Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 10 février 2021 par lequel le préfet du Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2101054 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 mai 2022, Mme C..., représentée par Me Aucher, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Cher de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte 100 euros par jour de retard ;
4°) à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que, en ce qui concerne le refus d'admission au séjour :
- les dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ; la décision manque de motivation en fait ;
- elle vit en France depuis 2015 avec ses deux enfants, et ils sont régulièrement scolarisés ; les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ; elle s'occupe seule des enfants, leur père a disparu en République démocratique du Congo ; elle remplit les critères énoncés par la circulaire Valls du 28 novembre 2012 ;
- les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont également été méconnues ;
- le préfet n'a pas non plus pratiqué un examen particulier de sa situation personnelle, les éléments dont elle fait état n'ont pas été pris en considération ;
- l'obligation de quitter le territoire français viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle est aussi entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante congolaise née le 20 mai 1973, est entrée en France le 11 juin 2015 selon ses déclarations, accompagnée de ses deux enfants alors âgés de 6 et 12 ans. Le 1er octobre 2015, elle a demandé l'asile, sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 14 juin 2016, confirmée par une décision du 6 février 2017 de la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 29 mai 2017, le préfet du Cher l'a obligée à quitter le territoire français. Par un courrier du 7 décembre 2020, Mme C... a demandé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Elle relève appel du jugement n° 2101054 du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 10 février 2021, par lequel le préfet du Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur la régularité du jugement :
2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme C... ne peut donc utilement se prévaloir de l'erreur de fait et des erreurs manifestes d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions administratives individuelles défavorables qui constituent une mesure de police, doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) ". L'arrêté en litige vise les textes dont il est fait application, et notamment les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11, de l'article L. 313-14 et du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que l'intéressée ne démontre pas être munie d'un titre de séjour en cours de validité. Il rappelle les circonstances de l'entrée de Mme C... sur le territoire français, celles du rejet de sa demande d'asile ainsi que les conditions et la durée de son séjour avec ses deux enfants et l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français en 2017, à laquelle elle n'a pas déféré. Il expose également les éléments de sa situation personnelle et familiale, la circonstance qu'elle a ses deux enfants scolarisés à sa charge, et précise aussi que parallèlement à ses activités associatives, elle ne travaille pas et apparaît dépourvue de ressources propres. L'arrêté énonce ainsi de façon précise les circonstances pour lesquelles le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours. Par suite, alors que la motivation de l'obligation de quitter le territoire se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en droit et en fait doit être écarté. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des termes de l'arrêté qu'il soit entaché d'un défaut d'examen particulier et approfondi de la situation personnelle de Mme C....
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". En outre, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Mme C... est célibataire, et la seule circonstance qu'elle vit en France avec ses deux enfants, depuis 2015, ne lui permet pas de justifier, compte tenu des conditions de son séjour, qu'elle aurait pu y fixer le centre de ses intérêts. La durée du séjour en France, après le rejet de sa demande d'asile, résulte en l'espèce de l'absence d'exécution d'une obligation de quitter le territoire français à son encontre, qui lui a été notifiée en 2017. Il ressort aussi des écritures mêmes de la requérante qu'elle est seule pour s'occuper de ses deux enfants scolarisés, dont le père a selon elle disparu ou été tué en République démocratique du Congo, avant son départ et qu'elle n'a pas d'activité professionnelle. Elle ne justifie en outre par aucune pièce du dossier de l'existence d'une communauté de vie stable et ancienne avec un compagnon en séjour régulier en France. Si elle fait état d'un engagement associatif, elle ne peut justifier du suivi de formations professionnelles et, en tout état de cause, ne démontre pas subvenir à ses besoins. Ainsi, ces seuls éléments ne permettent pas de démontrer une insertion suffisamment ancienne, intense et pérenne sur le territoire national à la date des décisions en litige. Dans ces conditions, le préfet du Cher n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris cette décision et n'a, par suite, pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il en va de même pour les mêmes motifs du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet du Cher, au regard des conséquences des décisions attaquées sur sa situation personnelle.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Dans ces conditions, il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur l'un ou l'autre de ces points.
7. Eu égard aux éléments mentionnés au point 5, les circonstances invoquées par la requérante, tirées de la durée de son séjour en France et des liens familiaux qu'elle entretient avec ses deux enfants scolarisés ne peuvent être regardées comme constituant des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit, par suite, être écarté.
8. Enfin, Mme C... ne peut utilement se prévaloir de la " circulaire Valls " du 28 novembre 2012 qui énonce des orientations générales que le ministre de l'intérieur a adressées aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation. Ce moyen doit, dès lors, être écarté comme inopérant.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que pour celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Cher.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Villette, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2023.
Le président assesseur,
O. MAUNYLe président rapporteur,
P.-L. B...La greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE01230 2