, pour annuler la décision du maire de la commune d'Yerres, le tribunal administratif de Versailles s'est fondé exclusivement sur l'erreur d'appréciation commise par le maire dans l'application de l'article UE11 du plan local d'urbanisme, relatif à l'insertion des travaux dans leur environnement urbain, sans se prononcer sur le moyen qui était invoqué en défense tiré de ce que la décision était légalement justifiée par l'application des dispositions de l'article UE10 du même plan, relatifs aux règles de hauteur des constructions et que ce motif pouvait être substitué à celui censuré par le juge le cas échéant. Ce moyen avait été soulevé avant la clôture de l'instruction et soumis au contradictoire des parties. Par suite, la commune d'Yerres est fondée à soutenir que le jugement contesté est irrégulier comme étant entaché d'une omission à statuer. Ce jugement doit en conséquence être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Free mobile devant le tribunal administratif de Versailles.

Sur la légalité de l'arrêté du 1er octobre 2019 :

4. En premier lieu, par un arrêté du 24 juillet 2017, publié le même jour, Mme A..., auteur de l'arrêté en litige et troisième adjointe au maire, a reçu délégation du maire de la commune d'Yerres aux fins de signer tous les actes de la commune en matière d'urbanisme. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté du 1er octobre 2019 doit être écarté.

5. En deuxième lieu, la seule circonstance que le maire n'aurait pas décrit l'environnement urbain auquel les travaux étaient de nature à porter atteinte ne permet pas de regarder l'arrêté en litige comme insuffisamment motivé. L'arrêté rappelle l'article UE11 du plan local d'urbanisme et qualifie l'atteinte porté par les travaux à cet environnement de telle sorte que la société Free mobile pouvait utilement contester cette décision. Dès lors le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article UE11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Yerres : " Rappel : En application de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions par leur situation, leur architecture, leur dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier sont de nature à porter atteinte ai caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. Les constructions doivent être conformes aux prescriptions présentées ci-dessous. (...) Les antennes d'émission ou de réceptions des signaux radioélectriques (antennes, paraboles, ...) devront être installées obligatoirement en toiture de la façade la moins visible possible depuis l'espace public. (...) Elles doivent avoir une couleur qui s'intègre avec ka partie de la construction sur laquelle elles sont fixées ".

7. D'une part, contrairement à ce que soutient la société Free mobile, ces dispositions permettaient au maire de s'opposer à tout projet d'antenne-relais qui par leur situation, leur architecture, leur dimension ou leur aspect extérieur serait de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, nonobstant la circonstance que ces antennes seraient installées sur la façade la moins visible de l'espace public et présenteraient une couleur similaire à la construction sur laquelle elles s'implantent.

8. D'autre part, en revanche, ni la construction sur laquelle s'implantent les antennes prévues par la société Free mobile, ni les lieux avoisinants d'aspect disparate ne présentent de caractère particulier. Les antennes seront camouflées dans des cheminées en résine d'aspect similaire aux cheminées déjà présentes sur le bâtiment situé 84 rue Pierre Brossolette et seront implantées en retrait des façades. Dès lors, la société Free mobile est fondée à soutenir que le maire a commis une erreur d'appréciation en s'opposant à sa déclaration préalable sur le fondement des dispositions précitées.

9. Néanmoins, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existante à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

10. Aux termes de l'article UE10 du règlement du plan local d'urbanisme : " " 10-1 Définition : La hauteur des constructions est mesurée à partir du sol existant jusqu'au point le plus haut, ouvrages techniques et autres superstructures compris, à l'exception des cheminées. Le calcul de la hauteur s'effectue en tout point de la construction. (...) 10-2-2 : Pour les constructions situées en bordure des rues de Concy, de Mendig, des Lauriers, Gabriel Péri et Pierre Brossolette. A l'intérieur d'une bande de 25 mètres mesurée au droit de l'alignement de ces rues : - le nombre de niveaux est égal à R + 1 + combles, ou R+1+ un étage en attique avec un retrait minimum de 1.5 m ; - la hauteur de la construction ne peut dépasser 6 mètres à l'égout ou à l'acrotère du deuxième niveau et 9 mètres au point le plus haut. / Toutefois, pour les constructions dont le linéaire de façade sur rue ou parallèle à la rue est supérieur à 20 mètres, la hauteur maximum est fixée à R+2+combles ou un étage en attique, soit 9 mètres à l'égout du toit ou à l'acrotère et 14 mètres au point le plus haut, sur une emprise correspondant à 50 % maximum de l'emprise située le long de la voie ou parallèlement à la voie, dans la bande des 25 mètres. / Au-delà d'une bande de 25 mètres mesurée à partir de l'alignement de ces rues : La hauteur des constructions ne peut excéder 5 mètres à l'égout du toit et 9 mètres au faîtage. (...) 10-3 Règles particulières : 10-3-1 : Lorsqu'une construction existante à la date d'approbation du présent règlement (le 23/06/11) ne respecte pas les dispositions fixées au 10-2, les travaux de rénovation, réhabilitation et extension sont autorisés à condition que les hauteurs à l'égout et au faîtage de la construction après travaux ne dépasse pas les hauteurs à l'égout et au faîtage de la construction existante à la date d'approbation du présent règlement (le 23/06/11). "

11. Lorsqu'une construction existante n'est pas conforme à une ou plusieurs dispositions d'un plan local d'urbanisme régulièrement approuvé, un permis de construire ne peut être légalement délivré pour la modification de cette construction, sous réserve de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, que si les travaux envisagés rendent l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues ou s'ils sont étrangers à ces dispositions.

12. La commune d'Yerres soutient qu'elle aurait également pu s'opposer aux travaux envisagés par la société Free mobile, sur le fondement des dispositions précitées. Il est constant que le bâtiment sur lequel ont vocation à être installées les antennes-relais en cause, d'un linéaire de façade inférieur à 20 mètres, méconnaît les dispositions de l'article UE10 dès lors qu'il présente une hauteur à l'égout du toit de 9,10 mètres et de 13,20 mètres au point le plus haut, à savoir l'antenne de télévision. L'exception prévue par ces dispositions pour les cheminées ne s'appliquent pas aux ouvrages techniques tels les antennes-relais, même camouflés par une cheminée factice. En outre, les travaux contestés ne constituent pas une extension de la construction existante pouvant bénéficier des dispositions de l'article 10-3-1 du règlement du plan local d'urbanisme. Par suite, dès lors que les travaux envisagés par la société Free mobile, qui comprennent la pose de six cheminées factices dont le point le plus haut est situé à 12,20 mètres du sol, ne rendent pas l'immeuble plus conforme aux dispositions de l'article UE 10-2-2 précité, la commune d'Yerres est fondée à soutenir qu'elle pouvait s'opposer à ces travaux sur ce fondement. Il y a lieu de faire droit à la substitution de motif sollicitée.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Free Mobile n'était pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 1er octobre 2019.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Free mobile demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Free Mobile une somme de 2 000 euros à verser à commune de Yerres sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1908937 du 25 janvier 2021 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Free mobile devant le tribunal administratif de Versailles ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La société Free mobile versera à la commune d'Yerres une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Yerres et à la société Free mobile.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président

M. Mauny, président assesseur,

Mme Villette, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 août 2023.

La rapporteure,

A. VILLETTELe président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE00813


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00813
Date de la décision : 24/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Régimes de déclaration préalable. - Déclaration de travaux exemptés de permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Anne VILLETTE
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : PAMLAW - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-08-24;21ve00813 ?
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