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22/02/2023 | FRANCE | N°19VE01270

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 22 février 2023, 19VE01270


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis, agissant pour son compte et pour le compte de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (CRAMIF), a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner le groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil à lui verser une somme de 85 062,94 euros en remboursement des arrérages de la pension d'invalidité versés à M. C... A..., à raison de l'accident médical dont il a été victime le 30 mars 2005, une somme de 74

037,20 euros, assortie des intérêts, au titre des dépenses de santé engag...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis, agissant pour son compte et pour le compte de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (CRAMIF), a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner le groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil à lui verser une somme de 85 062,94 euros en remboursement des arrérages de la pension d'invalidité versés à M. C... A..., à raison de l'accident médical dont il a été victime le 30 mars 2005, une somme de 74 037,20 euros, assortie des intérêts, au titre des dépenses de santé engagées en faveur de M. C... A..., une somme de 150 459,60 euros au titre des dépenses de santé futures, ainsi qu'une somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1706822 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Montreuil a condamné le groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil à verser, d'une part, à la CRAMIF la somme de 81 970,64 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2015, et capitalisation des intérêts échus à la date du 25 juillet 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, d'autre part, à la CPAM de Seine-Saint-Denis la somme de 74 037,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2018, et le versement, au fur et à mesure, de 30 % des dépenses de santé futures ainsi que la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par un arrêt du 13 juillet 2021, la cour a ordonné une expertise médicale avant de statuer sur la requête, enregistrée le 12 avril 2019, complétée après cet arrêt avant dire droit par un mémoire du 14 novembre 2022, par laquelle le groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil, représenté par Me Le Prado, avocat au conseil d'Etat et à la cour de cassation, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 février 2019 ;

2°) et de rejeter les conclusions de la CRAMIF et de la CPAM de Seine-Saint-Denis.

Par un mémoire, enregistré le 13 décembre 2022, la CPAM de Seine-Saint-Denis, agissant pour son compte et pour le compte de la CRAMIF, représentée par Me Nemer, demande à la cour :

1°) à titre principal, de confirmer ce jugement ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner le groupe hospitalier intercommunal du Raincy-Montfermeil à lui verser la somme de 408 755,72 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a adressé à la cour des observations le 14 décembre 2022.

Vu :

- l'ordonnance du 29 octobre 2021 par laquelle le président de la cour a désigné le docteur B... en qualité d'expert ;

- l'ordonnance du 29 octobre 2021 par laquelle le président de la cour a désigné le docteur E... en qualité d'expert ;

- le rapport d'expertise enregistré le 12 octobre 2022 ;

- l'ordonnance du 16 décembre 2022 par laquelle le président de la cour a taxé les frais de l'expertise réalisée par le docteur B... ;

- l'ordonnance du 16 décembre 2022 par laquelle le président de la cour a taxé les frais de l'expertise réalisée par le docteur E....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., né en 1954 et atteint d'une coxarthrose gauche invalidante, a fait l'objet, le 30 mars 2005 au sein du groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil, d'une intervention chirurgicale pour la mise en place d'une prothèse totale de hanche gauche. Au cours de cette intervention, une fracture du fémur gauche s'est produite, découverte en salle de réveil et a nécessité la mise en place d'une prothèse fémorale cimentée et de quatre cerclages le même jour. Le descellement de la prothèse fémorale a rendu nécessaire, le 7 avril 2009, la réalisation à l'hôpital Beaujon d'une intervention de reprise de prothèse totale de hanche. En raison de l'apparition d'une luxation intra-prothétique entre le cône morse et la bille protéthique, une intervention de réduction à ciel ouvert a été réalisée le 14 avril 2019, au cours de laquelle a été découverte et traitée une bactériémie à staphylocoque doré. Le 19 octobre 2010, une nouvelle infection de la prothèse à staphylocoque doré a été diagnostiquée, rendant nécessaire une intervention de changement de la prothèse. Néanmoins, au cours de cette intervention réalisée le 26 novembre 2010 à l'hôpital de La Croix Saint-Simon, il a été décidé de ne pas installer de nouvelle prothèse mais de laisser la hanche en résection, compte tenu du capital osseux et musculaire dégradé de la victime, du caractère étendu de l'infection chronique et des précédentes interventions d'ores et déjà réalisées. A l'issue d'un séjour en service de rééducation, M. C... A... se déplaçait essentiellement en fauteuil roulant.

