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22/06/2023 | FRANCE | N°19VE04118

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 22 juin 2023, 19VE04118


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 64 bis rue Porte aux Saints et rue Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner conjointement et solidairement la société SCA Veolia Eau, la commune de Mantes-la-Jolie et la communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines (CAMY) à lui verser la somme de 236 470 euros HT, outre la TVA en vigueur à la date du jugement à intervenir, actualisée sur la variation de l'indice INSEE du coût de la construction

à la date du dépôt du rapport de l'expert le 6 septembre 2011, en réparatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 64 bis rue Porte aux Saints et rue Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner conjointement et solidairement la société SCA Veolia Eau, la commune de Mantes-la-Jolie et la communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines (CAMY) à lui verser la somme de 236 470 euros HT, outre la TVA en vigueur à la date du jugement à intervenir, actualisée sur la variation de l'indice INSEE du coût de la construction à la date du dépôt du rapport de l'expert le 6 septembre 2011, en réparation des désordres affectant l'immeuble à la suite du sinistre survenu le 6 janvier 2010, et de mettre à leur charge conjointe et solidaire la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1501016 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Versailles a condamné la commune de Mantes-la-Jolie à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au 64 bis rue porte aux Saintes et rue Saint-Lazare la somme de 85 129,20 euros toutes taxes comprises, a mis à la charge de la commune de Mantes-la-Jolie le versement à son profit de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée, sous le n° 19VE04118, le 17 décembre 2019, la commune de Mantes-la-Jolie, représentée par Me Moreau, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au 64 bis rue porte aux Saints et rue Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie ;

3°) de mettre à la charge du syndicat requérant la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité en ce qu'il a omis de répondre, d'une part, aux moyens qu'elle avait soulevés et notamment ceux tirés de la responsabilité du concessionnaire dans la survenance des dommages occasionnés au syndicat des copropriétaires et des divergences d'interprétation des experts sur la cause des dommages, et, d'autre part, au moyen soulevé par la société Véolia relatif à la prise en compte dans le chiffrage du préjudice subi par le syndicat des travaux de surélévation des combles qui n'existaient pas à l'origine ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne justifie pas les raisons pour lesquelles, d'une part, la responsabilité de la commune exposante s'élève à 30 % des conséquences dommageables subies par le syndicat, d'autre part, les travaux réalisés sur des parties privatives sont indivisibles des parties communes et, enfin, l'exposante devrait supporter des travaux d'amélioration de l'immeuble ;

- le tribunal administratif a statué ultra petita en se fondant sur ce que les dommages affectaient de manière indivisible l'immeuble dans ses parties privatives et communes alors que le syndicat avait seulement demandé l'indemnisation des préjudices occasionnés aux parties communes de l'immeuble ;

- l'effondrement d'une cavité située sous la chaussée ne constitue pas la seule cause à l'origine du dommage envisagée par l'expert, celui-ci faisant également état des fragilités structurelles affectant l'immeuble ; en outre, le tribunal administratif a rendu, dans le cadre des litiges relatifs aux arrêtés de péril, plusieurs jugements qui ont retenu comme cause déterminante du péril la construction de l'immeuble sur un sol faible avec des fondations inadaptées et la réalisation du gros œuvre de l'immeuble en méconnaissance des règles de l'art ;

- elle ne peut être tenue pour responsable du dommage dès lors que la compétence voirie a été transférée à la communauté d'agglomération CAMY puis à la communauté urbaine GPSEO ; c'est la communauté urbaine qui doit être condamnée à réparer les préjudices subis par le syndicat des copropriétaires ; en tout état de cause, le sinistre provient d'une fuite de canalisation du réseau d'alimentation en eau potable dont l'entretien incombe au seul fermier ; la société Véolia devrait à tout le moins être condamnée solidairement avec l'exposante à assumer la réparation des désordres subis par le syndicat des copropriétaires ; si la responsabilité de la SCA Veolia devait être écartée, seule doit être engagée la responsabilité de la communauté urbaine GPSEO qui a absorbé la CAMY, laquelle avait conclu un contrat de délégation de service public " assainissement " avec la société Lyonnaise des Eaux et un contrat de délégation de service public " eau potable " avec la SCA Veolia ; en tout état de cause, la responsabilité de l'exposante ne pourrait être recherchée dès lors qu'elle n'a pas contracté avec la société SCA Veolia ;

- le syndicat a commis une faute de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ; il est responsable du défaut d'entretien de l'immeuble et des défaillances structurelles de l'immeuble ;

