Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Châtillon a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler le " contrat " matérialisé par le devis de travaux de raccordement au réseau de distribution d'électricité établi le 10 octobre 2011 par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), devenue depuis la société Enedis. Par un jugement avant-dire droit n° 1302484 du 1er février 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a ordonné une expertise. Par un jugement n° 1302484 du 17 novembre 2016, le tribunal a rejeté la demande de la commune de Châtillon et mis à sa charge les frais d'expertise pour une somme de 11 457,20 euros.
Par un arrêt n° 17VE00186 du 27 juin 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la commune de Châtillon contre ce jugement.
Par une décision n° 433972 du 26 octobre 2021, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi formé par la commune de Châtillon, a annulé cet arrêt du 27 juin 2019 et renvoyé l'affaire devant la cour.
Procédure devant la cour après renvoi :
Par des mémoires, enregistrés le 25 février 2022, le 8 avril 2022 et le 8 décembre 2022, la commune de Châtillon, représenté par Me Pachen-Lefevre, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 novembre 2016 ;
2°) d'annuler le contrat matérialisé par le devis n° D321/045217/002001 établi par la société Enedis (ERDF) le 10 octobre 2011 et accepté par la commune le 4 septembre 2012 ;
3°) de mettre à la charge d'Enedis la somme 11 457,20 euros TTC correspondant aux frais d'expertise ;
4°) de mettre à la charge de la société Enedis une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les travaux réalisés par la société ERDF sont des travaux de renforcement pour lesquels aucune contribution ne peut être mise à sa charge ;
- le décret du 28 août 2007, qui méconnaît les dispositions combinées des articles L. 342-6 et L. 342-11 du code de l'énergie, ne peut lui être opposé ; en tout état de cause, les travaux réalisés par ERDF ne correspondent pas à la définition des travaux d'extension prévue par ce décret ;
- la notion d'opération de raccordement de référence est inopérante pour l'application de l'article L. 342-11 du code de l'énergie ;
- le contrat litigieux est nul dès lors qu'il a été obtenu par violence.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 février 2022, le 7 avril 2022, le 10 juin 2022 et le 9 janvier 2023, la société Enedis, représentée par Me Le Chatelier, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soient mis à la charge de la commune de Châtillon les frais d'expertise et la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.
Vu :
- l'ordonnance du 26 août 2016 par laquelle la présidente du tribunal administratif de Versailles a taxé les frais de l'expertise réalisée par M. A... B... à la somme de 11 457,20 euros TTC ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le décret n° 2007-1280 du 28 août 2007 relatif à la consistance des ouvrages de branchement et d'extension des raccordements aux réseaux publics d'électricité ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteur public,
- et les observations de Me Veran pour la commune de Châtillon et de Me Dubroca pour la société Enedis.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de la commune de Châtillon a délivré le 9 février 2010 à la SCI Franco-Suisse un permis de construire un ensemble immobilier situé au 12, rue Pierre Brossolette. La SCI Franco-Suisse a sollicité le 4 mai 2011 le raccordement collectif de son programme immobilier au réseau public de distribution d'électricité. Par un courrier en date du 10 octobre 2011, la société ERDF, devenue Enedis, a adressé à la commune de Châtillon un devis de travaux d'électricité d'un montant de 16 388,68 euros toutes taxes comprises au titre de la contribution due par cette dernière pour la réalisation des travaux de raccordement de l'ensemble immobilier. Par des courriers des 21 février et 20 juin 2012, le maire de la commune de Châtillon a demandé à la société ERDF de réexaminer son devis. La société ERDF ayant rejeté cette demande et subordonné la réalisation des travaux à l'acceptation par la commune de son devis, le maire de la commune de Châtillon a accepté ce devis le 5 septembre 2012 tout en indiquant à la société Enedis qu'il se réservait la possibilité de faire reconnaître que la commune n'était pas débitrice de cette créance. La commune de Châtillon fait appel du jugement du 17 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, après avoir ordonné une expertise avant dire droit, rejeté sa demande formulée comme tendant à l'annulation du " contrat matérialisé par le devis du 10 octobre 2011 ".
