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03/02/2023 | FRANCE | N°22VE01020

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 03 février 2023, 22VE01020


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 13 février 2018 par lequel le préfet de la région Ile-de-France a rejeté leur recours contre l'avis défavorable émis par l'architecte des bâtiments de France sur leur projet de création d'un ascenseur dans l'immeuble situé 2 rue de Maurepas à Versailles ainsi que cet avis de l'architecte des bâtiments de France et l'arrêté du 25 octobre 2017 du maire de la commune de Versailles s'opposant à leur

déclaration préalable de travaux en vue de la construction de cet ascenseur.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 13 février 2018 par lequel le préfet de la région Ile-de-France a rejeté leur recours contre l'avis défavorable émis par l'architecte des bâtiments de France sur leur projet de création d'un ascenseur dans l'immeuble situé 2 rue de Maurepas à Versailles ainsi que cet avis de l'architecte des bâtiments de France et l'arrêté du 25 octobre 2017 du maire de la commune de Versailles s'opposant à leur déclaration préalable de travaux en vue de la construction de cet ascenseur.

Par un jugement n° 1802694 du 16 septembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 25 octobre 2017, enjoint à la commune de Versailles de délivrer à M. et Mme A... un certificat de non-opposition à cette déclaration préalable dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et rejeté le surplus des conclusions.

Par un arrêt n° 19VE03480, 19VE03514, 20VE01694 du 19 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la commune de Versailles, annulé ce jugement et rejeté la demande de M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Versailles ainsi que leurs conclusions à fin d'exécution du jugement précité et jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement.

Par une décision n°448894 du 26 avril 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour M. et Mme A..., annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat :

I - Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 17 octobre 2019 et le 10 février 2020, sous le n° 19VE03480, la commune de Versailles, représentée par Me Alonso Garcia, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1802694 du 16 septembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme A... le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Versailles soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont déclaré la requête recevable dès lors que les époux A... ont contesté devant le tribunal la seule décision du préfet d'Ile-de-France statuant sur le recours hiérarchique exercé à l'encontre de l'avis de l'architecte des bâtiments de France ;

- c'est également à tort que les premiers juges ont estimé que l'opposition à la déclaration préalable ne pouvait légalement être fondée sur les dispositions de l'article 3 du plan de sauvegarde et de mise en valeur, lesquelles n'interdisent pas les modifications de manière générale et absolue sur les immeubles ou parties d'immeubles remarquables mais les autorise dans des cas très limités ;

- c'est encore à tort que les premiers juges ont enjoint à la commune de délivrer aux requérants l'autorisation sollicitée, dès lors, d'une part, que leurs écritures ne comportaient pas de demande d'injonction à adresser à la commune, mais seulement au préfet, d'autre part, que l'injonction prononcée excède l'exécution de l'annulation.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 février 2020 et le 17 novembre 2020, et, après cassation et renvoi, par des mémoires enregistrés sous le n° 2201020 le 27 juin 2022 et le 8 décembre 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Briard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, concluent au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Versailles de leur délivrer un certificat de non-opposition à leur déclaration de travaux du 8 septembre 2017 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte journalière de 2 000 euros et de mettre à la charge de la commune de Versailles la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 24 novembre 2022, la commune de Versailles déclare s'en remettre à la sagesse de la cour s'agissant du moyen tiré de l'illégalité du motif de refus opposé aux époux A... et renoncer à sa fin de non-recevoir.

II - Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 17 octobre 2019 et le 28 janvier 2020, sous le n° 19VE03514, la commune de Versailles, représentée par Me Alonso Garcia, avocat, demande à la Cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution de ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de M. et Mme A... le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle soulève des moyens sérieux et que l'exécution du jugement aurait des conséquences difficilement réparables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Briard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, concluent au rejet de la requête.

III - Par une ordonnance en date du 23 juillet 2020 enregistrée sous le n° 20VE01694, le président de la Cour a ouvert une procédure juridictionnelle en vue de prescrire, si nécessaire, les mesures propres à assurer l'exécution du jugement n° 1802694 rendu par le tribunal administratif de Versailles le 16 septembre 2019.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ;

- la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ;

- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Serege, pour la commune de Versailles et de Me Videau, pour M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., propriétaires d'un appartement au deuxième étage de l'immeuble en copropriété situé au 2, rue de Maurepas à Versailles, ont déposé le 8 septembre 2017 une déclaration préalable de travaux pour la création d'un ascenseur dans cet immeuble. L'architecte des bâtiments de France ayant émis le 16 octobre 2017 un avis défavorable à ce projet, le maire de la commune de Versailles s'est opposé à la déclaration préalable par un arrêté du 25 octobre 2017. Par un arrêté du 13 février 2018, le préfet de la région Ile-de-France a rejeté leur recours contre l'avis défavorable émis par l'architecte des bâtiments de France. L'avis défavorable du préfet, qui s'est ainsi substitué à celui de l'architecte des bâtiments de France, est fondé sur la contrariété du projet avec l'article 3 des dispositions générales du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Versailles.

2. Par un jugement n° 1802694 du 16 septembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 25 octobre 2017, enjoint à la commune de Versailles de délivrer à M. et Mme A... un certificat de non-opposition à cette déclaration préalable dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et rejeté le surplus des conclusions.

3. Par un arrêt n° 19VE03480-19VE03514-20VE01694 du 19 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la commune de Versailles, annulé ce jugement et rejeté la demande de M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Versailles ainsi que leurs conclusions à fin d'exécution du jugement précité et jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement Par une décision n°448894 du 26 avril 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour M. et Mme A..., annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.

