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12/07/2022 | FRANCE | N°21VE00008

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 12 juillet 2022, 21VE00008


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1901792 du 2 novembre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 janvier 2021 et le 16 juin 2022,

M. et Mme B..., représentés par Me Krief, avocat, demandent à la cour :

1° d'annuler le jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1901792 du 2 novembre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 janvier 2021 et le 16 juin 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Krief, avocat, demandent à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

- la procédure est irrégulière en ce que la proposition de rectification adressée à M. B..., au titre de son activité d'exploitant du Caveau de la Huchette, ne mentionne pas l'application du coefficient de 1,25 prévu par le 7 de l'article 158 du code général des impôts, méconnaissant ainsi les dispositions des articles L. 48 du livre des procédures fiscales ;

- si l'administration a bien indiqué, dans la proposition de rectification qui leur a été notifiée, la teneur et l'origine des renseignements obtenus de tiers, elle ne leur a en revanche nullement indiqué la possibilité d'en demander une copie et n'a pas reproduit l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

- les rectifications ne sont pas justifiées dans leur montant, l'administration s'étant uniquement fondée sur les écarts constatés entre les à nouveau de l'entreprise vérifiée, le Caveau de la Huchette, et les à nouveau de deux autres entités, le GIE Promotion Jazz et la société Chrisdiryrco, sans corroborer ces constats par des éléments propres à l'activité ; l'administration ne saurait remettre en cause, pour ce seul motif, la valeur probante de la comptabilité sans avoir relevé, par ailleurs, aucune erreur ou lacune propre à cette comptabilité ;

- la dotation aux amortissements d'un montant de 110 404,58 euros est justifiée, le service ayant fait un amalgame entre les travaux réalisés dans l'appartement situé au 1er étage du 7, de la rue de la Huchette qui ne sont pas concernés par l'à nouveau en cause, et les gros travaux réalisés à partir de 2002 pour la réhabilitation des sanitaires et du vestiaire du Caveau de la Huchette ; il a été justifié devant le service vérificateur des charges financières en 2012 pour un montant de 17 878 euros, qui correspondent à un prêt " Record " ; le report à nouveau du compte Marrast " pour 61 470 euros " est justifié par la prise en charge d'une surprime d'assurance et différentes charges de copropriété ; les écarts entre les écritures comptables de l'exploitation du Caveau de la Huchette et celles du GIE Jazz Promotion sont justifiés par la vente de biens personnels et l'avance à titre personnel des sommes correspondantes au GIE afin de couvrir ses dettes fiscales, à hauteur de 69 700 euros ;

- la différence entre le taux d'intérêt effectivement appliqué et le taux d'intérêt légal n'a pas été motivé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 juin 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouzar, premier conseiller,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... exploite sous la forme d'une entreprise individuelle l'établissement " Le Caveau de la Huchette " à Paris, qui a fait l'objet du 24 mars 2015 au 8 juillet 2015 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. L'administration, par une proposition de rectification n° 3924 du 20 juillet 2015, lui a notifié des rehaussements des bénéfices industriels et commerciaux selon la procédure d'évaluation d'office. Par une proposition de rectification n° 2120 du même jour, les conséquences financières sur l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2012 et 2013, ont été notifiées à M. et Mme B.... Ces derniers relèvent appel du jugement du 2 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande de décharge, en droit et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes du 7 de l'article 158 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : / 1° Aux titulaires de revenus passibles de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (...), réalisés par des contribuables soumis à un régime réel d'imposition : / a) Qui ne sont pas adhérents d'un centre de gestion ou association agréés (...) ". Aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76 , le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. (...) ". Il résulte de ces dernières dispositions que l'indication du montant des conséquences financières des rectifications proposées constitue une garantie pour le contribuable vérifié. Par suite, dans le cas où elle procède à la vérification de la comptabilité d'une entreprise dont les bénéfices sont taxés au titre de l'impôt sur le revenu global du foyer auquel appartient le contribuable qui les réalise, l'administration doit indiquer à ce contribuable, par une notification faite à son adresse personnelle, les conséquences financières des rectifications envisagées.

3. Il résulte de l'instruction que les bénéfices industriels et commerciaux rectifiés réalisés par M. B... au titre des années 2012 et 2013 lui ont été notifiés, à l'adresse de son activité, par une proposition de rectification n° 3924 du 20 juillet 2015, laquelle renvoyait, en ce qui concerne ses conséquences financières, à la proposition de rectification n° 2120 du même jour notifiée à M. et Mme B... à leur adresse personnelle. Cette dernière proposition, qui se borne à tirer les conséquences financières du contrôle de l'activité exercée par M. B... sur l'imposition sur le revenu de son foyer fiscal, intègre l'application du coefficient de 1,25 prévu par le 7 de l'article 158 du code général des impôts. Dans ces conditions, M. B... n'a pas été privé de la garantie prévue par les dispositions précitées de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, nonobstant la circonstance que la proposition de rectification n° 3924 qui lui a été adressée ne fait pas également mention de l'application de ce coefficient.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

5. Ainsi que le reconnaissent les appelants, l'administration a indiqué dans la proposition de rectification n° 3924 annexée à la proposition de rectification n° 2120 la teneur et l'origine des renseignements obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir les impositions contestées. Il ne résulte ni des dispositions précitées ni d'aucune autre disposition l'obligation pour l'administration de citer dans la proposition de rectification le texte de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, ou l'obligation d'informer le contribuable de la possibilité offerte par ces dispositions de demander une copie des documents ainsi obtenus auprès de tiers. Au demeurant, ainsi que le fait valoir le ministre sans être contredit, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié était annexée à l'avis de vérification adressé à M. B..., laquelle rappelle l'objet des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

6. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Les bénéfices industriels et commerciaux ayant été évalués d'office, il appartient à M. et Mme B... d'établir le caractère exagéré des impositions en litige.

