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22/11/2022 | FRANCE | N°19VE01327

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 22 novembre 2022, 19VE01327


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... D... et Mme A... C..., épouse D..., ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision de l'Etablissement public foncier Ile-de-France n° 17 00 133 du 25 octobre 2017 d'exercice du droit de préemption urbain sur le bien sis 160 avenue Gaston Roussel à Romainville (93230), cadastré section H n° 146, et de condamner l'Etablissement public foncier Ile-de-France à leur verser la somme de 2 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par

un jugement n° 1800691 du 14 février 2019, le tribunal administratif de Montr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... D... et Mme A... C..., épouse D..., ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision de l'Etablissement public foncier Ile-de-France n° 17 00 133 du 25 octobre 2017 d'exercice du droit de préemption urbain sur le bien sis 160 avenue Gaston Roussel à Romainville (93230), cadastré section H n° 146, et de condamner l'Etablissement public foncier Ile-de-France à leur verser la somme de 2 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800691 du 14 février 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. et Mme D... et a mis à leur charge le versement à l'Etablissement public foncier Ile-de-France de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2019 et des mémoires enregistrés les 6 et 8 septembre 2021 et le 14 octobre 2022, M. et Mme D..., représentés par Me Flory, avocate, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) dans le dernier état de leurs écritures, de mettre à la charge de l'établissement public foncier Ile-de-France la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

M. et Mme D... soutiennent que :

- la décision a été prise par une autorité incompétente pour ce faire ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, car il n'existait pas de réel projet d'action ou d'opération d'aménagement pour fonder la décision attaquée ;

- le droit de préemption était expiré à la date de la décision, car la décision attaquée n'a pas été notifiée aux propriétaires et le délai prévu à l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme n'a pas été respecté.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 août et le 9 septembre 2021, et des pièces enregistrées le 27 septembre et le 4 octobre 2022, l'Etablissement public foncier Ile-de-France, représenté par Me Salaün, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'établissement fait valoir que :

- il disposait de la compétence pour prendre la décision attaquée ;

- elle est suffisamment motivée ;

- elle a été prise dans le cadre d'une convention d'action foncière et en vue de permettre à la commune de Romainville de réaliser une opération de requalification et de redynamisation urbaine ;

- elle n'a pas été prise après l'expiration du délai de préemption ;

- le délai prévu à l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme n'a pas été respecté.

Par ordonnance du président de la 6ème chambre en date du 17 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 20 octobre 2022 à 15h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,

- et les observations de Me Francoz, avocate, substituant Me Flory, pour M. et Mme D... et F..., pour l'Etablissement public foncier Ile-de-France.

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 décembre 2014, M. et Mme D... ont acquis un fonds de commerce, incluant un bail commercial des locaux sis 160 avenue Gaston Roussel à Romainville (parcelle cadastrée section H 146) propriété des consorts B..., renouvelé par tacite reconduction depuis le 31 mars 2011. Par une déclaration d'intention d'aliéner, établie par leur notaire et reçue le 10 juillet 2017 par la commune de Romainville, les consorts B... ont fait connaître leur intention de céder ces locaux aux époux D..., ledit immeuble étant inscrit au sein d'un périmètre d'exercice du droit de préemption urbain. Par une décision du 27 octobre 2017, l'Etablissement public foncier Ile-de-France a préempté l'immeuble en cause. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 14 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision et les a condamnés à verser la somme de 2 000 euros à l'Etablissement public foncier Ile-de-France en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2. En premier lieu, les requérants soutiennent que l'Etablissement public foncier Ile-de-France ne disposait pas de la compétence pour exercer le droit de préemption urbain sur la parcelle en cause.

3. Tout d'abord, M. et Mme D... font valoir que dans le périmètre de la ZAC de l'Horloge, dans laquelle s'inscrit le bien préempté, c'est l'aménageur concessionnaire qui dispose seul de la compétence en matière de préemption, la concession d'aménagement de la ZAC de l'Horloge, conclue le 16 juin 2008, lui déléguant ce droit par application des articles L. 213-3 et R. 213-1 à R. 213-3 du code de l'urbanisme. Dès lors le droit de préemption ne pouvait pas être régulièrement délégué à l'Etablissement public foncier Ile-de-France.

