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06/07/2023 | FRANCE | N°19VE00101

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 06 juillet 2023, 19VE00101


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Villebon-sur-Yvette a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, de condamner in solidum les sociétés APSI, Etablissements Paul Larue, Bureau Veritas Construction et Hora à lui verser, d'une part, la somme de 165 262,36 euros au titre des désordres subis par la maison de l'enfance et de la famille et, d'autre part, la somme de 11 003,20 euros au titre des dépens, à titre subsidiaire, de condamner les sociétés APSI, Etablissements Paul Larue, Bureau Veritas Constructi

on et Hora à lui verser respectivement 40 %, 40 %, 10 % et 10 % de la so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Villebon-sur-Yvette a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, de condamner in solidum les sociétés APSI, Etablissements Paul Larue, Bureau Veritas Construction et Hora à lui verser, d'une part, la somme de 165 262,36 euros au titre des désordres subis par la maison de l'enfance et de la famille et, d'autre part, la somme de 11 003,20 euros au titre des dépens, à titre subsidiaire, de condamner les sociétés APSI, Etablissements Paul Larue, Bureau Veritas Construction et Hora à lui verser respectivement 40 %, 40 %, 10 % et 10 % de la somme de 176 265,56 euros, d'assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la survenance du dommage et de mettre in solidum à la charge des sociétés APSI, Etablissements Paul Larue, Bureau Veritas Construction et Hora la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1604681 du 12 novembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a condamné in solidum les sociétés APSI, Etablissements Paul Larue et Bureau Veritas Construction à verser à la commune de Villebon-sur-Yvette la somme de 171 554,07 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2016, a condamné la société Etablissements Paul Larue, la société Bureau Veritas Construction et la société Hora à garantir la société APSI à hauteur respectivement de 40 %, 10% et 10 % de cette condamnation, a condamné les sociétés APSI, Bureau Veritas Construction et Paul Larue à verser solidairement à la commune de Villebon-sur-Yvette une somme de 9 341,98 euros au titre des dépens et a mis à la charge solidaire des sociétés APSI, Etablissements Paul Larue et Bureau Veritas Construction la somme de 5 000 euros à verser à la commune de Villebon-sur-Yvette au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la charge de la commune de Villebon-sur-Yvette la somme de 1 500 euros à verser à la société Hora au titre de ces mêmes dispositions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 10 janvier 2019, 17 janvier 2019, 22 mai 2019, 11 juin 2019, 17 juillet 2019, 29 avril 2021 et 25 mai 2021, la société Bureau Veritas Construction, représentée par Me Draghi-Alonso, avocate, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement en tant qu'il l'a condamnée in solidum avec les autres constructeurs à verser à la commune de Villebon-sur-Yvette la somme de 171 554,07 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2016, et à garantir la société APSI à hauteur de 10 % de cette condamnation et de rejeter toutes les demandes de condamnation et de garantie formées à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer ce jugement et de limiter le montant des réparations accordé à la commune de Villebon-sur-Yvette à la somme de 22 667,92 euros TTC, de limiter la quote-part de responsabilité pouvant être retenue à son encontre à 10 % des condamnations prononcées et de condamner in solidum les sociétés APSI, Etablissement Paul Larue électricité générale et Hora à la garantir de toutes condamnations au-delà de cette somme ;

3°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 5 000 euros, à parfaire, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- sa responsabilité, tant contractuelle que décennale, ne pouvait pas être engagée dès lors qu'il résulte du rapport d'expertise que le désordre litigieux trouve sa cause exclusive dans un défaut de mise en œuvre par la société APSI des dalles de faux-plafonds en raison d'une manutention les ayant abimées ; en tant que contrôleur technique, ses missions ne s'exercent que dans les limites fixées par l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation, par la norme NF P 03-100 et par la convention de contrôle technique passée avec la commune de sorte qu'elle n'avait pas à examiner les dalles de faux-plafond, ni les conditions de leur stockage, manutention et mise en œuvre, qui étaient les seules causes du sinistre ; elle a parfaitement rempli ses obligations contractuelles ; elle n'aurait pu, en tout état de cause, déceler une détérioration de certaines dalles de faux-plafonds ;

- eu égard à son absence de liens contractuels avec les locateurs d'ouvrages et à la particularité de l'intervention du contrôleur technique, toute demande de condamnation formée à son encontre doit être rejetée ; conformément à l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, le contrôleur technique n'est tenu de supporter, vis-à-vis des constructeurs, la réparation de dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage ; c'est donc à tort que le tribunal administratif l'a condamnée in solidum avec les autres intervenants à l'opération de construction ; sa responsabilité aurait dû être limitée à 10 % des condamnations retenues par le tribunal administratif, comme le proposait d'ailleurs l'expert judiciaire ;

