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09/03/2023 | FRANCE | N°22VE00417

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 09 mars 2023, 22VE00417


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé son pays d'origine, l'Angola, ou tout autre pays dans lequel elle est légalement admissible, notamment l'Afrique du Sud, comme pays de renvoi, d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour temporaire sous astreinte de 100 euros par jour de retard à

compter du délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé son pays d'origine, l'Angola, ou tout autre pays dans lequel elle est légalement admissible, notamment l'Afrique du Sud, comme pays de renvoi, d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour temporaire sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2104198 du 2 février 2022, le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision fixant le pays de renvoi en tant qu'elle fixe l'Afrique du Sud comme pays de destination et a rejeté le surplus de sa demande.

Par une requête, enregistrée le 24 février 2022, Mme B... D..., représentée par Me Rouille-Mirza, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe l'Angola comme pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'Etat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Concernant l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le certificat médical communiqué retranscrit des blessures compatibles avec les actes de barbarie qu'elle a subis et sa fille est menacée en cas de renvoi en Angola ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle n'a plus d'attache en Angola ;

Concernant la décision fixant le pays de renvoi en tant qu'elle fixe l'Angola comme pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le certificat médical communiqué retranscrit des blessures compatibles avec les actes de barbarie qu'elle a subis et sa fille est menacée en cas de renvoi en Angola ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et elle n'a plus d'attache en Angola ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2023, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la requête est irrecevable car l'ensemble de la décision a été annulé par le jugement du 2 février 2022 et que les moyens soulevés par Mme B... D... ne sont pas fondés.

Mme B... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... D..., ressortissante angolaise née le 16 mars 1982, a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 29 juillet 2019. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 12 décembre 2019, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 28 septembre 2021. Le 11 octobre 2021, la préfète d'Indre-et-Loire a pris à son encontre un arrêté par lequel elle l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays dont elle possède la nationalité, ou tout autre pays dans lequel elle est légalement admissible, notamment l'Afrique du Sud, comme pays de renvoi. Par un jugement n° 2104198 du 2 février 2022, le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 11 octobre fixant le pays de destination en tant qu'elle a fixé l'Afrique du Sud parmi les pays vers lesquels elle était susceptible d'être renvoyée et rejeté le surplus de sa demande. Mme B... D... fait appel de ce jugement.

Sur l'obligation de quitter le territoire :

2. L'arrêté litigieux vise les textes applicables à la situation de Mme B... D... et notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il comporte des éléments circonstanciés sur sa situation personnelle et familiale, et mentionne les décisions prises par l'OFPRA et la CNDA après le dépôt de sa demande d'asile. Il précise également que la décision n'est pas contraire aux articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision l'obligeant à quitter le territoire français est donc suffisamment motivée.

3. Mme B... D... ne peut pas utilement se prévaloir des risques encourus par sa fille en cas de renvoi en Angola et d'une méconnaissance, pour ce motif, des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors que la décision d'éloignement n'a pas pour objet de fixer le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée d'office.

4. Enfin, si Mme B... D... soutient qu'elle n'a plus d'attache familiale en Angola, elle ne l'établit pas par les pièces qu'elle produit et, en tout état de cause, ne justifie pas avoir tissé des liens d'une particulière intensité en France où elle a déclaré être entrée en juillet 2019, à l'âge de 37 ans, et être dépourvue d'attache familiale. Elle n'est donc pas fondée à soutenir qu'il aurait été porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

Sur la décision fixant l'Angola comme pays de destination :

5. Eu égard aux éléments rappelés au point 2 du présent arrêt, Mme B... D... n'est pas fondée à soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée.

6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Si Mme B... D... soutient qu'un retour en Angola exposerait sa fille à un risque pour sa vie, eu égard à la réaction violente et menaçante du père de l'enfant, qui serait un homme politique important, à l'annonce de sa grossesse, les pièces produites ne permettent pas d'établir les faits dont elle se prévaut. Le certificat médical qu'elle produit, qui fait état de la compatibilité des cicatrices et lésions constatées sur son corps avec le récit des actes de violence qu'elle affirme avoir subis, ne suffit pas en particulier à regarder ces lésions comme imputables à la menace dont elle se prévaut. Ce certificat médical a en outre été produit et pris en compte dans le cadre de l'instruction de la demande d'asile de l'intéressée, laquelle a d'ailleurs été rejetée par l'OFPRA puis la CNDA. Par ailleurs, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, Mme B... D... avait demandé l'asile pour sa fille en raison de risques d'excision, notamment de la part de sa famille maternelle, sans évoquer une menace de la part de son père. Dans ces circonstances, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

8. Aux termes de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

9. Si Mme B... D... soutient qu'elle est exposée à un risque de traitement inhumain et dégradant en cas de renvoi en Angola, il résulte de ce qui a été exposé au point 7 qu'elle n'établit ni la réalité ni l'actualité des risques dont elle se prévaut. Il ressort en outre des pièces du dossier que la demande d'asile de la requérante a été rejetée par l'OFPRA, décision confirmée par la CNDA.

10. Enfin, si Mme B... D... soutient qu'elle n'a plus d'attache familiale en Angola, elle ne l'établit pas par les pièces qu'elle produit et, en tout état de cause, ne justifie pas avoir tissé des liens d'une particulière intensité en France où elle a déclaré être entrée en juillet 2019, à l'âge de 37 ans, et être dépourvue d'attache familiale. Eu égard aux conditions et à la durée de son séjour en France, la décision en litige ne méconnait pas son droit au respect de sa vie privée et familiale et ne révèle pas une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet d'Indre-et-Loire, que Mme B... D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande aux fins d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant l'Angola comme pays de destination, prises le 11 octobre 2021 par la préfète d'Indre-et-Loire. Il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions aux fins d'annulation dudit jugement et de cet arrêté, ainsi que celles présentées aux fins d'injonction et d'astreinte et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Villette, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2023.

Le rapporteur,

O. A...Le président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE00417002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00417
Date de la décision : 09/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Olivier MAUNY
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : SELARL EQUATION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-03-09;22ve00417 ?
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