- le tribunal administratif a mal chiffré le préjudice dès lors que le chiffrage qu'il a retenu emporte un enrichissement du syndicat des copropriétaires ; le syndicat n'est fondé qu'à demander la réparation des dommages causés aux parties communes ; le tribunal administratif ne pouvait donc indemniser la réparation des parties privatives qui n'étaient pas indivisibles des parties communes ; le montant du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires doit être évalué à la somme de 157 646 euros HT correspondant aux seuls travaux réalisés sur les parties communes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2020, la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO), représentée par Me Cloix, avocat, demande à la cour :

1°) d'enjoindre avant dire droit au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au 64 bis rue Porte aux Saints - rue Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie ainsi qu'à la MACIF, son assureur, de produire le contrat d'assurance qui les liait à la date du sinistre le 6 janvier 2010 ou celui qui est actuellement en vigueur ;

2°) de la mettre hors de cause ;

3°) de rejeter la requête de la commune de Mantes-la-Jolie ;

4°) de mettre à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa responsabilité ne peut être engagée dès lors qu'à la date des faits, la voie sur laquelle s'est produit le sinistre ne faisait pas partie de la liste des voies d'intérêt communautaire ; la CAMY n'a jamais exercé la compétence voirie sur les voies concernées dans la présente instance comme en attestent les délibérations de la CAMY du 7 juin 2000 et du 18 décembre 2002 ; à supposer que sa responsabilité soit engagée, elle a été empêchée par la commune de Mantes-la-Jolie, du fait des travaux qu'elle a réalisés à la hâte, de rechercher la responsabilité de son fermier, la société SCA Veolia ; en tout état de cause, le fermier est seul responsable du bon entretien des canalisations en vertu du contrat d'affermage qui les lie ;

- aucun élément du dossier ne permet d'établir un lien de causalité direct entre le dommage et les désordres subis ; la commune a engagé très rapidement des travaux qui ont empêché la constatation de l'origine du désordre ; le rapport d'expertise relève que le sinistre n'a été qu'un facteur d'aggravation et que l'état de l'immeuble est dû à ses fondations et sa structure ;

- le syndicat des copropriétaires a commis des fautes en s'abstenant de faire réaliser l'ouvrage selon les règles de l'art, en s'abstenant de réaliser les travaux nécessaires à la consolidation de l'immeuble avant la survenance du sinistre du 6 janvier 2010 ; la faute de la victime est bien la cause déterminante du dommage qu'elle estime avoir subi ;

- le syndicat ne peut demander aucune indemnisation au titre de la dégradation des parties privatives qui ne sont pas indivisibles avec les parties communes ; par ailleurs, le coût de la surélévation n'est pas représentatif d'un préjudice indemnisable ;

- il y a lieu d'enjoindre, afin d'éviter une double réparation de son préjudice, au syndicat des copropriétaires de produire le contrat d'assurance en vigueur à la date du sinistre ou le contrat d'assurance actuellement en vigueur s'il est revêtu d'un caractère rétroactif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2020, la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux, représentée par Me Gourves, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Mantes-la-Jolie ;

2°) de mettre à la charge de toutes les parties succombantes le versement à son profit de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le désordre survenu le 6 janvier 2010 est dû à un mouvement de terrain causé par l'effondrement d'une ancienne carrière et n'est pas lié à une rupture de la canalisation d'eau ; la cause étant extérieure à l'ouvrage, sa responsabilité ne peut être recherchée ;

- le montant de l'indemnité réclamée par le syndicat des copropriétaires inclut des désordres survenus dans des parties privatives de l'immeuble ; il n'est donc fondé à obtenir une réparation qu'à hauteur de la somme de 157 646 euros HT correspondant aux travaux à réaliser sur les parties privatives ; par ailleurs, la surélévation des combles, qui n'existait pas à l'origine, est sans lien direct et certain avec le dommage ; la vulnérabilité et la fragilité de l'immeuble relevées par l'expert doivent être retenues pour évaluer le montant du préjudice indemnisable ; enfin, le préjudice du syndicat des copropriétaires ne saurait être actualisé au-delà de la date du 13 février 2015, date d'enregistrement de la requête.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2020, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au 64 bis rue Porte aux Saints et rue Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie, représenté par Me de Broissia, avocate, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Mantes-la-Jolie ;

2°) par la voie de l'appel incident, de condamner conjointement et solidairement la société Veolia Eau, la commune de Mantes-la-Jolie et la communauté urbaine du Grand Paris Seine et Oise à verser à Me Franck Michel, en sa qualité d'administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au 64 bis rue Porte aux Saintes et rue Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie, la somme de 247 973 euros HT, assortie de la TVA au taux en vigueur à la date de l'arrêt à intervenir et à actualiser sur la base de l'indice INSEE du coût de la construction applicable à la date du dépôt du rapport de l'expert le 6 septembre 2011 ;