2. M. C... A... a saisi le 22 janvier 2014 la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) d'Ile-de-France, qui a désigné le 26 mars 2014 un expert chirurgien orthopédiste et un expert infectiologue, qui ont rendu leur rapport le 25 août 2014. Le 28 octobre 2014, la CCI a estimé que la réparation des dommages subis par M. C... A... incombait au groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil à hauteur de 30 %, du fait du caractère fautif de la survenue, au cours de l'intervention du 30 mars 2005, de la fracture du fémur, à l'origine d'un descellement précoce de la prothèse ayant nécessité une intervention chirurgicale au cours de laquelle est apparue une infection nosocomiale, et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à hauteur de 70 %, eu égard aux conséquences de cette infection.

3. Par un jugement du 12 février 2019 dont le groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a également estimé que la fracture du fémur était la conséquence d'une maladresse du chirurgien constitutive d'une faute, qu'elle était à l'origine d'un descellement précoce de la prothèse, et que le préjudice professionnel subi par la victime était intégralement imputable à cette faute. Il a en outre estimé qu'eu égard au rôle joué par l'infection contractée en 2009, le groupe hospitalier devait réparer les autres postes de préjudice à hauteur de 30 %. Il a ainsi condamné ce dernier à verser à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (CRAMIF) une somme de 81 970,64 euros en remboursement des arrérages de la pension d'invalidité versés à la victime et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis une somme de 74 037,20 euros, assortie des intérêts, au titre des dépenses de santé engagées en faveur de M. C... A..., ainsi que, sur justificatifs, 30 % des dépenses de santé futures.

Sur la régularité du jugement :

4. Le groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil soutient que le jugement du tribunal administratif de Montreuil est insuffisamment motivé, et que c'est à tort que les premiers juges ont écarté sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné une nouvelle expertise, au motif que celle diligentée par la commission de conciliation et d'indemnisation d'Ile-de-France n'a pas été réalisée conformément au principe du contradictoire. Toutefois ces moyens, qui ont uniquement été soulevés succinctement dans sa requête sommaire, ne sont pas assortis des précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Ils ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité du groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil :

5. En premier lieu, si le rapport du 25 août 2014, réalisé par un expert chirurgien orthopédiste et un expert infectiologue à la demande de la CCI d'Ile-de-France, indiquait que la survenue d'une fracture du fémur gauche au cours de l'intervention du 30 mars 2005 était de nature à révéler une maladresse du chirurgien, il se bornait à déduire cette maladresse de l'absence de risque chez la victime. Or, le rapport d'expertise du 12 octobre 2022 établi par un expert chirurgien orthopédiste et un expert infectiologue, à la demande de la cour, indique que M. C... A... présentait plusieurs facteurs de risque connus de fracture périprothétique : son jeune âge, une ostéonécrose aseptique de la tête fémorale et un éthylisme chronique, à l'origine d'une très probable ostéoporose. Il précise aussi qu'une fracture du fémur peut se produire lors de l'intervention sans la réalisation d'un geste inadapté, en particulier pendant le passage des râpes ou pendant la descente de la tige fémorale. En revanche, ce rapport ajoute que la fracture aurait dû être constatée au cours de la suite de l'intervention chirurgicale, le chirurgien devant continuer à surveiller le fémur lors des gestes suivants, et indique que l'absence de détection précoce de cette fracture a nécessairement aggravé ses conséquences et est ainsi à l'origine de la nécessité de réaliser, dans un second temps, une ostéosynthèse.

6. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que si la survenue même de la fracture du fémur au cours de l'intervention du 30 mars 2005 n'est pas de nature à révéler l'existence d'une faute, son absence de détection précoce est quant à elle le résultat d'un défaut de surveillance fautif.

7. En deuxième lieu, il ressort du rapport d'expertise du 12 octobre 2022 que si le descellement de la prothèse constaté chez M. C... A... en 2009 ne peut avec certitude trouver sa seule origine dans le retard de détection de la fracture du fémur survenue en 2005, eu égard en particulier aux facteurs de risque qu'il présentait à cet égard, du fait de son âge, de son obésité et de la circonstance qu'il ne respectait pas les consignes d'interdiction d'appui données par l'équipe médicale en phase de rééducation, il ne saurait davantage être exclu que le retard à traiter cette fracture ait favorisé le descellement de la prothèse. Dès lors, il y a lieu d'estimer que la faute du groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil a privé M. C... A... d'une chance d'échapper à ce descellement, puis à l'intervention de reprise du 7 avril 2009 au cours de laquelle il a contracté une infection ayant rendu, in fine, nécessaire la mise en résection de sa hanche. Il y a lieu d'évaluer l'ampleur de cette perte de chance à 30 %.

