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15/03/2022 | FRANCE | N°21VE00537

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 15 mars 2022, 21VE00537


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par une ordonnance n° 1911649 du 14 octobre 2019, le président du tribunal

administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande pour tardiveté.

Par un arrêt n° ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par une ordonnance n° 1911649 du 14 octobre 2019, le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande pour tardiveté.

Par un arrêt n° 19VE03773 du 18 juin 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Par un jugement n° 2005549 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 23 février et 29 octobre 2021, M. A... représenté par Me Tavares de Pinho, avocate, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° d'annuler les décisions contestées ;

3° d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " ou " vie privée et familiale " sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4° à défaut, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps de ce réexamen ;

5° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée en ce qu'elle est rédigée selon des formules stéréotypées, et ne prend en compte ni son ancienneté professionnelle, ni ses conditions d'emploi, ni le fait qu'il a suivi des enseignements en école du soir, ni sa présence en France depuis 2013 ;

- cette insuffisance de motivation révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle mentionne qu'il occupe un emploi de maçon/carreleur depuis avril 2018 alors qu'il occupe un emploi d'agent de service depuis avril 2017 ;

- elle procède d'une inexacte application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale par exception d'illégalité du refus de titre de séjour ;

- en se croyant lié par le refus de titre, le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence et entaché sa décision d'une erreur de droit ;

- elle porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions portant refus d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours et fixation du pays de destination sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité des décisions de refus de séjour et d'éloignement ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- en s'abstenant de prendre en compte l'ancienneté de sa présence en France, son intégration professionnelle et l'absence de menace à l'ordre public, le préfet a méconnu les dispositions les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion,

- les observations de Me Tavares de Pinho pour M. A....

Une note en délibéré a été enregistrée le 4 mars 2022, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 27 décembre 1991, entré en France selon ses déclarations le 15 juillet 2013 avec un visa de court séjour, a sollicité le 2 mai 2019 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 juillet 2019, le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit, lui a fait interdiction de retour d'une durée de deux ans et a prescrit son signalement dans le Système d'information Schengen aux fins de non-admission. M. A... relève appel du jugement du 29 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. "

3. L'arrêté contesté fait mention des dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des circonstances de fait invoquées par M. A... au soutien de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, notamment celles relatives à son emploi de maçon-carreleur occupé depuis 2018, de ce qu'il s'est également prévalu de sa présence en France depuis juillet 2013, des circonstances particulières propres à sa situation personnelle et des motifs pour lesquels le préfet a estimé que M. A... ne justifiait pas d'un motif exceptionnel d'admission au séjour. Il est ainsi suffisamment motivé, alors même qu'il n'indique pas que M. A... a tenté de passer son baccalauréat en cours du soir, information dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait été portée à la connaissance du préfet. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision manque en fait.

4. En deuxième lieu, si M. A... fait valoir, pour la première fois en appel, qu'il occupe un emploi d'agent de service en contrat à durée indéterminée à temps plein, pour la SARL Novachev, depuis juillet 2017, et produit en appel des bulletins de salaire correspondant à cet emploi jusqu'en septembre 2021, il avait produit à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, et de sa demande de première instance, un contrat à durée indéterminée à temps plein conclu le 2 avril 2018 avec la SARL Novamoda, relatif à un emploi de maçon/carreleur, une lettre de motivation du 24 avril 2019, une attestation du 2 avril 2019 de cet employeur certifiant qu'elle emploie M. A... depuis le 2 avril 2018 en qualité de maçon/carreleur, le KBis ainsi qu'une déclaration des données sociales du 6 mars 2019 mentionnant une date d'embauche au 2 avril 2018. Dans ces conditions, en examinant la demande de M. A... au regard de l'emploi dont celui-ci se prévalait, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur de fait.

5. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L.313-14 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L.313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. " Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales " I. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

6. Si M. A... se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France depuis 2013, de son insertion professionnelle et de ses attaches en France, les pièces produites à l'appui de ces allégations ne permettent pas de tenir pour établie sa présence continue en France avant le mois de septembre 2015, et les conditions de son insertion professionnelle ne sont pas clairement établies, ainsi qu'il a été dit au point 4, dès lors qu'il s'est prévalu successivement de deux emplois à plein temps manifestement incompatibles. Par ailleurs, M. A..., célibataire sans enfant, est dépourvu d'attaches familiales en France, tandis que ses parents et sa fratrie résident dans son pays d'origine où lui-même a vécu au moins jusqu'à l'âge de 22 ans. En outre, l'intéressé a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire prise à son encontre le 2 novembre 2016 par le préfet du Vaucluse, qui n'a pas été exécutée. Dans ces conditions, alors même que M. A... déclare ses revenus depuis 2018 et a trouvé à se loger dans le parc privé, la décision de refus de séjour qui lui a été opposée n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision n'est pas davantage, pour les mêmes motifs, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

7. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) ".

8. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise sur le fondement d'un refus de séjour illégal et de ce qu'elle méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier, que le préfet des Hauts-de-Seine se serait cru tenu de prononcer une mesure d'éloignement, ni qu'il aurait de ce fait méconnu l'étendue de sa compétence.

Sur la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :

9. M. A... conteste la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire à trente jours et le pays à destination duquel il pourra être reconduit par voie d'exception d'illégalité des décisions de refus de séjour et d'éloignement. Il résulte de ce qui précède que ces moyens doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour durant deux ans :

10. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. "

11. En premier lieu, la décision portant interdiction de retour d'une durée de deux ans mentionne que M. A... a déclaré résider en France depuis six ans, qu'il est célibataire sans enfant et sans attaches sur le territoire français, qu'il a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire non exécutée et que l'interdiction de retour durant deux ans ne porte pas une atteinte excessive à sa vie privée et familiale. Elle est suffisamment motivée, alors même qu'elle ne précise pas que la présence en France de M. A... ne représente pas une menace à l'ordre public. Le moyen d'insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait.

12. En second lieu, eu égard aux conditions d'entrée et de séjour de M. A... en France, à sa situation personnelle et familiale, et à la précédente mesure d'éloignement dont il a fait l'objet, l'interdiction de retourner sur le territoire français d'une durée de deux ans n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Il s'ensuit que sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en

2

N° 21VE00537


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00537
Date de la décision : 15/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DORION
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : TAVARES DE PINHO

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-03-15;21ve00537 ?
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