3°) de mettre à la charge conjointe et solidaire de la société Veolia Eau, la commune de Mantes-la-Jolie et la communauté urbaine du Grand Paris Seine et Oise la somme de 8 000 euros à verser à Me Franck Michel sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- Me Michel, administrateur provisoire, avait qualité pour agir en son nom même sans autorisation de l'assemblée générale ;

- sa demande de première instance était recevable dès lors qu'elle concerne un dommage de travaux publics qui n'est pas soumis à l'exigence d'une demande préalable ;

- la responsabilité de la communauté urbaine du Grand Paris Seine et Oise (GPSEO) devait être engagée dès lors que la communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines (CAMY), qui avait signé un contrat d'affermage avec la société SCA Veolia Eau, a été intégrée dans la nouvelle communauté urbaine à compter du 1er janvier 2016 ;

- la responsabilité de la SCA Veolia Eau devait également être engagée dès lors que les dommages trouvent leur origine dans la fuite d'une canalisation d'eau potable dont elle devait assurer l'entretien en sa qualité de fermier ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a procédé à un abattement de 70 % alors qu'il a retenu la responsabilité pleine et entière de la commune de Mantes-la-Jolie et l'absence de faute de la victime ; le principe de la réparation intégrale fait obstacle à un abattement lié à l'état de vétusté de l'immeuble ; au surplus, aucun élément objectif ou technique ne justifie l'application d'une telle décote ;

- il se trouvait dans l'impossibilité matérielle de réaliser les travaux à la date de remise du rapport d'expertise en 2011 compte tenu des difficultés financières qu'il a rencontrées et comme en atteste la désignation d'un administrateur provisoire en 2014 par le tribunal de grande instance de Versailles ; il ne peut apporter une preuve négative de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait de réaliser ces travaux ; l'actualisation des devis doit s'effectuer sur la base de l'indice du coût de la construction en vigueur en 2018 qui porte le montant de la somme due de 263 470 euros à la somme de 247 873 euros HT.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2021, la société Suez Eau France, venant aux droits de la société Lyonnaise des eaux, représentée par Me Ben Zennou, avocate, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Mantes-la-Jolie ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Mantes-la-Jolie ou de tout succombant la somme de 1 000 euros à son profit sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient qu'aucune des parties ne recherche sa responsabilité, ne demande l'annulation du jugement en tant qu'il n'a pas prononcé de condamnation à son encontre et ne forme de demande à son encontre.

Par un courrier du 2 juin 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que les personnes morales de droit public ne peuvent jamais être condamnées à payer une somme qu'elles ne doivent pas (CE, 19 mars 1971, n° 79962). En application de l'article L. 5215-39 du code général des collectivités territoriales, la communauté d'agglomération Grand Paris Seine et Oise s'est substituée de plein droit, dans les droits et obligations de la commune de Mantes-la-Jolie relatifs à l'entretien de sa voirie et, doit répondre des dommages causés dans le cadre des compétences transférées, avant comme après la date de ce transfert.

Le syndicat des copropriétaires a présenté un mémoire le 6 juin 2023 en réponse au moyen d'ordre public.

Une note en délibéré, enregistrée le 9 juin 2023, a été présentée par la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO).

II. Par une requête et des mémoires, enregistrés, sous le n° 19VE04160, le 18 décembre 2019, le 24 février 2021 et le 15 avril 2021, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au 64 bis rue Porte aux Saintes et rue Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie, représenté par Me de Broissia, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner conjointement et solidairement la société Veolia Eau, la commune de Mantes-la-Jolie et la communauté urbaine du Grand Paris Seine et Oise à verser à Me Franck Michel, en sa qualité d'administrateur provisoire du syndicat, la somme de 247 973 euros HT, assortie de la TVA au taux en vigueur à la date de l'arrêt à intervenir et à actualiser sur la base de l'indice INSEE du coût de la construction applicable à la date du dépôt du rapport de l'expert le 6 septembre 2011 ;

3°) de mettre à la charge conjointe et solidaire de la société Veolia Eau, la commune de Mantes-la-Jolie et la communauté urbaine du Grand Paris Seine et Oise, la somme de 8 000 euros à verser à Me Franck sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- Me Michel, administrateur provisoire, avait qualité pour agir en son nom même sans autorisation de l'assemblée générale ;

- sa demande de première instance était recevable dès lors qu'elle concerne un dommage de travaux publics qui n'est pas soumis à l'exigence d'une demande préalable ;

- la responsabilité de la communauté urbaine du Grand Paris Seine et Oise (GPSEO) devait être engagée dès lors que la communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines (CAMY), qui avait signé un contrat d'affermage avec la société SCA Veolia Eau, a été intégrée dans la nouvelle communauté urbaine à compter du 1er janvier 2016 ;