- à titre subsidiaire, les travaux réparatoires ont été fixés par l'expert à la somme de 13 467,92 euros TTC, auquel il convient d'ajouter le coût d'intervention du laboratoire Ginger BTP à hauteur de la somme de 9 200 euros ; la commune ne justifie pas d'un préjudice de jouissance, de sorte qu'il convient de limiter le montant de l'indemnité totale à octroyer à la commune à la somme de 22 667,92 euros TTC.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2019, la société Etablissements Paul Larue, représentée par Me Lamadon, avocate, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à indemniser la commune de Villebon-sur-Yvette ;

2°) à titre subsidiaire, de reformer ce jugement en limitant toute condamnation prononcée à son encontre à 5 % du montant des sommes allouées ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Villebon-sur-Yvette la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal administratif a retenu la responsabilité du contrôleur technique ;

- sa responsabilité décennale ne peut être engagée dès lors qu'il n'est pas établi que son intervention est à l'origine du sinistre ; les plaques de plâtre, qui ont été fournies et posées par la société Etablissements Paul Larue n'ont fait l'objet d'aucune réserve ni d'aucun constat de dégradation, que ce soit en 2007 après leur pose ou au moment de leur examen en juin 2009 à l'occasion du premier sinistre lié aux suspentes ; des dégradations de plaques ont été constatées en décembre 2009 après l'intervention de la société APSI à l'occasion des travaux de reprise ; par suite, les défauts de manutention qui ont endommagé certaines plaques ne lui sont pas imputables mais sont imputables à la société APSI intervenue dans le cadre de la reprise ;

- à titre subsidiaire, il y a lieu, compte tenu de ces éléments, de limiter l'engagement de sa responsabilité à hauteur de 5 %.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 avril 2019, 16 avril 2021, 5 décembre 2022 et 6 février 2023, la société Hora, représentée par Me Bock, avocate, puis par Me Leprêtre, la représentant en sa qualité de liquidateur, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à garantir la société APSI à hauteur de 10 % des condamnations mises à sa charge et de la mettre hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer ce jugement en limitant l'engagement de sa responsabilité à hauteur de 5 %, voire de 10 % de la condamnation et en cas de condamnation prononcée à son encontre, de condamner les sociétés APSI, Etablissements Paul Larue et Bureau Veritas Construction à la garantir en totalité, y compris au titre des intérêts légaux qui seraient dus ;

3°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant de l'engagement de sa responsabilité à hauteur de 10 % ;

- les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Bureau Veritas Construction à son encontre sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ;

- sa responsabilité ne peut être engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil dès lors dès lors qu'elle n'intervient pas comme un locateur d'ouvrage, à l'instar des sociétés Etablissement Paul Larue, APSI et Bureau Veritas Construction mais comme un simple fournisseur de dalles ;

- sa responsabilité ne peut pas davantage être recherchée sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil dès lors qu'elle n'intervient pas comme fabricant de dalles, celles-ci n'ayant pas été conçues et fabriquées spécifiquement pour ce chantier ;

- en tout état de cause, elle ne peut être condamnée à garantir la société APSI à hauteur de 10 % des condamnations prononcées au profit de la commune dès lors que les dalles qu'elle a fournies n'étaient pas défectueuses, le désordre résultant de l'endommagement des plaques lors du transport et/ou de la pose ; aucune réserve n'a d'ailleurs été émise sur les dalles par l'entreprise qui en a pris possession ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a accueilli la demande d'indemnisation de la commune au titre des frais de reprise des désordres à hauteur de 26 925,31 euros alors que ce montant comprend également des travaux de sécurisation qu'il ne revient pas aux constructeurs de réparer dans le cadre de la garantie décennale ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a accueilli la demande d'indemnisation de la commune au titre du préjudice de jouissance à hauteur de 138 336,55 euros dès lors que la commune n'établit pas le lien de causalité entre ce préjudice et les désordres en cause ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a accueilli la demande d'indemnisation de la commune au titre de l'analyse des dalles à hauteur de 11 003,20 euros TTC dès lors que cette analyse n'a pas permis d'identifier l'existence des prétendus dommages généralisés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 mai 2019, 17 juin 2019, 29 juillet 2019 et 17 mai 2021, la commune de Villebon-sur-Yvette, représentée par le cabinet Richer et Associés droit public, avocats, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Bureau Veritas Construction ainsi que les appels incidents formés par les autres parties ;

