Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 23 août 2019 par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite et d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen, sous la même astreinte.
Par un jugement n° 2000190 du 20 octobre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juin 2021, Mme A..., représentée par Me Paruelle, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " salarié " sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen sérieux ;
- il est entaché d'un vice de procédure dès lors que la commission des titres de séjour n'a pas été saisie ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation en méconnaissance des articles L. 313-11 7° et L. 314-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Albertini a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante congolaise née le 18 juin 1990, est entrée en France, selon ses déclarations, en 1996. Le 17 juin 2019, elle a sollicité un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 août 2019, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite. Mme A... relève d'appel du jugement du 20 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, eu égard au caractère réglementaire de l'arrêté portant délégation de signature, le juge administratif peut se fonder, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, sur l'existence de cet arrêté sans en ordonner préalablement la production au dossier. Dès lors qu'un tel arrêté est librement accessible et consultable sur son site internet, l'administration n'est pas tenue de justifier de cette délégation. Au demeurant, le préfet du Val-d'Oise a produit devant les premiers juges l'arrêté du préfet du Val-d'Oise n° 19-028 du 17 juin 2019, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, donnant délégation de signature à M. D... B..., directeur des migrations et de l'intégration et, en cas d'absence ou d'empêchement de ce dernier, délégation de signature à Mme F..., adjointe au directeur des migrations et de l'intégration de la préfecture du Val-d'Oise, signataire de l'arrêté attaqué. La circonstance que cet arrêté de délégation n'ait pas été visé par l'arrêté en litige est sans incidence sur la légalité de celui-ci. Mme A..., qui n'établit pas que M. D... B..., directeur des migrations et de l'intégration, n'était pas absent ou empêché, n'est, par suite, pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente.
3. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme A... et l'obliger à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, le préfet du Val-d'Oise, après avoir visé notamment les articles L. 313-14 et L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a relevé, d'une part, que l'intéressée a déclaré être entrée en France en 1996, démunie de visa, qu'elle est célibataire et sans enfant et qu'elle n'est pas démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside sa mère, enfin, que si elle déclare séjourner en France depuis 1996, les documents produits ne sont pas de nature à justifier de façon probante sa présence habituelle en France depuis 10 ans, notamment pour les années antérieures à 2016, et que de ce fait, la commission du titre de séjour n'a pas à être saisie. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué comporte de manière suffisante et non stéréotypée l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, le préfet du Val-d'Oise, qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait de la situation de Mme A..., a cité les éléments pertinents dont il avait connaissance et qui fondent ses décisions. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen sérieux de la situation de la requérante doivent être écartés.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
5. Mme A... soutient être entrée en France en 1996, et y résider depuis de manière stable et continue. Elle précise que son père, de nationalité française, gravement malade, y réside également, qu'elle a été désignée tutrice, par un jugement du 18 novembre 2019, jusqu'en juillet 2020, puis qu'il a été placé sous tutelle d'une autre personne. Elle fait valoir également qu'elle entretient une relation avec un ressortissant français, M. C..., depuis 2008, avec lequel elle vit depuis 2017. Il ressort des pièces du dossier que s'il est constant que Mme A... est entrée en France en 1996 et y a suivi sa scolarité de manière continue, jusqu'en 2008, les pièces produites au titre d'un séjour entre 2008 et 2016, dont certaines sont nouvelles en appel, ordonnance ou résultat d'examen médical ainsi que, pour les années 2016 et 2017, des avis d'impôt sur le revenu faisant état de revenus salariaux particulièrement modiques de moins de 900 euros, auxquels s'ajoutent trois attestations de proches, peu circonstanciées et établies postérieurement à la décision contestée, ne permettent d'établir, s'agissant des années 2009 à 2018, qu'une présence ponctuelle sur le territoire français pendant chacune de ces années. Par ailleurs, pour justifier de l'existence de sa relation de concubinage avec M. C... depuis 2008, Mme A..., qui sur ce point ne produit pas davantage de pièces qu'en première instance, fait seulement état de deux attestations sur l'honneur de relations amicales et d'une attestation de M. C... lui-même, qui mentionne une communauté de vie depuis 2008. Or la date de cette attestation est postérieure à la date de la décision attaquée et, eu égard au caractère très peu circonstancié des attestations, qui ne sont pas assorties de documents probants établissant une vie commune stable et effective, ces seuls éléments ne permettent pas non plus de démontrer la réalité et la stabilité de la communauté de vie alléguée en France, alors qu'au demeurant, comme l'ont souligné les premiers juges, Mme A... a déclaré être célibataire lors du dépôt de sa demande de titre de séjour. En outre, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la présence constante de Mme A... auprès de son père serait nécessaire. Enfin, si la requérante fait valoir être bénévole dans une association et produit pour l'établir une attestation de l'association " jeune et engagé ", cet élément ne saurait suffire à démontrer que Mme A... a établi le centre de sa vie privée et familiale en France. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour porte une atteinte excessive à son droit de mener une vie privée et familiale normale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le préfet du Val-d'Oise n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la gravité de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ". Les éléments de la vie privée et familiale de Mme A..., tels qu'exposés au point 5, ne constituent pas des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, exigés pour permettre la délivrance d'un titre sur ce fondement. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Val-d'Oise aurait méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité en refusant de lui délivrer, sur ce fondement, le titre de séjour sollicité.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 de ce même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du même code, alors applicable : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
8. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou qui justifient d'une durée de résidence en France de plus de dix ans auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il résulte de ce qui a été exposé au point 5 que Mme A... ne justifie ni entrer effectivement dans le champ d'application de l'article L. 313-11 ni résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière.
9. En sixième lieu, si Mme A... soutient que la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen est inopérant à son encontre, dès lors que cette décision n'a pas pour objet de fixer le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.
10. En septième lieu, il résulte de ce qui a été précédemment exposé que Mme A... n'établit pas que la décision portant refus de titre de séjour qui lui a été opposée serait entachée d'illégalité. Par suite, elle n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination en raison de cette prétendue illégalité.
11. En huitième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par suite, la requête de Mme A... doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président-assesseur,
Mme Moulin-Zys, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2022.
Le président-assesseur,
O. MAUNYLe président-rapporteur,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 21VE01917