- la responsabilité de la SCA Veolia Eau devait également être engagée dès lors que les dommages trouvent leur origine dans la fuite d'une canalisation d'eau potable dont elle devait assurer l'entretien en sa qualité de fermier ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a procédé à un abattement de 70 % alors qu'il a retenu la responsabilité pleine et entière de la commune de Mantes-la-Jolie et l'absence de faute de la victime ; le principe de la réparation intégrale fait obstacle à un abattement lié à l'état de vétusté de l'immeuble ; au surplus, aucun élément objectif ou technique ne justifie l'application d'une telle décote ;

- il se trouvait dans l'impossibilité matérielle de réaliser les travaux à la date de remise du rapport d'expertise en 2011 compte tenu des difficultés financières qu'il a rencontrées et comme en atteste la désignation d'un administrateur provisoire en 2014 par le tribunal de grande instance de Versailles ; il ne peut apporter une preuve négative de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait de réaliser ces travaux ; l'actualisation des devis doit s'effectuer sur la base de l'indice du coût de la construction en vigueur en 2018 qui porte le montant de la somme due de 263 470 euros à la somme de 247 873 euros HT.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2020, la commune de Mantes-la-Jolie, représentée par Me Moreau, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au 64 bis rue Porte aux Saints et rue Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie ;

2°) de mettre à la charge du syndicat requérant la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'est pas responsable des dommages dès lors qu'elle a transféré la compétence de la voirie à la communauté urbaine du Grand Paris Seine et Oise en application de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République ; l'ensemble des dommages affectant les éléments de la voirie de la commune exposante, et notamment ses sous-sols, doivent donc être pris en charge par la communauté urbaine ; l'action du syndicat est ainsi mal dirigée et elle doit être mise hors de cause ; en tout état de cause, le sinistre provenant d'une fuite de canalisation du réseau d'eau potable, la société SCA Veolia est seule responsable des dommages occasionnés au syndicat de copropriétaires qui résultent d'un défaut d'entretien de la canalisation ; ainsi, la société SCA Veolia doit, à tout le moins, être condamnée solidairement avec GPSEO à assumer la réparation des dommages ;

- le montant du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires doit être évalué à la somme de 157 646 euros correspondant aux travaux de réparation effectués sur les seules parties communes ;

- l'absence de fondations et l'absence de chaînage de l'immeuble ont contribué à la survenance du dommage subi par le syndicat des copropriétaires ; la faute de la victime, qui est la cause déterminante du dommage, doit exonérer la commune exposante de sa responsabilité.

Par des mémoires enregistrés le 22 octobre 2020 et le 22 mars 2021, la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO), représentée par Me Cloix, avocat, demande à la cour :

1°) d'enjoindre avant dire droit au syndicat requérant ainsi qu'à la MACIF, son assureur, de produire le contrat d'assurance qui les liait à la date du sinistre le 6 janvier 2010 ou celui qui est actuellement en vigueur ;

2°) de la mettre hors de cause ;

3°) de rejeter la requête du syndicat requérant ;

4°) de mettre à la charge du syndicat requérant la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas entaché d'une contradiction entre ses motifs dès lors que la fragilité ou la vulnérabilité d'un immeuble peuvent être retenues pour évaluer le montant du préjudice indemnisable ; le rapport d'expertise établi le 6 septembre 2011 relève que l'immeuble n'a pas été réalisé conformément aux règles de l'art dès lors que les fondations sont de mauvaise qualité, que le gros œuvre est fragile et qu'il n'y a pas de chaînage entre les façades et les planchers ;

- la saisine du tribunal administratif par le syndicat des copropriétaires est irrecevable en l'absence de production de la réclamation préalable adressée à l'autorité administrative ;

- il appartient au requérant qui demande une actualisation de l'évaluation du coût des réparations d'établir l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de procéder aux travaux pendant une période donnée ; l'importance du coût des travaux ne justifie pas à elle seule une actualisation ;

- sa responsabilité ne peut être engagée dès lors qu'à la date des faits, la voie sur laquelle s'est produit le sinistre ne faisait pas partie de la liste des voies d'intérêt communautaire ; la CAMY n'a jamais exercé la compétence voirie sur les voies concernées par la présente instance comme en attestent les délibérations de la CAMY du 7 juin 2000 et du 18 décembre 2002 ; à supposer que sa responsabilité soit engagée, elle a été empêchée par la commune de Mantes-la-Jolie, du fait des travaux qu'elle a réalisés à la hâte, de rechercher la responsabilité de son fermier, la société SCA Veolia ; en tout état de cause, le fermier est seul responsable du bon entretien des canalisations en vertu du contrat d'affermage qui les lie ;

- aucun élément du dossier ne permet d'établir un lien de causalité direct entre le dommage et les désordres subis ; la commune de Mantes-la-Jolie a engagé très rapidement des travaux qui ont empêché la constatation de l'origine du désordre ; le rapport d'expertise relève que le sinistre n'a été qu'un facteur d'aggravation et que l'état de l'immeuble est dû à ses fondations et sa structure ;