En ce qui concerne le préjudice professionnel :

8. D'une part, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le juge saisi du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Dans le cas où la réparation, fondée sur un pourcentage représentatif d'une perte de chance, est partielle, la somme que doit réparer le tiers responsable au titre d'un poste de préjudice doit être attribuée par préférence à la victime, le solde étant, le cas échéant, attribué aux tiers subrogés.

9. D'autre part, eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par ces dispositions législatives et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité. Dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice.

10. En l'espèce, il résulte de l'instruction, en particulier des bulletins de paie de M. C... A... correspondant aux mois de mars 2004 à février 2005, que l'intéressé percevait en moyenne avant l'intervention de mise en place d'une prothèse totale de hanche gauche une somme de 1 238 euros net par mois et qu'il n'a pu reprendre d'activité professionnelle par la suite. Ainsi, sur la période du 1er septembre 2005 au 30 avril 2007, le montant de sa perte de revenus s'élève à la somme totale de 24 760 euros. Sur la période du 1er mai 2007 au 31 octobre 2015, le montant de sa perte de revenu s'élève à la somme totale de 126 276 euros.

11. Or, bien que M. C... A... ait perçu dès le 1er mai 2007 une pension d'invalidité et ait aussi fait l'objet le 31 août 2007, soit avant d'avoir contracté l'infection à l'origine de ses séquelles les plus lourdes, d'un licenciement pour inaptitude, son incapacité à reprendre une activité professionnelle, qui résultait alors du descellement de la prothèse qui n'avait pas encore été diagnostiqué, ne saurait être intégralement imputable à la faute de l'hôpital. Il y a lieu en revanche d'appliquer le taux de perte de chance retenu au point 7 du présent arrêt. Dans ces conditions, le montant de l'indemnité susceptible d'être allouée au titre de la perte de revenus de la victime s'élève à la somme de 7 428 euros pour la période du 1er septembre 2005 au 30 avril 2007 et à la somme de 37 882,80 euros pour la période du 1er mai 2007 au 31 octobre 2015.

12. Ni M. C... A... ni ses ayants-droits n'ayant présenté dans la présente instance de demande d'indemnisation à ce titre, l'intégralité de l'indemnité correspondant à la période du 1er septembre 2005 au 30 avril 2007 sera versée à la CPAM de Seine-Saint-Denis, qui a versé à la victime des indemnités journalières pour un montant total de 19 977,20 euros sur cette période.

13. Pour la même raison, l'intégralité de l'indemnité correspondant à la période du 1er mai 2007 au 31 octobre 2015 sera versée à la CRAMIF, qui a versé à la victime des arrérages de pension d'invalidité d'un montant total de 85 062,94 euros sur cette période, et qui n'invoque par ailleurs pas devant la cour l'incidence professionnelle qu'aurait pu avoir sur la victime la faute de l'hôpital.

En ce qui concerne les dépenses de santé :

14. En premier lieu, la CPAM de Seine-Saint-Denis demande le remboursement de frais d'hospitalisation pour la période du 21 avril au 28 juillet 2005, correspondant aux soins de rééducation au centre des Ormes à la suite de la première intervention de pose de prothèse de hanche du 30 mars 2005 (75 138,30 euros), puis pour la période du 6 au 24 avril 2009 correspondant à l'hospitalisation à l'hôpital Beaujon pour la reprise de prothèse totale de hanche (26 298,90 euros), puis pour la période du 24 avril au 26 août 2009 correspondant aux soins de rééducation à la clinique de Livry Sully (17 662, 65 euros), puis pour la période du 19 octobre au 15 novembre 2010 correspondant à la prise en charge par le centre hospitalier intercommunal Le Rancy-Montfermeil (27 752,22 euros), puis pour la période du 8 décembre 2010 au 20 mai 2011 correspondant aux soins de rééducation suivis au centre de médecine physique et de réadaptation de Bobigny (40 922,29 euros) et enfin pour la journée d'hospitalisation au groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil le 12 septembre 2019 (200,58 euros). Il ne résulte pas de l'instruction que la prise en charge de M. C... A... le 12 septembre 2019 présente un quelconque lien avec la faute commise par l'hôpital le 30 mars 2005. Par conséquent, les frais correspondant ne pourront donner lieu à une indemnisation. En revanche, le rapport d'expertise du 12 octobre 2022 précise que les soins de rééducation prodigués à la victime au centre des Ormes sont liés aux conséquences de la fracture du fémur traitée dans des conditions fautives lors de l'intervention du 30 mars 2005. En outre, si ce rapport indique par ailleurs qu'une faute technique a été commise, au cours de l'intervention de reprise réalisée le 7 avril 2009, il résulte de l'instruction que l'intervention pratiquée le 14 avril 2009 pour remédier aux conséquences de cette faute n'est pas à l'origine de l'infection constatée au cours de cette dernière intervention, nécessairement contractée au cours de celle du 7 avril 2009. Ainsi, les conséquences de cette infection qui n'a pu être contractée qu'en raison de la faute commise le 30 mars 2005 qui a rendu nécessaire l'intervention de reprise du 7 avril 2009 sont également, dans la limite du pourcentage de perte de chance fixé au point 7, en lien avec cette faute. Dès lors, tant les frais d'hospitalisation à l'hôpital Beaujon, que ceux correspondant au séjour au centre de rééducation de Livry, pourront être indemnisés à hauteur de ce pourcentage. Il en va de même s'agissant des frais correspondant à l'hospitalisation au centre hospitalier intercommunal Le Rancy-Montfermeil du 19 octobre au 15 novembre 2010, ce séjour ayant eu pour objet de traiter la rechute de l'infection contractée en 2009, et des frais correspondant au séjour au centre de médecine physique et de réadaptation de Bobigny qui l'a suivi. Il y a donc lieu de condamner le groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil à verser à la CPAM de Seine-Saint-Denis la somme de 56 332,30 euros à ce titre.

