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12/07/2022 | FRANCE | N°21VE00659

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 12 juillet 2022, 21VE00659


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2007725 du 3 février 2021, le président par intérim du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2021, M. C..., représenté par Me Vanderlynden,

avocate, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° d'annuler l'arrêté du 20 n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2007725 du 3 février 2021, le président par intérim du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2021, M. C..., représenté par Me Vanderlynden, avocate, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ;

3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé, le président par intérim du tribunal n'ayant pas précisé sur la base de quels éléments il avait estimé que l'arrêté était suffisamment motivé ;

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet en considérant que son comportement constituait un trouble à l'ordre public ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- c'est à tort que le président par intérim du tribunal a jugé que l'arrêté contesté ne contrevenait pas aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2021, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Le préfet fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique .

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant ivoirien né le 16 juillet 1998, a été interpellé le 19 novembre 2020 à l'occasion d'un contrôle de police. Par un arrêté du 20 novembre 2020, le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 3 février 2021 par lequel le président par intérim du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions.

2. Dans sa requête présentée au tribunal, M. C... soutenait que le préfet de l'Essonne, en considérant que son comportement constituait un trouble à l'ordre public, avait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Le président par intérim du tribunal n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen d'irrégularité du jugement tiré de son insuffisance de motivation, M. C... est fondé à soutenir que le jugement du 3 février 2021 est irrégulier et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Versailles.

4. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée ". L'arrêté contesté, qui vise les textes dont il est fait application, mentionne que M. C... a été interpellé le 19 novembre 2020 par les services de police de Juvisy-sur-Orge pour rébellion et placé en garde à vue le même jour et que son comportement constitue un trouble à l'ordre public, qu'il est entré irrégulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité sa régularisation et se maintient sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour et, enfin, que l'intéressé, sans emploi et ressources, est célibataire et sans charge de famille en France et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays où réside notamment son père. Ainsi, l'arrêté est suffisamment motivé.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été interpellé le 19 novembre 2020 par les services de police de Juvisy-sur-Orge, poursuivi pour rébellion et placé en garde à vue le même jour. A supposer même que ce comportement n'ait pas constitué un trouble à l'ordre public, il ressort de l'arrêté contesté, ainsi qu'exposé au point précédent, que le préfet de l'Essonne s'est également fondé sur d'autres motifs, tirés notamment de l'entrée et du séjour irréguliers de M. C... sur le territoire français, de nature à justifier légalement sa décision. Par suite, le moyen tiré de ce que le motif d'ordre public est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation peut être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Il ressort des pièces du dossier que M. C..., âgé de 22 ans à la date de l'arrêté contesté, déclare être entré irrégulièrement en France le 15 juillet 2016, la veille de ses 18 ans, pour y rejoindre sa mère, Mme D..., qui y séjourne avec ses trois autres enfants issus de deux autres unions, dont deux sont ressortissants français. Cependant, M. C..., jeune majeur, est célibataire sans enfant et ne justifie d'aucune insertion professionnelle en France. S'il produit de nombreuses attestations de membres de sa famille élargie pour établir l'intensité de ses relations familiales en France, il ressort cependant des pièces du dossier que l'intéressé, qui ne fait état d'aucune circonstance sur son insertion dans la société française, n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Côte d'Ivoire, nonobstant la circonstance alléguée selon laquelle son père était placé, à la date de l'arrêté contesté, en détention préventive pour complot contre l'autorité de l'Etat. Dans ces circonstances, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en adoptant à son encontre une obligation de quitter le territoire français, le préfet de l'Essonne a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... encoure des risques personnels en cas de retour en Côte d'Ivoire.

8. Il résulte de ce qui précède que la demande d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 20 novembre 2020 présentée par M. C... doit être rejetée, ainsi que ses conclusions à fin d'injonction.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative relatives aux frais de l'instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2007725 du 3 février 2021 du président par intérim du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande de M. C... et le surplus de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Pham, première conseillère,

M. Bouzar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2022.

Le rapporteur,

M. B...La présidente,

O. DORIONLa greffière,

C. FAJARDIELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 21VE00659


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00659
Date de la décision : 12/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DORION
Rapporteur ?: M. Mohammed BOUZAR
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : VANDERLYNDEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-07-12;21ve00659 ?
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