7. En premier lieu, si l'administration ne peut, en principe, pour déterminer les bases d'imposition d'un contribuable, utiliser les éléments qu'elle a recueillis auprès de tiers, dans le cadre de son droit de communication, que si ces éléments sont corroborés par des constatations propres à l'entreprise, aux activités ou à la situation de ce contribuable, elle peut néanmoins se fonder sur ces seuls éléments lorsque le contribuable ne lui fournit aucun élément propre à son entreprise, à ses activités ou à sa situation.

8. L'administration a, par l'exercice de son droit de communication, obtenu auprès du GIE " Promotion Jazz " et de la société Chrisdicyrco respectivement la copie du compte de tiers et la copie du compte client au nom de M. B... pour le " Caveau de la Huchette ", et constaté des discordances entre les écritures figurant dans ces comptabilités et les écritures correspondantes dans la comptabilité de M. B.... Ces écarts non justifiés ont révélé que la dette de M. B... était d'une valeur inférieure à celle figurant dans ses écritures comptables, pour des montants s'élevant à 493 742 euros au titre de l'année 2012 et à 5 667,95 euros au titre de l'année 2013 pour les écarts constatés avec la comptabilité du GIE " Promotion Jazz ", et à 35 521 euros au titre de 2013 pour l'écart constaté avec la comptabilité de la société Chrisdicyrco. Ainsi, l'administration ne s'est pas fondée uniquement sur les documents recueillis auprès du GIE " Promotion Jazz " et de la société Chrisdicyrco mais les a comparés avec les écritures comptables de M. B.... En tout état de cause, M. B... n'a présenté aucun élément permettant de justifier les écarts ainsi constatés, malgré les demandes du service vérificateur formulées par un courriel du 15 juin 2015 adressé à Mme C..., experte comptable mandatée par M. B... dans le cadre du contrôle. Ainsi, alors au surplus que, contrairement à ce qui soutenu, l'administration ne s'est pas fondée exclusivement sur ces constats pour considérer que la comptabilité tenue était irrégulière et non probante, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que l'administration aurait dû corroborer le résultat de ses investigations menées auprès des tiers par des constatations propres à l'exploitation de l'activité de M. B....

9. En second lieu, ainsi qu'exposé au point précédent, les écarts constatés entre les écritures comptables du GIE " Promotion Jazz " et celles de M. B... au titre de l'exploitation du " Caveau de la Huchette " ont révélé que la dette de l'établissement à l'égard du GIE " Promotion Jazz " était d'un montant inférieur à celui figurant dans ses écritures comptables. Les appelants ne justifient pas du compte créditeur du GIE dans les écritures du " Caveau de la Huchette " en soutenant que M. B... a consenti à titre personnel des avances au GIE afin de couvrir ses dettes fiscales à concurrence de la somme de 220 044 euros. Les requérants ne justifient pas davantage par les pièces produites, en l'absence notamment de tableau d'amortissement, que la part de la dotation aux amortissements de 110 404,58 euros figurant au 1er janvier 2012 en à nouveau du compte " aménagement et construction " remise en cause par le vérificateur, correspond à des travaux de réhabilitation des sanitaires et du vestiaire du " Caveau de la Huchette " réalisés en 2002 et 2003. Ils se bornent à faire valoir que les pièces justificatives des charges financières inscrites au titre de l'année 2012 et correspondant selon eux à un prêt " Record " d'un montant total de 17 878 euros ont été soumises au vérificateur, sans produire aucune pièce relative à cette charge. Enfin, s'ils soutiennent que l'à nouveau du compte Marrast inscrit en 2012 et 2013 est justifié par la prise en charge d'une surprime d'assurance et différentes charges de copropriété, il ressort des pièces produites que ces charges ont été assumées par la SCI la Huchette. Il en résulte que les requérants n'apportent pas la preuve qui leur incombe de l'exagération des impositions.

Sur les intérêts de retard :

10. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. (...) ". La mise à la charge d'un contribuable d'intérêts de retard, qui ne constituent pas une sanction, n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées. Par suite, M. et Mme B... ne peuvent utilement soutenir que l'administration aurait dû motiver la différence entre le taux de l'intérêt de retard et le taux d'intérêt légal.

11. Il résulte de ce tout qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande. Leur requête doit par suite être rejetée, y compris leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que celles tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens, ces dernières étant au surplus dépourvues d'objet.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. et Mme B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Pham, première conseillère,

M. Bouzar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2022.

Le rapporteur,

M. A...La présidente,

O. DORIONLa greffière,

C. FAJARDIE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 21VE00008


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00008
Date de la décision : 12/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur le revenu. - Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : Mme DORION
Rapporteur ?: M. Mohammed BOUZAR
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : KRIEF

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-07-12;21ve00008 ?
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