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26/01/2023 | FRANCE | N°20VE03071

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 26 janvier 2023, 20VE03071


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Planima a demandé au tribunal de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 4 janvier 2017 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré sa décision portant rejet implicite du recours gracieux présenté par M. A... D..., a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 17 mai 2016 ayant autorisé le licenciement de ce dernier et a refusé la demande d'autorisation du licenciement de ce salarié présentée par la société Planima

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Planima a demandé au tribunal de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 4 janvier 2017 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré sa décision portant rejet implicite du recours gracieux présenté par M. A... D..., a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 17 mai 2016 ayant autorisé le licenciement de ce dernier et a refusé la demande d'autorisation du licenciement de ce salarié présentée par la société Planima, de lui accorder l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de M. D... et de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une intervention enregistrée le même jour, la SELARL Gay-Martinant, administrateur judiciaire de la société, et Me Christophe Basse, mandataire judiciaires, désignés par le tribunal de commerce de Nanterre le 29 octobre 2015 et représentés par Me Marc Bensimhon, avocat, demande que le tribunal fasse droit aux conclusions de la requête de la société Planima.

Par un jugement n° 1702053 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 4 janvier 2017 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et a condamné l'État à verser à la SELARL C. Basse en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2020, M. D..., représenté par Me Zerah, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Planima en première instance ;

3°) de mettre à la charge de la société Planima la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son licenciement est en lien avec son mandat ; il a rencontré des difficultés particulièrement importantes dans l'entreprise et a été victime d'un harcèlement à partir du moment où il a demandé la mise en place d'instances représentatives du personnel le 12 novembre 2013, entraînant le retrait de l'essentiel de ses attributions et des mesures d'entrave de son activité professionnelle ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la société Planima avait satisfait à son obligation de reclassement de manière sérieuse et loyale ; deux nouveaux postes avaient été créés au sein du groupe de la société sans lui être proposés dans le cadre d'un reclassement interne alors que la procédure de licenciement était en cours ;

- la proposition de reclassement du 9 décembre 2015 pour le poste de Directeur administration des ventes ne constitue pas une offre ferme de reclassement et le rejet de sa candidature a été effectuée de manière frauduleuse démontrant le lien avec son mandat ;

- la société Planima n'a pas respecté son obligation de reclassement au sein du groupe faute pour la société de démontrer les recherches effectuées par la simple production d'une attestation du directeur général, qu'il se fait à lui-même ; il revenait à la société Adhrena SAS de produire les livres d'entrées et sorties du personnel à l'inspecteur du travail, qui devait demander cette communication, pour justifier l'absence de postes disponibles au sein de ces sociétés.

Par un mémoire enregistré le 11 mars 2021, la SELARL C. Basse, mandataire judiciaire, désigné par le tribunal de commerce de Nanterre le 29 octobre 2015 et représentée par Me C..., avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. D... la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mauny, rapporteur,

- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Rosse, substituant M° C... pour la SELARL C. Basse.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a été engagé le 2 février 2000 par la société Attitude, où il a exercé les fonctions de responsable national des animations commerciales de la société Numéricable, avant le rachat de la société par la société Adhrena le 30 août 2013. Il a exercé les mandats de délégué syndical, de délégué du personnel suppléant, de représentant syndical au comité d'entreprise et de membre du comité hygiène et sécurité des conditions de travail. La société Adhrena a été placée en redressement judiciaire le 29 octobre 2015. Le 9 décembre 2015, un poste de directeur des ventes a été proposé à M. D... qui y a répondu favorablement mais ne l'a pas décroché. Le 8 février 2016, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de licencier M. D... à raison d'un effort insuffisant de reclassement. Le 8 mai 2016, la société a de nouveau demandé l'autorisation de licencier M. D... pour motif économique. Par une décision du 17 mai 2016, l'inspecteur du travail a autorisé ce licenciement. M. D... a formé, le 1er juillet 2016, un recours hiérarchique contre cette décision. Le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social l'a implicitement rejeté le 5 novembre 2016. Par une décision du 4 janvier 2017, le ministre a retiré cette décision implicite, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 17 mai 2016 et a refusé la demande d'autorisation de licenciement de M. D... faute pour la société d'avoir effectué un effort suffisant pour reclasser l'intéressé. La société Planima a demandé l'annulation de la décision du ministre chargé du travail du 4 janvier 2017 au tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Par un jugement n° 1702053 en date du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à sa demande. M. D... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Pour annuler la décision de la ministre du travail du 4 janvier 2017, les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de ce que le ministre du travail avait entaché sa décision d'erreur d'appréciation en refusant pour d'accorder l'autorisation de licencier M. D..., à la société Planima au motif qu'elle n'aurait pas satisfait à son obligation de reclassement de manière sérieuse et loyale.

3. Aux termes de l'article 1233-4 du code du travail dans sa version applicable au litige : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ".

4. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

5. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'a justement relevé le tribunal, que la SAS Adhrena a repris ses recherches de poste après la décision de refus d'autorisation de licenciement opposée par l'inspecteur du travail le 8 février 2016, avant d'engager une nouvelle procédure de licenciement pour motif économique et de solliciter une nouvelle autorisation de licenciement de M. D..., le 8 mars 2016. Il ne saurait donc utilement se prévaloir, ainsi que l'a jugé le tribunal, des carences de son employeur pour procéder à son reclassement antérieurement au 8 février 2016 et en particulier de l'absence de suite donnée à sa candidature au poste de directeur administration des ventes au sein de la société Adhrena Distribution ou de l'absence de proposition de deux postes ouverts antérieurement à cette candidature. S'agissant des efforts de reclassement postérieurs au 8 février 2016, il ressort des pièces du dossier que la société Adhrena SAS, à l'issue d'un plan de sauvegarde de l'emploi motivé par la baisse de plus de 70 % de son chiffre d'affaires en un an, a ramené ses effectifs de 136 à 45 salariés. M. D... ne conteste pas utilement le caractère sérieux des recherches réalisées par son employeur au sein du groupe constitué par les sociétés JLS participations, Adhrena Marketting et Adhrena distribution au seul motif qu'une attestation a été signée par M. B..., directeur des ressources humaines du groupe et qui procède à ce titre à la répartition des postes. En outre, la société Planima n'était pas tenue de communiquer les livres d'entrées et sorties du personnel pour justifier de l'absence de poste disponible postérieurement au 8 février 2016 et aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que l'inspecteur du travail sollicite ce livre afin de s'en assurer. M. D... n'est donc pas fondé à soutenir, au regard des moyens qu'il soulève, que les recherches de possibilités de reclassement de la SAS Adhrena n'étaient pas sérieuses.

6. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les difficultés dans l'exercice des fonctions de M. D..., retracées dans ses écritures, ne procéderaient pas des difficultés rencontrées par la société elle-même et que ses responsables auraient entendu réserver à l'intéressé un traitement discriminatoire du fait des mandats qu'il exerçait. Il suit de là que M. D... n'est pas fondé à soutenir que son licenciement serait en lien avec son mandat.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 4 janvier 2017 de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. D... présentées sur son fondement.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme demandée par la SELARL C. Basse, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Planima, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : les conclusions de la SELARL C. Basse présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL C. Basse, à M. A... D... et à la ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président-assesseur,

Me Villette, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023.

Le rapporteur,

O. MAUNYLe président,

P.-L. ALBERTINI

La greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE03071002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE03071
Date de la décision : 26/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01-04-03-01 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Licenciement pour motif économique. - Obligation de reclassement.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Olivier MAUNY
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : ZERAH

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-01-26;20ve03071 ?
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