Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Les Noues a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 14 octobre 2017 par laquelle le maire de la commune de Goussainville a opposé un sursis à statuer à sa demande de permis de construire déposée le 20 mai 2017 pour la création d'un lieu cultuel et culturel sur la parcelle cadastrée section AI n° 452 sise au 2 rue des Pinsons à Goussainville, ensemble la décision du 6 février 2018 du maire de la commune de Goussainville rejetant son recours gracieux contre cette première décision.
Par un jugement n° 1803336 du 10 décembre 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision et enjoint au maire de la commune de Goussainville de réexaminer la demande de permis de construire déposée par la SCI Les Noues.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 février 2020, la commune de Goussainville, représentée par Me Paul, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SCI Les Noues devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
3°) de mettre à la charge de la SCI Les Noues le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Goussainville soutient que :
- la minute du jugement n'est pas signée ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision du 14 octobre 2017 était entachée d'une erreur d'appréciation ;
- le projet de la SCI Les Noues compromettait l'exécution du périmètre d'attente ayant vocation à être institué dans le secteur de la Charmeuse.
La requête a été communiquée à la SCI Les Noues pour laquelle il n'a pas été produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du président de la 6ème chambre du 7 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 7 décembre 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Villette,
- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,
- et les observations de Me Le Franc substituant Me Paul, pour la commune de Goussainville.
Une note en délibéré, présentée pour la commune de Goussainville, a été enregistrée le 25 avril 2023.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Les Noues a déposé le 20 mai 2017 une demande de permis de construire, valant permis de démolir, tendant à la construction d'un lieu cultuel et culturel en lieu et place d'une maison existante, sur la parcelle cadastrée section AI n° 452 au 2 rue des Pinsons à Goussainville. Par un arrêté du 14 octobre 2017, le maire de la commune de Goussainville a opposé un sursis à statuer à la demande de la SCI Les Noues pendant un délai de deux ans. Par un jugement du 10 décembre 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, sur la demande de la SCI Les Noues, annulé cette décision et enjoint au maire de la commune de Goussainville de réexaminer la demande de permis de construire déposée par la SCI Les Noues. La commune de Goussainville relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".
3. La minute du jugement attaqué est absente du dossier de première instance et le tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a pas été en mesure de la transmettre à la cour. Dans ces conditions, faute pour la cour de pouvoir vérifier que cette minute comporte les signatures requises par les dispositions précitées du code de justice administrative, la commune de Goussainville est fondée à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité et qu'il doit, par suite, être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SCI Les Noues devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur la légalité de la décision du 14 octobre 2017 :
5. Aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente mentionnée à l'article L. 153-8 prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les objectifs poursuivis et les modalités de concertation, conformément à l'article L. 103-3. / La délibération prise en application de l'alinéa précédent est notifiée aux personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9. / L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ".
6. Pour s'opposer au projet de la SCI Les Noues, comprenant la démolition d'un pavillon, le maire de la commune de Goussainville a considéré que celui-ci compromettait les orientations du projet d'aménagement et de développement durable adoptées à la date de la décision attaquée, à savoir le renforcement de pôles de centralité au moyen de la diversification des commerces de proximité, la création d'une place publique structurante, place de la Charmeuse, et le développement de liaisons entre la gare des Noues et la place de la Charmeuse. Il a également considéré que cela remettait en cause l'orientation relative à l'optimisation du foncier et à l'encadrement du renouvellement urbain au sein des pôles de centralités tendant notamment à l'augmentation de l'offre de logement et à la diminution de l'habitat insalubre.
7. Néanmoins, il ressort des pièces du dossier que le projet de règlement du plan local d'urbanisme arrêté le 5 juillet 2017, cohérent avec ces orientations, n'interdisait pas l'implantation d'équipement d'intérêt collectif, tel que celui envisagé par la SCI Les Noues dans le secteur de la Charmeuse. Il n'est pas contesté que le pavillon, ayant vocation à être démoli, présentait un risque d'effondrement au moins partiel et que le projet du pétitionnaire représentait une amélioration du bâti existant. Ce projet d'ampleur limitée n'apparaît pas, non plus, de nature à compromettre les objectifs de création de logements et de commerces en vue de la dynamisation du secteur de la Charmeuse. Au contraire, il ressort des pièces du dossier que l'édifice projeté par la SCI Les Noues accueille également des activités de soutien scolaire, d'alphabétisation et de soutien à l'insertion professionnelle, pouvant participer à l'animation de ce pôle de centralité et à la création de lien social, objectifs énoncés dans la délibération du 15 octobre 2015 par laquelle la commune a engagé la procédure de révision de son plan d'occupation des sols. S'agissant des liaisons entre la gare des Noues et la place de la Charmeuse, la commune ne fait état d'aucun projet de création ou d'agrandissement de voie que le projet du pétitionnaire serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreux. Dès lors, la SCI Les Noues était fondée à soutenir que le maire a entaché la décision du 14 octobre 2017 d'une erreur d'appréciation, en regardant sa demande de permis de construire comme étant de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme.
8. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
9. La commune de Goussainville soutient que le projet de la SCI Les Noues compromettait l'exécution du périmètre d'attente ayant vocation à être institué dans le secteur de la Charmeuse sur le fondement de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme. Ce faisant, elle doit être regardée comme demandant à ce que ce motif soit substitué à celui censuré par les premiers juges.
10. Aux termes de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : (...) 5° Dans les zones urbaines et à urbaniser, des servitudes interdisant, sous réserve d'une justification particulière, pour une durée au plus de cinq ans dans l'attente de l'approbation par la commune d'un projet d'aménagement global, les constructions ou installations d'une superficie supérieure à un seuil défini par le règlement. Ces servitudes ne peuvent avoir pour effet d'interdire les travaux ayant pour objet l'adaptation, le changement de destination, la réfection ou l'extension limitée des constructions existantes ". Aux termes du projet de règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Goussainville : " Dans le périmètre d'attente au titre de l'article L.151-41 du Code de l'Urbanisme : Sont autorisées, les destinations suivantes, sous réserve d'isolation acoustique en zone D du Plan d'Exposition au Bruit et d'une isolation acoustique de 35 dBa en zone C du Plan d'Exposition au Bruit (cf. cahier de recommandations acoustiques en annexe) : - L'adaptation, le changement de destination, la réfection des constructions existantes - Les extensions des constructions à condition qu'elles ne dépassent pas 20 m² de surface de plancher, et ce pour une durée de 5 ans à partir de la date d'approbation du PLU dans l'attente de l'approbation par la commune d'un projet d'aménagement global. Dispositions spécifiques aux abords des voies répertoriées par l'arrêté préfectoral du 28 janvier 2002, annexé en pièce 6.4 du dossier de PLU : Toute construction destinée à l'habitation ou nécessaire aux équipements d'intérêt collectif et services publics à condition de comporter un isolement acoustique conforme à la réglementation en vigueur ".
11. Si la commune avait déjà arrêté, à la date de la décision en litige, le principe d'une servitude dans le secteur de la Charmeuse sur le fondement du 5° de l'article L. 151-41 précité, elle ne fournit aucun élément sur les orientations du projet d'aménagement global envisagé qui sert de fondement à cette servitude, et dont le projet de la SCI Les Noues serait susceptible de compromettre l'exécution. Il ressort des pièces du dossier que ce projet consiste en la démolition d'un pavillon menaçant d'effondrement et en la création d'un édifice d'une surface de plancher supérieure de vingt-quatre mètres carrés seulement à celle de ce pavillon. Il résulte également de ce qui a été dit au point 7 que le changement de destination du bâtiment, dont le principe n'est pas contraire au périmètre d'attente défini par la commune, n'est pas non plus de nature à compromettre les objectifs de dynamisation du centre-ville poursuivis par celle-ci. Enfin, il n'est pas allégué que le projet de la SCI Les Noues serait de nature à complexifier ou à rendre plus onéreuses les études nécessaires à l'élaboration du projet d'aménagement global de la commune. Dès lors, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que le projet de la SCI Les Noues était de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution de son futur plan local d'urbanisme.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Les Noues est fondée à demander l'annulation de la décision du 14 octobre 2017, ensemble celle du 6 février 2018 rejetant son recours gracieux contre cette première décision.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SCI Les Noues, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1803336 du 10 décembre 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et les décisions des 14 octobre 2017 et 6 février 2018 du maire de la commune de Goussainville sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Goussainville sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Goussainville et à la SCI Les Noues.
Délibéré après l'audience du 18 avril 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Villette, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2023.
La rapporteure,
A. VILLETTELe président,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 20VE00518