- le syndicat des copropriétaires a commis des fautes en s'abstenant de faire réaliser l'ouvrage selon les règles de l'art et en s'abstenant de réaliser les travaux nécessaires à la consolidation de l'immeuble avant la survenance du sinistre du 6 janvier 2010 ; la faute de la victime est bien la cause déterminante du dommage qu'elle estime avoir subi ;

- le requérant ne peut demander aucune indemnisation au titre de la dégradation des parties privatives qui ne sont pas indivisibles. Les parties communes ; par ailleurs, le coût de la surélévation n'est pas représentatif d'un préjudice indemnisable ;

- il y a lieu d'enjoindre, afin d'éviter une double réparation de son préjudice, au syndicat des copropriétaires de produire le contrat d'assurance en vigueur à la date du sinistre ou le contrat d'assurance actuellement en vigueur s'il est revêtu d'un caractère rétroactif.

Par un mémoire, enregistré le 20 avril 2021, la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux, représentée par Me Gourves, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du syndicat requérant ;

2°) de mettre à la charge de toutes les parties succombantes le versement à son profit de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le désordre survenu le 6 janvier 2010 est dû à un mouvement de terrain causé par l'effondrement d'une ancienne carrière et non pas à une rupture de la canalisation d'eau ; la cause étant extérieure à l'ouvrage, sa responsabilité ne peut être recherchée ;

- le montant de l'indemnité réclamée par le syndicat des copropriétaires inclut des désordres survenus dans des parties privatives de l'immeuble ; il n'est donc fondé à obtenir une réparation qu'à hauteur de la somme de 157 646 euros HT correspondant aux travaux réalisés sur les parties privatives ; par ailleurs, la surélévation des combles, qui n'existaient pas à l'origine, est sans lien direct et certain avec le dommage ; la vulnérabilité et la fragilité de l'immeuble relevées par l'expert doivent être retenues pour évaluer le montant du préjudice indemnisable ; enfin, le préjudice du syndicat des copropriétaires ne saurait être actualisé au-delà de la date du 13 février 2015, date d'enregistrement de la requête.

Par un mémoire, enregistré le 30 avril 2021, la société Suez Eau France, venant aux droits de la société Lyonnaise des eaux, représentée par Me Ben Zenou, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge du syndicat requérant ou de tout succombant le versement à son profit de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucune des parties ne forme de conclusions dirigées contre elle.

Par un courrier du 2 juin 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que les personnes morales de droit public ne peuvent jamais être condamnées à payer une somme qu'elles ne doivent pas (CE, 19 mars 1971, n° 79962). En application de l'article L. 5215-39 du code général des collectivités territoriales, la communauté d'agglomération Grand Paris Seine et Oise s'est substituée de plein droit, dans les droits et obligations de la commune de Mantes-la-Jolie relatifs à l'entretien de sa voirie et, doit répondre des dommages causés dans le cadre des compétences transférées, avant comme après la date de ce transfert.

Le syndicat des copropriétaires a présenté un mémoire le 6 juin 2023 en réponse au moyen d'ordre public.

Une note en délibéré, enregistrée le 9 juin 2023, a été présentée pour la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Janicot,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- les observations de Me de Broissia, pour le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au 64 bis rue porte aux Saints et rue Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie, celles de Me Lecourt, substituant Me Moreau, pour la commune de Mantes-la-Jolie, celles de Me Vaysse, substituant Me Cloix, pour la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise et celles de Me Berenholc pour la société Suez Eau de France.

Considérant ce qui suit :

1. Le 6 janvier 2010, une fuite d'eau est survenue sur le réseau d'alimentation en eau potable sous la chaussée au droit de l'immeuble situé au 64 bis rue Porte aux Saints et rue Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie et la chaussée s'est effondrée devant la partie de l'immeuble situé rue Saint-Lazare. Les fissures qui affectaient cet immeuble se sont aggravées et le pignon s'est incliné. Le sinistre a fait l'objet d'un constat d'urgence à la demande de la communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines (CAMY). Par ailleurs, deux arrêtés de péril et de péril imminent ont été adoptés le 23 février 2010 et le 14 juin 2010. Enfin, M. A..., expert désigné par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Versailles du 9 mars 2010 aux fins de rechercher l'origine des désordres survenus sur cet immeuble, a remis son rapport le 6 septembre 2011. Saisi d'une demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble tendant à la condamnation solidaire de la société SCA Veolia Eau, de la commune de Mantes-la-Jolie et de la CAMY à lui verser la somme de 236 470 euros HT, en réparation des désordres affectant l'immeuble, le tribunal administratif de Versailles, par un jugement du 18 octobre 2019, a condamné la seule commune de Mantes-la-Jolie à verser au syndicat la somme de 85 129,20 euros TTC et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au 64 bis rue Porte aux Saints et rue Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie fait appel de ce jugement en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses demandes indemnitaires. La commune de Mantes-la-Jolie relève également appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 85 129,20 euros TTC.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les nos 19VE04160 et 19VE04118 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