15. En deuxième lieu, la CPAM de Seine-Saint-Denis justifie également, par la production d'un relevé de ses débours et d'une attestation d'imputabilité de son médecin conseil, avoir pris en charge, pour le compte de la victime des frais médicaux (pour un montant de 12 898,54 euros), des frais pharmaceutiques (238,98 euros), des frais d'appareillage (4 417,51 euros) ainsi que des frais de transport (97 690,61 euros). Le rapport d'expertise du 12 octobre 2022 indiquant que la faute du 30 mars 2005 a rendu nécessaire des séances de kinésithérapie, auxquelles la victime se rendait en ambulance, et le rapport du 25 août 2014 mentionnant la nécessité de semelles orthopédiques ainsi que d'un fauteuil roulant, l'ensemble de ces frais exposés avant le décès de la victime est en lien avec la faute et pourra donner lieu, sous réserve de l'application du pourcentage de perte de chance, à indemnisation. Il y a donc lieu de condamner le groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil à verser à la CPAM de Seine-Saint-Denis la somme de 34 573, 69 euros à ce titre.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil est seulement fondé à demander que l'indemnité que le tribunal administratif de Montreuil l'a condamné à verser la CRAMIF soit ramenée à la somme de 37 882,80 euros et que celle qu'il a été condamné à verser à la CPAM de Seine-Saint-Denis soit ramenée à la somme totale de 98 334 euros.

Sur les intérêts :

17. L'indemnité due à la CRAMIF sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2015, date de réception par l'hôpital de sa demande préalable. De plus, la CRAMIF a demandé la capitalisation des intérêts dans sa requête introductive déposée le 25 juillet 2017 au greffe du tribunal administratif. Il y a donc lieu de faire droit à cette demande de capitalisation à compter du 11 juin 2016, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

18. L'indemnité due à la CPAM de Seine-Saint-Denis sera quant à elle assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2018, date du premier mémoire qu'elle a présenté devant le tribunal.

Sur les dépens :

19. Les frais et honoraires de l'expertise des docteurs B... et E... ont été liquidés et taxés aux sommes respectives de 3 240 et 2 773,40 euros. Il y a lieu de mettre ces frais à la charge définitive du groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil la somme demandée par la CPAM de Seine-Saint-Denis au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil est condamné à verser à la CRAMIF la somme de 37 882,80 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 11 juin 2015. Ces intérêts seront eux-mêmes capitalisés à compter du 11 juin 2016 puis à chaque échéance annuelle.

Article 2 : Le groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil est condamné à verser à la CPAM de Seine-Saint-Denis la somme totale de 98 334 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 31 janvier 2018.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 12 février 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les frais d'expertise, d'un montant total de 6 013,40 euros, sont mis à la charge définitive du groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil, à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France et à M. C... A....

Copie en sera adressée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Troalen, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2023.

La rapporteure,

E. D...Le président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

No 19VE01270002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01270
Date de la décision : 22/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise - Recours à l'expertise.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme ORIO
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : SARL LE PRADO - GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-02-22;19ve01270 ?
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