2°) de mettre à la charge des sociétés Bureau Veritas Construction et Hora la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité décennale de la société Bureau Veritas Construction est engagée dès lors que l'expert a reconnu sa part de responsabilité en raison d'un défaut de contrôle ; sa mission ne se limitait pas au seul renforcement des ossatures et des suspentes des faux plafonds mais portait sur le renforcement des plafonds et la solidité des ouvrages et éléments d'équipements dissociables et indissociables ; elle devait assurer des visites régulières sur place pendant l'exécution des travaux et vérifier les installations en fin de travaux ;

- la société Bureau Veritas Construction doit être condamnée à réparer in solidum avec les autres constructeurs le dommage dès lors qu'elle a concouru à sa survenance, ainsi que cela résulte du rapport d'expertise, quel que soit le fondement de responsabilité mis en œuvre ou l'existence ou non de liens contractuels avec les autres responsables du dommage ; l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation ne fait pas obstacle à la condamnation in solidum du contrôleur technique, cette disposition ne prévoyant une répartition des responsabilités que dans les rapports entre les constructeurs ; l'article 1792 du code civil fait peser sur le contrôleur technique une présomption de responsabilité ;

- la réalité des préjudices à hauteur de 26 925,31 euros au titre de la reprise des désordres, de 133 625,56 euros au titre du trouble de jouissance, de 11 003,20 euros au titre des frais d'analyse qu'elle a avancés et de 9 341,98 euros TTC au titre des frais d'expertise est établie par les pièces du dossier produites en première instance.

La requête a été communiquée à la société APSI qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par un courrier du 15 juin 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel en garantie de la société Bureau Veritas Construction, présentées pour la première fois en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le :

- le code civil ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Janicot,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Sainte Thérèse, substituant Me Landot pour la commune de Villebon-sur-Yvette et celles Me Lamadon pour la société Etablissements Paul Larue.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Villebon-sur-Yvette a conclu un marché public de travaux pour la construction d'un ensemble immobilier à vocation de crèche collective, garderie et ludothèque, appelé la maison de l'enfance et de la famille, la société Etablissements Paul Larue étant chargée du lot " électricité, et la société Bureau Veritas Construction du contrôle technique. Alors que l'ouvrage avait été réceptionné sans réserves et avait été ouvert au public le 15 juin 2007, deux rangées de dalles du faux plafond se sont effondrées le 24 mai 2009 occasionnant la fermeture provisoire du site. Des travaux de reprise des dalles ont été réalisés par la société APSI qui ont permis la réouverture du site au public le 10 septembre 2009. Toutefois, le 16 décembre 2009, l'effondrement d'une dalle du faux plafond s'est à nouveau produit conduisant à une nouvelle fermeture du site le 8 janvier 2010. Le président du tribunal administratif de Versailles a désigné, à la demande de la commune, un expert par une ordonnance du 18 février 2010 en vue de définir les causes, l'étendue et le coût de ces nouveaux désordres. L'expert a remis son rapport le 19 juin 2013. La société Bureau Veritas Construction fait appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 12 novembre 2018 en tant qu'il l'a condamnée, in solidum avec la société APSI et la société Etablissements Paul Larue, à payer à la commune de Villebon-sur-Yvette la somme de 171 554,07 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2016, qu'il l'a condamnée à garantir la société APSI à hauteur de 10 % de la condamnation, qu'il l'a condamnée, solidairement avec les sociétés APSI et Etablissements Paul Larue, à verser à la commune de Villebon-sur-Yvette la somme de 9 341, 98 euros au titre des dépens et qu'il a mis à sa charge, solidairement avec les sociétés APSI et Etablissements Paul Larue, la somme de 5 000 euros à verser à la commune de Villebon-sur-Yvette au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel provoqué, la société Etablissements Paul Larue demande, à titre principal, l'annulation de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à indemniser la commune et, à titre subsidiaire, à ce que sa part de responsabilité soit limitée à 5 % du montant de la condamnation. Par la voie de l'appel provoqué, la société Hora demande à être mise hors de cause et, à titre subsidiaire, à ce que sa part de responsabilité soit limitée à 5 % du montant de la condamnation, et par la voie de l'appel incident et de l'appel provoqué, de condamner les sociétés Bureau Veritas Construction, APSI et Etablissements Paul Larue à la garantir en totalité.