Sur la responsabilité de la commune de Mantes-la-Jolie :

3. Il résulte de l'instruction et, notamment, de deux arrêtés du 28 décembre 2015 portant respectivement fusion de la communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines, de la communauté d'agglomération des deux rives de la Seine, de la communauté d'agglomération de Poissy-Achères-Conflans Sainte-Honorine, de la communauté d'agglomération de Seine-et-Vexin, de la communauté de communes des coteaux du Vexin et de la communauté de communes Seine-Mauldre, et portant transformation de la communauté d'agglomération Grand Paris Seine et Oise en communauté urbaine, que l'entretien de la voirie incombe, au titre de ses compétences obligatoires, à la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO). En application de l'article L. 5215-39 du code général des collectivités territoriales, la communauté urbaine GPSEO s'est ainsi substituée de plein droit, à partir de cette date, dans les droits et obligations de la commune de Mantes-la-Jolie relatifs à l'entretien de sa voirie et doit répondre des dommages causés dans le cadre des compétences transférées, avant comme après la date du transfert. Il suit de là que, pour contester l'engagement de sa responsabilité, la communauté urbaine GPSEO ne peut utilement faire valoir qu'elle n'était pas encore compétente, à la date de la survenance du sinistre, pour entretenir la voirie. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens qu'elle soulève à l'encontre de la régularité du jugement attaqué, la commune de Mantes-la-Jolie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à indemniser le syndicat des copropriétaires des conséquences dommageables de l'effondrement de la cavité sous la chaussée située devant l'immeuble et à demander sa mise hors de cause.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 64 bis rue Porte aux Saints et rue Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie devant le tribunal administratif.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

5. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'introduction de la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au 64 bis rue porte aux Saints et rue Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie devant le tribunal administratif : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ".

6. Il résulte des termes mêmes de cet article que l'exigence d'une décision préalable ne s'applique pas aux demandes présentées en matière de travaux publics. Dès lors, la communauté urbaine GPSEO n'est pas fondée à soutenir que la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au 64 bis rue Porte aux Saints et rue Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie n'était pas recevable en l'absence de réclamation préalable.

Sur la cause des dommages et la personne responsable :

7. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.

8. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expert désigné par l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif du 9 mars 2010 que la cause déterminante du dommage n'a pas pu être identifiée avec certitude du fait du comblement de la cavité par du béton auto-plaçant auquel la commune a fait procéder fin janvier 2010, ce qui a rendu difficile l'appréciation par l'expert des causes du dommage. Toutefois, l'expert a indiqué, après avoir relevé que " les désordres marquant l'immeuble sont dus à ses fondations de mauvaise qualité et à une structure de gros œuvre faible (absence de chaînage entre façades et planchers) ", que " le sinistre sous voirie a été probablement le facteur déclenchant la forte aggravation de la fissuration et la mise en péril de l'immeuble ". Il a également mentionné que " l'enchainement des faits a dû être le suivant : / Effondrement d'une cavité sous chaussée (cave et cavité naturelle - voire note constat d'urgence du 7 avril 2010) sous l'effet de la vétusté de sa voute ou d'une fuite du réseau AEP ; - Effondrement de la chaussée ; / - Forte aggravation de la fissuration de l'immeuble et affaissement du pignon ". Et il a estimé que " le caractère brutal de la rupture de la canalisation milite pour une cause exogène. Cette cause pourrait être l'effondrement de l'une de ces anciennes cavités. C'est l'hypothèse la plus probable ". L'expert a enfin indiqué que " l'analyse causale nous amène à conclure : Les désordres marquant l'immeuble sont dus à des fondations de mauvaise qualité et à une structure du gros œuvre faible (absence de chainage entre façades et planchers). Le sinistre sous voirie a été probablement le facteur déclenchant la forte aggravation de la fissuration et la mise en péril de l'immeuble ". Ainsi, même s'il a utilisé des formules prudentes compte tenu des travaux de comblement des sols réalisés par la commune, l'expert a estimé que l'effondrement de la cavité était la cause déterminante la plus probable des désordres subis par l'immeuble. En outre, l'expert a également indiqué, dans son rapport et les réponses aux dires joints, que la rupture de la canalisation était consécutive à l'effondrement de la cavité. Si le tribunal administratif a considéré, dans ses jugements portant sur la légalité des arrêtés de péril relatifs à l'immeuble en cause, que la cause déterminante du péril que l'immeuble présentait pour la sécurité publique, trouvait son origine dans les fondations inadaptées et dans une réalisation non conforme aux règles de l'art de cet immeuble, ces décisions sont toutefois dépourvues de l'autorité de chose jugée dans le cadre du présent litige. Dans ces conditions, il est suffisamment établi par les éléments versés à l'instruction que le sinistre trouve son origine dans l'affaissement de la cavité située sous la chaussée. En conséquence, le syndicat des copropriétaires est fondé à demander la condamnation de la communauté urbaine GPSEO à l'indemniser des dommages causés à l'immeuble dès lors que la communauté urbaine doit répondre, ainsi qu'il a été dit au point 3, des dommages résultant de la voirie.

