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10/05/2022 | FRANCE | N°20VE02233

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 10 mai 2022, 20VE02233


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saclay a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant de 4 646 578 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, à raison du non recouvrement des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties dues par le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ainsi que les sociétés ou instituts qui lui sont rattachés et qui sont installés sur son territoire au titre des ann

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Par un jugement n° 1702212 du 10 juillet 2020, le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saclay a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant de 4 646 578 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, à raison du non recouvrement des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties dues par le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ainsi que les sociétés ou instituts qui lui sont rattachés et qui sont installés sur son territoire au titre des années 2012 à 2015.

Par un jugement n° 1702212 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Versailles a partiellement fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1° d'annuler les articles 1er à 3 du jugement attaqué ;

2° de rejeter la demande de la commune de Saclay.

Il soutient que :

- la responsabilité de l'Etat ne peut être retenue, dès lors que la commune de Saclay ne s'est pas manifestée en temps utile pour faire corriger les erreurs constatées avant l'expiration du délai de reprise ;

- en tout état de cause, les articles 1382 (1°) et 1394 (2°) du code général des impôts exonèrent de la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties les établissements publics scientifiques affectés à un service public ou d'utilité générale et non productive de revenus, ce qui est le cas du CEA ;

- le CEA n'est pas un établissement public industriel et commercial.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2021, la commune de Saclay, représentée par Me Erard, avocat, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre de l'action et des comptes publics ne sont pas fondés.

Par lettre du 19 novembre 2021, les parties ont été informées qu'une clôture à effet immédiat était susceptible d'intervenir sur le fondement de l'article R. 611-1-1 du code de justice administrative, à compter du 20 décembre 2021.

La clôture de l'instruction est intervenue le 5 janvier 2022 par une ordonnance du même jour.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham, première conseillère,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public,

- et les observations de Me Erard, pour la commune de Saclay.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Saclay a demandé à l'administration fiscale, par lettre du 29 novembre 2016 reçue le 30 novembre 2016, de lui verser une indemnité d'un montant de 4 646 578 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison du non assujettissement du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et des sociétés ou instituts rattachés à ce dernier, installés sur son territoire, à la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties au titre des années 2012 à 2015. En l'absence de réponse, cette commune a saisi le tribunal administratif de Versailles d'une demande tendant à obtenir de l'Etat une indemnité correspondant à la perte de recettes fiscales correspondante, assortie des intérêts au taux légal. Par un jugement n° 1702212 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Versailles a partiellement fait droit à ses conclusions. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement.

Sur la faute de l'administration :

2. D'une part, une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement ou de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'État à l'égard d'une collectivité territoriale ou de toute autre personne publique si elle lui a directement causé un préjudice. Un tel préjudice peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et notamment du fait de ne pas avoir perçu des impôts ou taxes qui auraient dû être mis en recouvrement.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 173 du livre des procédures fiscales : " Pour les impôts directs perçus au profit des collectivités locales et les taxes perçues sur les mêmes bases au profit de divers organismes, à l'exception de la cotisation foncière des entreprises, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de leurs taxes additionnelles, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de l'année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due. ".

4. En ce qui concerne les taxes foncières au titre des années 2012 à 2014, le délai de reprise était expiré au 30 novembre 2016, date de réception du courrier par lequel la commune de Saclay a présenté sa demande indemnitaire. Par suite, l'administration fiscale, qui ne pouvait plus exercer son droit de reprise, ne peut être considérée comme ayant commis une faute de nature à engager sa responsabilité en n'ayant pas assujetti le CEA aux taxes foncières malgré la demande de la commune. La circonstance que les services fiscaux n'aient pas spontanément procédé à cet assujettissement avant l'expiration du délai de reprise n'est pas, à elle seule, de nature à caractériser une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, en l'absence de circonstances particulières qui auraient dû nécessairement conduire l'administration à réexaminer la situation de cet organisme. L'existence de litiges initiés par la communauté d'agglomération de Paris-Saclay et portant sur les cotisations de taxe professionnelle, de contribution économique territoriale et de taxe foncière dues par le CEA et au titre d'années plus anciennes ne constitue pas une telle circonstance particulière. (/ANA)