4. Les deux requêtes et l'ordonnance susvisées présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par le même arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Le I de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, issue de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, permet d'établir, sur tout ou partie d'un site patrimonial remarquable créé en application du titre III du livre VI du code du patrimoine, un plan de sauvegarde et de mise en valeur qui, sur le périmètre qu'il recouvre, tient lieu de plan local d'urbanisme. Le deuxième alinéa du II de l'article 112 de la loi du 7 juillet 2016 prévoit que les " secteurs sauvegardés " créés, comme celui de Versailles, avant la publication de cette loi " deviennent de plein droit des sites patrimoniaux remarquables, au sens de l'article L. 631-1 du code du patrimoine, et sont soumis au titre III du livre VI du même code. Le plan de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé applicable à la date de publication de la présente loi est applicable après cette date dans le périmètre du site patrimonial remarquable ".

6. Aux termes du III de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme : " (...) Le plan de sauvegarde et de mise en valeur peut (...) comporter l'indication des immeubles ou parties intérieures ou extérieures d'immeubles : (...) dont la démolition, l'enlèvement ou l'altération sont interdits et dont la modification est soumise à des conditions spéciales (...) ". Antérieurement à la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, les dispositions de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme prévoyaient que les plans de sauvegarde et de mise en valeur comportaient notamment l'indication des immeubles ou parties d'immeubles " dont la démolition, l'enlèvement, la modification ou l'altération sont interdits ". Il résulte des dispositions du III de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme telles que modifiées par la loi du 13 décembre 2000, éclairée par ses travaux préparatoires, que si les plans de sauvegarde et de mise en valeur peuvent identifier les immeubles ou parties intérieures ou extérieures d'immeubles dont la démolition, l'enlèvement ou l'altération sont interdits et dont la modification est soumise à des conditions spéciales, ils ne peuvent désormais en interdire toute modification de façon générale et absolue.

7. En l'espèce, l'article 3 des dispositions générales du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Versailles dispose qu'il identifie des " 3) Immeubles ou parties d'immeubles à conserver dont la démolition, l'enlèvement, la modification ou l'altération sont interdits " et précise que : " La conservation de ces immeubles est impérative : par suite, tous travaux effectués sur un immeuble ne peuvent avoir pour but que la restitution de l'immeuble dans son état primitif ou dans un état antérieur connu compatible avec son état primitif ".

8. Il résulte des termes mêmes des dispositions de cet article 3 qu'elles interdisent la modification des immeubles ou parties d'immeubles identifiés comme étant à conserver. En autorisant la seule réalisation, sur ces immeubles, de travaux en vue de la restitution dans leur état primitif ou dans un état antérieur connu compatible avec leur état primitif, elles ne sauraient être regardées comme permettant la modification de ces immeubles en se bornant à la soumettre à des conditions spéciales. Les dispositions de l'article 3 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de la commune de Versailles méconnaissaient ainsi l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme.

9. Par suite, le maire de la commune de Versailles ne pouvait légalement se fonder sur de telles dispositions pour s'opposer à la déclaration de travaux souscrite par M. et Mme A....

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Versailles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté du 25 octobre 2017 par lequel le maire de Versailles s'est opposé à la déclaration préalable souscrite par les époux A....

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, son jugement implique nécessairement d'ordonner à l'autorité compétente, d'office le cas échéant, de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle.

12. Ainsi, d'une part, l'illégalité des dispositions de l'article 3 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de la commune de Versailles dans lequel la décision d'opposition à travaux attaquée trouve son fondement entraînant à elle seule l'illégalité de cette dernière décision, son annulation n'impliquait pas qu'il soit enjoint à la commune de Versailles de modifier les dispositions de ce règlement et que la demande des époux A... soit réexaminée au regard de telles dispositions nouvelles. La commune de Versailles n'est, dès lors, pas fondée à soutenir qu'en lui enjoignant de délivrer à M. et Mme A... un certificat de non-opposition à leur déclaration préalable, les premiers juges auraient prononcé une mesure excédant les conséquences de l'annulation prononcée et ainsi entaché leur jugement d'irrégularité.

13. D'autre part, les premiers juges, qui ont fait application du deuxième alinéa de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, en enjoignant d'office à la commune de Versailles de délivrer à M. et Mme A... un certificat de non-opposition à leur déclaration préalable, alors que ces derniers avaient uniquement formulé en première instance de conclusions à fin d'injonction dirigées contre le préfet, n'ont pas davantage entaché leur jugement d'irrégularité.

14. Par ailleurs, il n'y a pas lieu d'assortir l'injonction prononcée par le tribunal d'une astreinte.

15. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué présentées par la commune de Versailles.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Versailles le versement à M. et Mme A... de la somme de 2 000 euros au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution présentées par la commune de Versailles.

Article 2 : La requête de la commune de Versailles est rejetée.

Article 3 : La commune de Versailles versera à M. et Mme A... la somme totale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. et Mme A... ainsi que les conclusions présentées par la commune de Versailles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Versailles et à M. et Mme A....

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2023.

La rapporteure,

E. B...Le président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

No 22VE01020002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01020
Date de la décision : 03/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Procédure d'attribution.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation locale - Plans de sauvegarde et de mise en valeur.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : SELARL ANTOINE ALONSO GARCIA AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-02-03;22ve01020 ?
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