9. Par ailleurs, dès lors qu'il résulte du rapport d'expertise, ainsi qu'il vient d'être dit, que la fissuration de l'immeuble et l'inclinaison qui menacent une de ses parties ne sont pas dues à la rupture d'une canalisation d'alimentation en eau potable mais à l'effondrement d'une cavité située sous la voirie, la société Veolia Eau, qui en assurait l'exploitation dans le cadre d'un contrat d'affermage, ne peut voir sa responsabilité recherchée par le syndicat des copropriétaires.

Sur l'existence d'une faute de la victime :

10. Dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont par elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.

11. Il résulte de l'instruction que l'immeuble en litige présentait, avant la survenance du dommage, des défaillances structurelles liées à des fondations de mauvaise qualité et à une structure du gros œuvre faible due à une absence de chaînage entre les façades et le plancher. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, la fragilité ou la vulnérabilité d'un immeuble ne peuvent être prises en compte pour exonérer ou atténuer la responsabilité de la personne publique seulement si elles sont imputables à une faute de la victime. En l'espèce, contrairement à ce que prétend la communauté urbaine GPSEO, la société civile immobilière n'est pas responsable des défauts de conception de l'immeuble, l'ayant acquis en avril 1992 alors qu'il était déjà construit. Par ailleurs, si le syndicat requérant est tenu, en vertu de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, d'assurer la conservation et l'amélioration de l'immeuble, il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise que si des fissures sont apparues sur la façade de l'immeuble avant la survenance des désordres, ces fissures n'étaient pas alarmantes et ne justifiaient pas que des travaux de conservation de l'immeuble soient entrepris. Dans ces conditions, la communauté urbaine GPSEO n'est pas fondée à soutenir que le syndicat requérant a commis une faute de nature à l'exonérer partiellement de sa responsabilité.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne le montant de l'indemnité due au syndicat de copropriété :

12. En premier lieu, aux termes du règlement de copropriété du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au 64 bis rue Porte aux saints et rue Saint-Lazare, le syndicat des copropriétaires prévoit, en sa partie V, qu'appartiennent aux parties communes de l'immeuble " les fondations, les gros œuvres (façades, pignons et refends), en un mot tous les murs et éléments constituant l'ossature de chaque bâtiment, éventuellement les mitoyennetés correspondantes ".

13. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expert établi le 6 septembre 2011 que d'anciennes fissures étaient présentes sur les façades avant la survenance du sinistre de janvier 2010, que le sol souffre d'une extrême faiblesse et que les fondations de l'immeuble sont quasi-inexistantes. Par suite, compte tenu des défaillances structurelles de l'immeuble et de sa réalisation dans des conditions non conformes aux règles de l'art, le syndicat des copropriétaires n'est pas fondé à soutenir que l'application d'une décote à raison de la faiblesse et la vulnérabilité de l'immeuble ne repose sur aucune justification technique. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évaluer le montant du préjudice indemnisable à 50 % du montant des travaux de réparation à effectuer sur l'immeuble dont il s'agit.

14. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction et, notamment, du point 7.1. du rapport de l'expert du 6 septembre 2011 décrivant la nature des travaux nécessaires pour remédier aux désordres que " compte tenu de l'imbrication des deux logements, la solution la plus efficace consiste en la démolition - reconstruction de ces deux appartements à l'exception de la partie située au-dessus de la laverie qui n'est pas concernée par les désordres ". Si la communauté urbaine GPSEO soutient que le syndicat des copropriétaires ne peut obtenir une réparation au titre des désordres ayant affecté les parties privatives de l'immeuble, dès lors qu'ils seraient divisibles des désordres affectant les parties communes, il résulte cependant du rapport d'expertise que les travaux réalisés dans les parties privatives de l'immeuble sont la conséquence de la démolition reconstruction de l'immeuble rendue nécessaire par les désordres affectant les parties communes, telles que les façades extérieures et les fenêtres. Par suite, la communauté urbaine GPSEO n'est pas fondée à soutenir qu'il conviendrait d'exclure la somme de 95 622 euros HT du montant des travaux dont le syndicat des copropriétaires est fondé à réclamer le remboursement.