Sur l'appel principal de la société Bureau Veritas Construction :

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la commune de Villebon-sur-Yvette :

S'agissant de la responsabilité :

2. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toutes leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction en vigueur à la date de la passation du marché de contrôle technique : " Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. / Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes. "

4. D'une part, il résulte du rapport d'expertise du 19 juin 2013 que la chute, le 16 décembre 2009, d'une dalle du faux plafond dans le hall d'entrée de la maison de l'enfance et de la famille est due à une dégradation de sa languette périphérique, dégradation qui sera constatée sur plusieurs autres dalles et qui résulte d'une manutention peu soignée entre l'approvisionnement, le stockage et la pose des dalles. Ainsi, contrairement à ce que prétend la société Bureau Veritas Construction, le désordre en litige ne trouve pas sa cause exclusive dans un défaut de mise en œuvre des dalles de faux plafond par la société APSI.

5. D'autre part, il résulte de l'instruction que la société Bureau Veritas Construction, qui était déjà titulaire du marché de contrôle technique dans le cadre de l'opération de construction de la maison de l'enfance et de la famille, a signé le 17 août 2009 une nouvelle convention avec la commune dans le cadre des travaux de reprise sur ce bâtiment, en vertu de laquelle elle s'est vue confier une mission SEI relative à la sécurité des personnes dans les établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur et une mission LP relative à la solidité des ouvrages et éléments d'équipements dissociables et indissociables. L'exercice de ces missions comprenait plusieurs phases dont une phase de contrôle sur le chantier des ouvrages et des éléments d'équipements. Le contrôleur technique devait assurer des visites régulières sur place pendant l'exécution des travaux et vérifier les installations en fin de travaux. Dans ces conditions, eu égard au contenu de sa mission, le contrôle des dalles des faux plafonds se rattachait aux missions qui lui avaient été confiées, de sorte que le désordre en litige lui est bien imputable, quelles que soient les conditions dans lesquelles la société Bureau Veritas Construction a réalisé sa mission de contrôle technique. Sont en revanche sans incidence sur l'engagement de sa responsabilité les circonstances selon lesquelles le contrôleur technique ne peut suppléer les missions de maîtrise d'œuvre ni les activités des locateurs d'ouvrages et qu'il n'entretient pas de liens contractuels avec les locateurs d'ouvrages. Par suite, la société Bureau Veritas Construction n'est pas fondée à soutenir que les désordres en litige ne lui seraient pas imputables.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version en vigueur à la date de la signature de la seconde convention de contrôle technique : " Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792,1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 1792-4-1 du même code reproduit à l'article L. 111-18. / Le contrôleur technique n'est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation de dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage. "

7. D'une part, il ne résulte pas de ces dispositions qu'elles feraient obstacle à la condamnation in solidum du contrôleur technique avec les autres constructeurs, dans le cadre de la garantie décennale, ces dispositions limitant seulement la responsabilité des contrôleurs techniques dans leurs rapports avec les autres constructeurs. D'autre part, il résulte de l'instruction que la société Bureau Veritas Construction n'a émis, lors du second sinistre, aucun avis ni établi aucun rapport final dans lequel elle aurait formulé des observations ou des réserves sur l'état des dalles du faux plafond. Dans ces conditions, eu égard à la nature des travaux sur lesquels elle exerçait sa mission de contrôle et au caractère répété des désordres survenus dans cet ouvrage, la société Bureau Veritas Construction a contribué à la survenance des désordres ayant affecté les dalles des faux plafonds. Par suite, la société Bureau Veritas Construction n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à réparer solidairement avec les autres intervenants à l'opération de construction les désordres subis par la commune de Villebon-sur-Yvette.

S'agissant des préjudices :

8. En premier lieu, la société Bureau Veritas Construction soutient que le montant des travaux de reprise des désordres pris en charge par les constructeurs doit être limité à la somme de 13 467,92 euros TTC correspondant au montant fixé par l'expert, augmenté de la somme de 9 200 euros correspondant au coût d'intervention du laboratoire Ginger BTP. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment du mandat de paiement du 7 juin 2011 et de la facture du 25 juin 2010, que la commune de Villebon-sur-Yvette a exposé la somme de 12 500,59 euros au titre de la mise en place d'une solution provisoire consistant en la pose de platines métalliques vissées sous ossature pour prévenir la chute des dalles. Il résulte également du mandat de paiement du 20 juillet 2010 et de la facture Qualiconsult du 9 juillet 2010 que la commune a payé la somme de 956,80 euros au titre de la mission de contrôle technique pour la phase provisoire d'accrochage des dalles de faux plafond assurée par Qualiconsult. Enfin, au vu des mandats de paiement du 19 septembre 2011 et du 17 octobre 2011, la commune a également engagé le paiement de la somme de 13 467,92 euros au titre du remplacement définitif des dalles du faux plafond, soit un montant total de 26 925,31 euros TTC correspondant à des travaux de reprise des désordres survenus à la suite de l'effondrement d'une dalle du faux plafond le 16 décembre 2009, qu'il y a lieu de payer à la commune. La société Bureau Veritas Construction n'est donc pas fondée à demander une limitation des indemnités allouées au titre de ce poste de préjudice.