4. Il résulte cependant des stipulations de l'article 12.2 du contrat de concession que le droit de préemption n'a été délégué au concessionnaire de la ZAC de l'Horloge que " sur le périmètre identifié à l'Annexe 5 " du contrat de concession du 16 juin 2008. Cette annexe, produite en défense et non contestée, ne comporte pas mention de la parcelle H 146 objet de la préemption contestée. Cette première branche du moyen tiré de l'incompétence de l'Etablissement public foncier Ile-de-France manque ainsi en fait et doit donc être écartée.

5. Ensuite, ils soutiennent que le président de l'établissement public territorial (EPT) Est Ensemble Grand Paris n'a pu valablement être habilité par le conseil de territoire pour exercer le droit de préemption urbain par une délibération du conseil de territoire du 7 janvier 2016, expressément mentionnée dans les visas de la décision du 18 août 2017 de l'EPT Est Ensemble Grand Paris déléguant à l'Etablissement public foncier Ile-de-France l'exercice du droit de préemption sur la parcelle H 146 en cause. Les appelants soutiennent qu'à cette date, l'EPT Est Ensemble Grand Paris ne disposait pas de la compétence en matière de droit de préemption urbain, qui n'a été exercée de plein droit par ces établissements publics qu'à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, dont l'article 102 a modifié sur ce point l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme. Il résulte cependant des dispositions combinées du IV de l'article L. 5219-5 et du II de l'article L. 5219-1 du code général des collectivités territoriales et des articles L. 300-1 et L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans leurs rédactions applicables au 7 janvier 2016, que l'EPT Est Ensemble Grand Paris disposait d'ores et déjà du droit de préemption urbain en vue de la réalisation de la ZAC de l'Horloge. Par une délibération du 7 janvier 2016 le président s'est vu déléguer l'exercice de ce droit par le conseil de territoire, cette délégation ayant été réitérée par une délibération du 4 juillet 2017 postérieure à l'entrée en vigueur de l'article 102 de la loi précitée du 27 janvier 2017, l'absence de mention de cette délibération dans la décision attaquée étant en outre sans influence sur sa régularité. Cette deuxième branche du moyen tiré de l'incompétence de l'Etablissement public foncier Ile-de-France manque ainsi en fait et doit dès lors être écartée.

6. Les requérants font également valoir que seul le président de l'EPT Est Ensemble Grand Paris était compétent pour subdéléguer l'exercice du droit de préemption à une collectivité publique. Ils soutiennent que la décision du 18 août 2017 de l'EPT Est Ensemble Grand Paris déléguant à l'Etablissement public foncier Ile-de-France l'exercice du droit de préemption sur la parcelle H 146 en cause ne pouvait dès lors pas être régulièrement signée par M. E..., 3ème vice-président de l'EPT Est Ensemble Grand Paris. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. E... a reçu, par une décision du président de l'EPT du 23 juin 2017, délégation pour " signer sous la surveillance et la responsabilité du Président, tous les actes relevant des compétences de ce dernier, qu'il qu'agisse de ses compétences propres ou des compétences déléguées par le Conseil de territoire ". Dès lors, M. E... pouvait valablement signer la décision du 18 août 2017, la circonstance que la délégation du droit de préemption urbain au président par le conseil de territoire du 4 juillet 2017 soit postérieure à la délégation de signature du 23 juin 2017 étant sans influence sur la légalité de cette délégation de signature, dès lors que, ainsi qu'il vient d'être dit au point 5, le président de l'EPT Est Ensemble Grand Paris s'était vu déléguer dès le 7 janvier 2016 l'exercice de ce droit par le conseil de territoire. Cette troisième branche du moyen tiré de l'incompétence de l'Etablissement public foncier Ile-de-France manque ainsi en fait et doit donc être écartée.