15. Enfin, la communauté urbaine GPSEO soutient que le syndicat des copropriétaires n'est pas fondé à demander à être indemnisé du coût des travaux correspondant à la surélévation des combles qui n'existait pas dans la construction d'origine et qui constitue, par suite, une amélioration de l'ouvrage. Il résulte du rapport d'expertise du 6 septembre 2011, d'une part, que la SCI Fox envisageait, avant la survenance du sinistre, de surélever les combles mais n'avait pas encore engagé la réalisation de ces travaux, et, d'autre part, que les combles se trouvaient au-dessus du local commercial qui n'avait pas été affecté par les désordres. La communauté urbaine GPSEO, qui adopte sur ce point les écritures de la commune de Mantes-la-Jolie, soutient, sans être aucunement contestée, que le montant de ces travaux peut être évalué au tiers du coût du montant réclamé par le syndicat requérant. Dans ces conditions, il y a lieu de réduire d'un tiers la somme à allouer au syndicat.

16. Il résulte de ce qui précède que le montant des travaux de réparation nécessaires doit être évalué à la somme de 157 646,66 euros, soit les 2/3 de la somme de 236 470 euros HT retenue par l'expert judiciaire, et que, compte tenu de l'état de la vulnérabilité de l'immeuble, le montant de l'indemnité due au syndicat requérant doit être fixé à la somme de 78 823,33 euros HT, soit 94 588 euros TTC.

En ce qui concerne l'actualisation des prix :

17. L'évaluation des désordres subis par un immeuble doit être faite à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer. En l'espèce, cette date est au plus tard celle du 6 septembre 2011 à laquelle l'expert désigné a déposé son rapport qui définissait avec une précision suffisante la nature et l'étendue des travaux. Si le syndicat des copropriétaires soutient qu'il se trouvait dans l'impossibilité de faire réaliser les travaux de rénovation de l'immeuble à cette date compte tenu des difficultés financières qu'il connaissait à l'époque, il se borne à produire, pour l'établir, l'ordonnance de désignation par le tribunal de grande instance de Versailles du 8 août 2014 d'un administrateur provisoire chargé de prendre les mesures nécessaires au fonctionnement normal de la copropriété, notamment pour résoudre les difficultés rencontrées notamment dans la réalisation de travaux de confortation et de réfection du bâtiment B de l'immeuble. Par la production de cette seule ordonnance, le syndicat des copropriétaires n'apporte pas la preuve qu'il était dans l'impossibilité de faire les réparations en 2011. Il suit de là que le syndicat des copropriétaires n'est pas fondé à demander l'actualisation de la somme fixée par l'expert.

En ce qui concerne le moyen tiré d'une double indemnisation :

18. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que l'assureur du syndicat des copropriétaires, auquel la requête de ce syndicat a été communiquée, aurait indemnisé ce dernier des dommages subis par l'immeuble. Par suite, sans qu'il soit besoin d'enjoindre la production du contrat d'assurances du syndicat des copropriétaires, le moyen tiré par la communauté urbaine GPSEO d'une double indemnisation doit, en tout état de cause, être écarté.

19. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, d'une part, que la commune de Mantes-la-Jolie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au 64 bis rue Porte aux Saints et rue Saint-Lazare la somme de 85 129,20 euros TTC et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, que le syndicat des copropriétaires est seulement fondé à demander la condamnation de la communauté urbaine du Grand Paris Seine et Oise à lui verser la somme de 94 588 euros TTC.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise la somme de 2 000 euros à verser au syndicat des copropriétaires sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du syndicat des copropriétaires, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la communauté urbaine du Grand Paris Seine et Oise au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de rejeter les conclusions des autres parties tendant à l'application de ces dispositions. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des dépens auraient été exposés dans la présente instance, les conclusions présentées sur ce point par le syndicat des copropriétaires doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501016 du tribunal administratif de Versailles du 18 octobre 2019 est annulé.

Article 2 : La communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise est condamnée à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au 64 bis rue Porte aux Saints et rue Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie la somme de 94 588 euros TTC.

Article 3 : La communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise versera au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au 64 bis rue Porte aux Saints et rue Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au 64 bis rue Porte aux Saints et rue Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie, représenté par Me Michel, administrateur judiciaire, à la commune de Mantes-la-Jolie, à la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise, à la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux, à la société Suez Eau France, à la SCI Fox et à la MACIF.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Janicot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

La rapporteure,

M. Janicot La présidente,

C. Signerin-Icre

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N°s 19VE04160 ... 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE04118
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Lien de causalité.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Causes d'exonération - Faute de la victime.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Personnes responsables.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Mathilde JANICOT
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS SAIDJI et MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-06-22;19ve04118 ?
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