2. Le devis communiqué par la société ERDF à la commune de Châtillon tend à l'application des règles impératives prévues aux articles L. 342-6 et L. 346-11 du code de l'énergie combinés et aux dispositions réglementaires prises pour leur application. Nonobstant sa signature par le maire de Châtillon et le refus d'ERDF d'entreprendre les travaux avant la remise de ce devis signé par la commune, celui-ci n'a pu faire naître de relation contractuelle entre la commune et ERDF. Dès lors, la commune de Chatillon doit être regardée comme demandant, tant devant les premiers juges qu'en appel, à être déchargée de l'obligation de payer la somme de 16 388,68 euros toutes taxes comprises à la société ERDF, devenue Enedis, en sa qualité de gestionnaire du réseau.
3. Aux termes de l'article L. 342-2 du code de l'énergie, dans sa rédaction applicable au litige : " Le raccordement d'un utilisateur aux réseaux publics comprend la création d'ouvrages d'extension, d'ouvrages de branchement en basse tension et, le cas échéant, le renforcement des réseaux existants. (...) Les ouvrages de raccordement relèvent des réseaux publics de transport et de distribution. Un décret précise la consistance des ouvrages de branchement et d'extension ". Aux termes du décret du 28 août 2007 : " L'extension est constituée des ouvrages, nouvellement créés ou créés en remplacement d'ouvrages existants dans le domaine de tension de raccordement et nouvellement créés dans le domaine de tension supérieur qui, à leur création, concourent à l'alimentation des installations du demandeur ou à l'évacuation de l'électricité produite par celles-ci, énumérés ci-dessous : 1° Canalisations électriques souterraines ou aériennes et leurs équipements terminaux lorsque, à leur création, elles ne concourent ni à l'alimentation ni à l'évacuation de l'électricité consommée ou produite par des installations autres que celles du demandeur du raccordement ; 2° Canalisations électriques souterraines ou aériennes, au niveau de tension de raccordement, nouvellement créées ou créées en remplacement, en parallèle d'une liaison existante ou en coupure sur une liaison existante, ainsi que leurs équipements terminaux lorsque ces canalisations relient le site du demandeur du raccordement au (x) poste (s) de transformation vers un domaine de tension supérieur au domaine de tension de raccordement le (s) plus proche (s) ; (...) ".
4. Aux termes de l'article L. 342-6-6 du code de l'énergie, dans sa rédaction applicable au litige : " La part des coûts de branchement et d'extension des réseaux non couverts par les tarifs d'utilisation des réseaux publics peut faire l'objet de la contribution due par le redevable défini à l'article L. 342-7 ou par les redevables définis à l'article L. 342-11. La contribution est versée au maître d'ouvrage des travaux, qu'il s'agisse d'un gestionnaire de réseau, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'un syndicat mixte. ". Aux termes de l'article L. 342-11 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " La contribution prévue à l'article L. 342-6 pour le raccordement des consommateurs au réseau de distribution est versée, dans des conditions, notamment de délais, fixées par les cahiers des charges des concessions ou les règlements de service des régies ou, à défaut, par décret en Conseil d'Etat, par les redevables mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4° et 5° suivants : 1° Lorsque l'extension est rendue nécessaire par une opération ayant fait l'objet d'un permis de construire, d'un permis d'aménager ou d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable, située en dehors d'une zone d'aménagement concerté et ne donnant pas lieu à la participation spécifique pour la réalisation d'équipements publics exceptionnels ou à la participation pour voirie et réseaux mentionnées à l'article L. 332-6-1 du code de l'urbanisme, la contribution correspondant aux équipements mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme est versée par le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition. La part de contribution correspondant à l'extension située hors du terrain d'assiette de l'opération reste due par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent pour la perception des participations d'urbanisme. Toutefois, les coûts de remplacement ou d'adaptation d'ouvrages existants ou de création de canalisations en parallèle à des canalisations existantes afin d'en éviter le remplacement, rendus nécessaires par le raccordement en basse tension des consommateurs finals, ne sont pas pris en compte dans cette part. Ces coûts sont couverts par le tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution mentionné à l'article L. 341-2 ; (...) ".