5. En ce qui concerne la taxe foncière au titre de l'année 2015, l'administration a été saisie par un courrier du 29 novembre 2016, reçu le 30 novembre 2016, alors que le délai de reprise prévu à l'article L. 173 du livre des procédures fiscales expirait le 31 décembre 2016. Ce délai de plus d'un mois était suffisant pour permettre à l'administration fiscale d'étudier la question qui lui était posée, en recueillant éventuellement les observations du CEA, notamment en ce qui concerne les sociétés ou instituts qui lui sont rattachés et qui sont installés sur son territoire, certains d'entre eux ayant déjà acquitté la taxe foncière en leur nom propre, puis d'établir un rôle supplémentaire. Par suite, le moyen tiré de la tardiveté de la demande indemnitaire présentée par la commune de Saclay doit être écarté en ce qui concerne l'année 2015.

Sur l'évaluation du préjudice :

6. Aux termes de l'article L 332-1 du code de la recherche relevant du titre III de ce code, intitulé " Les établissements publics à caractère industriel et commercial " : " Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives est un établissement à caractère scientifique, technique et industriel, doté de la personnalité morale ainsi que de l'autonomie administrative et financière. ". L'article 1382 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en cause, dispose que : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 1° Les immeubles nationaux, les immeubles régionaux, les immeubles départementaux pour les taxes perçues par les communes et par le département auquel ils appartiennent et les immeubles communaux pour les taxes perçues par les départements et par la commune à laquelle ils appartiennent, lorsqu'ils sont affectés à un service public ou d'utilité générale et non productifs de revenus, (...) / Sous réserve des dispositions du 9°, cette exonération n'est pas applicable aux immeubles qui appartiennent à des établissements publics autres que les établissements publics de coopération intercommunale, les syndicats mixtes, les pôles métropolitains, les ententes interdépartementales, les établissements publics scientifiques, d'enseignement et d'assistance ainsi que les établissements visés aux articles 12 et 13 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, ni aux organismes de l'Etat, des départements ou des communes ayant un caractère industriel ou commercial. (...) ". L'article 1394 de ce code, relatif à la taxe foncière sur les propriétés non bâties, reproduit les mêmes dispositions que celles de l'article 1382. Le CEA appartenant à la catégorie des établissements publics à caractère industriel, ainsi qu'il résulte des dispositions du code de recherche citées plus haut, il n'entre pas dans les cas d'exonération de taxe foncière prévus par les dispositions du code général des impôts reproduites ci-dessus. Par suite, quand bien même il exercerait, sur le site de Saclay, une activité non productive de revenus, il est passible de la taxe foncière sur les propriétés bâties à raison de l'ensemble des propriétés bâties qu'il détient, dès lors que l'article 1382 précité exclut de manière générale cette exonération pour les établissements autres que ceux qu'il énumère, sans distinguer selon les activités exercées.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a fait droit à la demande indemnitaire de la commune de Saclay au titre des années 2012 à 2014. Il y a lieu, en revanche, de rejeter le surplus de ses conclusions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1702212 du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Versailles est annulé en ce qu'il a fait droit aux conclusions de la commune de Saclay en ce qui concerne l'absence d'imposition au titre des années 2012 à 2014.

Article 2 : La demande de la commune de Saclay devant le tribunal administratif portant sur les années 2012 et 2014 et le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la commune de Saclay.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Pham, première conseillère,

M. Bouzar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 mai 2022.

La rapporteure,

C. PHAM Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 20VE02233


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02233
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services économiques - Services fiscaux.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : SCP AYACHESALAMA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-05-10;20ve02233 ?
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