7. Enfin, les requérants soutiennent qu'en l'absence de production de la délibération de la commune de Romainville du 26 septembre 2007 portant création de la zone d'aménagement concerté (ZAC) de l'Horloge et fixant son périmètre, la création de cette ZAC n'est pas établie et par voie de conséquence la compétence de l'Etablissement public foncier Ile-de-France pour exercer le droit de préemption sur le périmètre de la ZAC n'est pas non plus établie. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la suite d'une mesure d'instruction diligentée par la cour, la délibération du 26 septembre 2007 et ses annexes ont été produites, dont il ressort la réalité de la création de la ZAC de l'Horloge dans le périmètre de laquelle se situe la parcelle en cause. Il ressort également des pièces du dossier que l'Etablissement public foncier Ile-de-France a reçu, par une convention du 20 octobre 2008, modifiée en 2010 et intégralement réécrite par un avenant du 20 mars 2014, délégation pour exercer le droit de préemption urbain dans le périmètre de veille foncière de la " ZAC de l'Horloge ", ledit périmètre, au sein duquel figure la parcelle H 146 en cause, étant défini précisément en annexe 1 de cette convention. Cette dernière branche du moyen tiré de l'incompétence de l'Etablissement public foncier Ile-de-France est ainsi inopérante et doit donc être écartée.

8. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que la décision de l'Etablissement public foncier Ile-de-France de préempter la parcelle H 146 est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne permet pas, contrairement aux prescriptions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, d'avoir connaissance de la nature du projet d'action ou d'opération d'aménagement, la motivation par référence à des décisions cadres antérieures ne pouvant valablement être retenue, eu égard au caractère stéréotypé et général des motifs indiqués.

9. Aux termes de l'article L. 210-1 dans sa rédaction alors applicable : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / [...] Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans le cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone. / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine. ".

10. Il résulte de ces prescriptions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant. Le juge de l'excès de pouvoir vérifie si le projet d'action ou d'opération envisagé par le titulaire du droit de préemption est de nature à justifier légalement l'exercice de ce droit.

11. Il ressort des pièces du dossier que la décision de préemption contestée mentionne que le bien concerné par la déclaration d'intention d'aliéner adressée à la commune de Romainville par les consorts B... est situé au sein du périmètre de la zone d'aménagement concerté (ZAC) de l'Horloge, dont il est précisé qu'elle a été créée par délibération du conseil municipal du 26 septembre 2007 en vue, " d'une part d'affirmer la vocation tertiaire du site et de valoriser les filières santé et environnement, et d'autre part de créer un cadre de vie attractif en développant notamment des programmes de logements et de commerces et en optimisant l'utilisation de certaines emprises ". La décision vise en outre la délibération du conseil municipal de Romainville du 25 juin 2008 approuvant la convention d'intervention foncière, laquelle délimite un périmètre de veille foncière, conclue entre la commune de Romainville et l'Etablissement public foncier Ile-de-France le 20 octobre 2008, ainsi que " les acquisitions déjà réalisées dans le secteur de la ZAC de l'Horloge par l'établissement public foncier d'Ile-de-France en vue de la réalisation des objectifs de [cette] convention ". La décision précise également que l'Etablissement public foncier Ile-de-France " participe à la démarche de requalification du territoire " Ourcq - RN3 ", dans laquelle s'inscrit le projet d'intérêt communautaire de la ZAC de l'Horloge ". La décision indique enfin que le droit de préemption peut être exercé en vue de constituer des réserves foncières destinées à préparer ces opérations, et que l'acquisition du bien en cause " permettra la mise en œuvre de la politique de renouvellement, de requalification, et de redynamisation, traduite dans le PLU de la commune de Romainville ". Au vu de l'ensemble de ces mentions, qui permettent d'identifier la nature de l'opération d'aménagement poursuivie et renvoient en tout état de cause à la délibération délimitant le périmètre de la ZAC de l'Horloge, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision de préemption attaquée est insuffisamment motivée au regard des exigences posées par l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme.

12. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la création de la ZAC de l'Horloge a été décidée par une délibération du 26 septembre 2007, que le dossier de concession de cette ZAC a ensuite fait l'objet d'une procédure de mise en concurrence, au terme de laquelle un concessionnaire a été désigné et le traité de concession validé par une délibération du conseil municipal du 28 mai 2008, le traité de concession ayant été conclu le 16 juin 2008. Il ressort également des pièces du dossier que la commune a conclu le 18 juillet 2007 une convention avec l'Agence nationale du renouvellement urbain et le 20 octobre 2008 une convention d'intervention foncière avec l'Etablissement public foncier Ile-de-France, modifiée en 2010 et en 2014. Il ressort en outre des pièces du dossier que la ZAC de l'Horloge a été déclarée d'intérêt communautaire par une délibération du 17 décembre 2013 de la communauté d'agglomération Est ensemble, qui a précédé l'EPT Est Ensemble Grand Paris et a affecté un budget de 38 millions d'euros à cette opération. Il ressort enfin des pièces du dossier qu'au 30 mars 2014 l'Etablissement public foncier Ile-de-France avait déjà acquis six parcelles dans le périmètre défini par la convention d'intervention foncière pour un montant global de 5 millions d'euros. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'à la date de la décision contestée, la réalité d'un projet d'action justifiant l'exercice du droit de préemption sur la parcelle en litige n'était pas justifiée. Par suite, le moyen tiré de l'absence de projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme doit être écarté.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix, ainsi que les informations dues au titre de l'article L. 514-20 du code de l'environnement. Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. La liste des documents susceptibles d'être demandés est fixée limitativement par décret en Conseil d'Etat. (...) Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. Lorsqu'il envisage d'acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La décision du titulaire fait l'objet d'une publication. Elle est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner qui avait l'intention d'acquérir le bien ".

14. Il résulte de ces dispositions que le titulaire du droit de préemption dispose pour exercer ce droit d'un délai de deux mois qui court à compter de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner. Ces dispositions visent notamment à ce que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption sachent de façon certaine et dans de brefs délais s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation envisagée. Il suit de là que lorsque le titulaire du droit de préemption décide d'exercer ce droit, la décision qu'il prend alors doit, à peine d'illégalité, non seulement être prise dans le délai précité, mais encore être, avant l'expiration de ce délai, notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner qui avait l'intention d'acquérir le bien. Lorsqu'il a décidé de renoncer à exercer le droit de préemption, que ce soit par l'effet de l'expiration du délai de deux mois, le cas échéant prorogé, ou par une décision explicite prise avant l'expiration de ce délai, le titulaire se trouve dessaisi et ne peut, par la suite, retirer cette décision ni, par voie de conséquence, légalement exercer son droit de préemption.

15. Il ressort des pièces du dossier que la déclaration d'intention d'aliéner le bien immobilier sis 160 avenue Gaston Roussel, établie par Me Tixeront, notaire chargé de la vente, a été réceptionnée en mairie le 10 juillet 2017. L'Etablissement public foncier Ile-de-France, délégataire du droit de préempter ce bien par décision du président de l'établissement public territorial Est Ensemble en date du 18 août 2017, a, d'une part, sollicité une visite des lieux, qui s'est déroulée le 8 septembre 2017, et d'autre part demandé aux propriétaires la production de pièces supplémentaires, lesquelles lui sont parvenues le 28 septembre 2017. Si les requérants soutiennent que cette demande présentait un caractère dilatoire, cette qualification ne saurait être retenue, s'agissant des diagnostics préalables obligatoires à toute vente immobilière aux termes de l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation, de l'indication de la superficie des locaux et des extraits de l'avant-contrat portant sur la consistance et l'état de l'immeuble. Il s'ensuit qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, le délai imparti à l'Etablissement public foncier Ile-de-France pour exercer le droit de préemption, a recommencé à courir à compter de cette dernière date, et pour un mois. Dès lors, la décision attaquée ayant été édictée le 25 octobre 2017, et notifiée le surlendemain à Me Tixeront, par ailleurs mandataire des propriétaires et expressément habilité à recevoir pour ceux-ci notification de la décision du titulaire du droit de préemption, ainsi qu'il ressort de la déclaration d'intention d'aliéner, ainsi qu'à M. et Mme D..., les requérants ne sont fondés à soutenir ni qu'elle serait intervenue après le terme du délai prévu à l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, ni qu'elle serait intervenue en méconnaissance des prescriptions de ce texte.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

17. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'établissement public foncier d'Ile-de-France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Etablissement public foncier Ile-de-France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... D... et Mme A... C... épouse D... et à l'Etablissement public foncier Ile-de-France.

Copie en sera adressée à la commune de Romainville.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Viseur-Ferré, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.

La rapporteure,

C. VISEUR-FERRE Le président,

P.-L. ALBERTINI La greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 19VE01327


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01327
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières. - Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Cécile VISEUR-FERRÉ
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : AARPI DIXHUIT BOETIE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-11-22;19ve01327 ?
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