5. Il résulte des dispositions législatives précitées, éclairées par les travaux parlementaires préalables à leur adoption, et auxquelles le décret du 28 août 2007 ne saurait déroger, que, les travaux de remplacement ou d'adaptation d'ouvrages existants ou de création de canalisations en parallèle à des canalisations existantes afin d'en éviter le remplacement, rendus nécessaires par le raccordement en basse tension des consommateurs finals, constituent des travaux de renforcement au sens de l'article L. 342-1 précité. En vertu de l'article L. 342-6 du même code et comme rappelé à l'article L. 342-11 de ce code, ces travaux ne peuvent donner lieu au versement d'une contribution au profit du maître d'ouvrage.
6. En l'espèce, la société ERDF a procédé, pour le raccordement du terrain d'assiette du projet de la SCI Franco-Suisse, au tirage d'un nouveau câble, destiné à n'alimenter que ce demandeur, depuis le poste HTA/BT Gabriel Péri, en parallèle de la ligne existante rattachée à ce poste. Il est constant que le terrain d'assiette est situé hors d'une zone d'aménagement concerté et que le projet n'a pas donné lieu au versement d'une participation spécifique pour la réalisation d'équipements publics exceptionnels ou d'une participation pour voirie et réseaux.
7. Il résulte de l'instruction que le terrain d'assiette du projet de la SCI Franco-Suisse pouvait être raccordé au réseau électrique via les postes HTA/BT Gabriel Péri et/ou Felix Faure. Si aucun des câbles tirés depuis ces deux postes ne pouvait à lui-seul, même après remplacement, délivrer une puissance suffisante à l'alimentation du projet et des propriétés déjà desservies par ces lignes, il était techniquement possible d'assurer cette alimentation par le remplacement de ces deux câbles par des câbles d'une section supérieure. Dès lors et nonobstant le fait que l'opération à laquelle ERDF s'est livrée ait été la solution techniquement et économiquement la plus avantageuse, ces travaux doivent être regardés comme la création d'une canalisation en parallèle à des canalisations existantes afin d'en éviter le remplacement, rendue nécessaire par le raccordement en basse tension d'un consommateur final. Dès lors, la commune de Châtillon est fondée à soutenir qu'il s'agissait de travaux de renforcement ne pouvant donner lieu au versement d'une contribution au profit d'ERDF.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Chatillon est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a refusé de la décharger de l'obligation de payer la somme de 16 388,68 euros toutes taxes comprises.
Sur les frais d'expertise :
9. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens. ".
10. Les frais d'expertise ont été taxés et liquidés à la somme totale de 11 457,20 euros toutes taxes comprises. Il y a lieu, sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de mettre cette somme à la charge définitive de la société Enedis.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Enedis demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Enedis une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Châtillon et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 17 novembre 2016 est annulé.
Article 2 : La commune de Châtillon est déchargée de l'obligation de payer la somme de 16 388,68 euros (seize mille trois cent quatre-vingt-huit euros et soixante-huit cents), toutes taxes comprises, au profit de la société Enedis.
Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés à la somme de 11 457,20 euros (onze mille quatre cent cinquante-sept euros et vingt cents), toutes charges comprises, sont mis à la charge de la société Enedis.
Article 4 : La société Enedis versera à la commune de Châtillon la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Chatillon et à la société Enedis.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Villette, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2023.
La rapporteure,
A. C...Le président,
P.-L. ALBERTINI La greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 21VE02899