9. En deuxième lieu, si la société Bureau Veritas Construction soutient que la commune de Villebon-sur-Yvette n'est fondée à réclamer le remboursement des frais d'analyse des dalles qu'à hauteur de la seule somme de 9 200 euros, il résulte cependant de l'instruction que les frais de l'analyse des dalles par un laboratoire, diligentée par l'expert judiciaire afin de se prononcer sur la cause des désordres, se sont élevés à la somme de 11 003,20 euros TTC.

10. En dernier lieu, la société Bureau Veritas Construction soutient que la commune de Villebon-sur-Yvette n'établit pas avoir subi un préjudice de jouissance. Il résulte toutefois de l'instruction que la maison de l'enfance et de la famille a été fermée au public à compter du 18 décembre 2009 et que la commune a fait mettre en place, au moins à partir du mois de février 2010, des locaux provisoires préfabriqués pour permettre l'accueil du public, lui occasionnant une dépense de 128 749,40 euros TTC. Il résulte également de l'instruction, et notamment d'un mandat de paiement établi le 28 avril 2010 que la commune a réglé la somme de 4 875,66 euros au titre de l'aménagement de locaux sanitaires. Par suite, la société Bureau Veritas Construction n'est pas fondée à soutenir que la commune de Villebon-sur-Yvette n'établit pas la réalité de ses préjudices de jouissance, indemnisables à hauteur de la somme de 133 625,06 euros.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Bureau Veritas Construction n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée in solidum avec l'ensemble des autres constructeurs à verser à la commune de Villebon-sur-Yvette la somme de 171 554,07 euros, ainsi que la somme de 9 341,98 euros au titre des frais d'expertise.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la société APSI :

12. Compte tenu de ce que la société Bureau Veritas Construction n'a pas signalé, lors du second sinistre, les vices affectant les dalles du faux plafond et alors que l'expert a préconisé que 10 % des conséquences du dommage lui soient imputés, il ne résulte pas de l'instruction qu'en condamnant la société requérante à garantir la société APSI à hauteur de 10 % de la condamnation in solidum, le tribunal administratif aurait fait une évaluation exagérée de sa part de responsabilité.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre les sociétés Etablissement Paul Larue électricité générale et Hora et le surplus des conclusions dirigées contre la société APSI :

13. Les conclusions de la société Bureau Veritas Construction tendant à ce que les sociétés APSI, Etablissements Paul Larue et Hora la garantissent des condamnations prononcées à son encontre, présentées pour la première fois en appel, sont nouvelles et, par suite, irrecevables.

Sur les appels provoqués de la société Etablissements Paul Larue et de la société Hora :

14. Le présent arrêt n'a pas pour effet d'aggraver la situation de la société Etablissements Paul Larue et de la société Hora. Par suite, les appels provoqués présentés par celles-ci doivent être rejetés comme irrecevables.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Bureau Veritas Construction le versement de la somme de 2 000 euros au profit de la commune de Villebon-sur-Yvette au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Villebon-sur-Yvette, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme de 5 000 euros que la requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a également lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions de la société Etablissements Paul Larue et de la société Hora présentées sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Bureau Veritas Construction est rejetée.

Article 2 : La société Bureau Veritas Construction versera la somme de 2 000 euros à la commune de Villebon-sur-Yvette sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions des sociétés Etablissements Paul Larue et Hora et le surplus des conclusions de la commune de Villebon-sur-Yvette sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bureau Veritas Construction, à la société APSI, à la société Etablissements Paul Larue, à Me Leprêtre, liquidateur judiciaire de la société Hora, et à la commune de Villebon-sur-Yvette.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Janicot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023

La rapporteure,

M. JanicotLa présidente,

C. Signerin- -Icre

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 19VE00101


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00101
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Actions en garantie.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Mathilde JANICOT
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : SELARL DRAGHI - ALONSO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-07-06;19ve00101 ?
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