Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) SH 78 a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, en droits et pénalités.
Par un jugement n° 1701877 du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Versailles a partiellement déchargé la société des suppléments d'impôts en litige et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par un arrêt avant dire droit du 27 mai 2021, la cour, avant de statuer sur la requête de la SARL SH 78 tendant à l'annulation de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande, à la décharge des impositions laissées à sa charge par le tribunal et à ce que l'Etat lui verse une somme de 10 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a transmis au Conseil d'Etat une demande d'avis, en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, portant sur la question de savoir si un contribuable, dont les impositions ont été établies selon la procédure d'évaluation d'office prévue par l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, bénéficie de la possibilité de s'adresser, dans les conditions édictées par la charte de contribuable vérifié, au supérieur hiérarchique du vérificateur puis à l'interlocuteur départemental ou régional au cours de la vérification et avant l'envoi de la proposition de rectification.
Par un avis n° 453241 du 13 octobre 2021, le Conseil d'État statuant au contentieux a répondu aux questions posées par la cour dans son arrêt avant dire-droit.
Par des mémoires, enregistrés les 5 et 18 novembre 2021, la SARL SH 78 conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.
Elle soutient en outre que :
- en refusant de faire droit à sa demande du 19 mai 2014, d'entretien avec l'inspecteur principal, afin d'évoquer avec lui les difficultés intervenues lors de la procédure de vérification, et à sa demande du 21 mai 2014, d entretien avec l'interlocuteur départemental, alors que l'existence de difficultés survenues lors du contrôle n'est ni contestée ni contestable, l'administration fiscale l'a privée d'une garantie substantielle ;
- la procédure de taxation d'office n'est pas justifiée dès lors qu'elle a mis à la disposition du vérificateur le matériel informatique sur lequel elle travaille quotidiennement ainsi que le logiciel de gestion commerciale et le pack office utilisés par l'entreprise, ainsi qu'un interlocuteur interne ; elle n'avait pas l'obligation de se procurer un logiciel d'audit particulier ; à supposer que sa comptabilité ait été incomplète, cette circonstance ne suffisait pas à caractériser une opposition à contrôle fiscal ;
- en l'absence d'opposition au contrôle, la majoration de 100% des droits rappelés en application de l'article 1732 du code général des impôts n'est pas justifiée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dorion, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. (...) Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration. " Le paragraphe 6 du chapitre Ier de la charte remise au contribuable prévoit que : " En cas de difficultés, vous pouvez vous adresser à l'inspecteur divisionnaire ou principal et ensuite à l'interlocuteur départemental ou régional. Leur rôle vous est précisé plus loin (page 16). Vous pouvez les contacter pendant la vérification. "
2. La possibilité de s'adresser au supérieur hiérarchique du vérificateur puis, le cas échéant, à un second interlocuteur en cas de difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle constitue une garantie substantielle offerte à tous les contribuables, quelle que soit la procédure d'imposition qui sera ultérieurement mise en œuvre à leur encontre. Pour les contribuables relevant de la procédure d'imposition contradictoire, cette garantie peut être mise en œuvre jusqu'à l'envoi de la proposition de rectification. Pour les contribuables relevant d'une procédure d'imposition d'office, cette garantie peut être mise en œuvre jusqu'à l'envoi des bases d'imposition d'office, ou, lorsqu'il n'a pas été procédé à cet envoi en application du dernier alinéa de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, jusqu'à la date de mise en recouvrement.
3. Il résulte de l'instruction que, par des courriels du 19 mai 2014 et du 21 mai 2014, la SARL SH 78 a saisi l'administration fiscale de demandes d'entretien auprès du supérieur hiérarchique, puis de rendez-vous avec l'interlocuteur départemental, afin d'évoquer les difficultés intervenues au cours de la vérification de comptabilité, ayant conduit à un procès-verbal de constat de carence dressé le 5 mai 2014 pour non-réalisation de traitements informatiques, et à l'évaluation d'office de ses bases d'imposition en application de l'article L. 74 du livre de procédures fiscales. Le service n'a pas fait droit à ces demandes qu'il a, à tort, rejetées au motif que la contribuable pourrait bénéficier de ces recours si les différends persistaient après la notification des rectifications. Alors même que la société requérante, s'étant engagée en vertu du b de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, à réaliser elle-même les traitements informatiques demandés par le service, a été autorisée, à titre exceptionnel, à changer d'option, et qu'elle n'a été en mesure de mettre à la disposition du vérificateur, en l'absence de comptabilité informatique, que des données partielles et des fichiers Excel, le différend entre la contribuable et le vérificateur sur la faculté pour ce dernier d'exploiter l'outil Excel à des fins de contrôle n'en était pas moins constitutif d'une difficulté justifiant la saisine du supérieur hiérarchique. Dans ces circonstances, ce recours ne peut être regardé comme présentant un caractère dilatoire. La SARL SH 78 est par suite fondée à soutenir qu'elle a été privée d'une garantie opposable prévue par la charte du contribuable vérifié.
4. Il résulte de ce qui précède que la société SH 78 est fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
5. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La SARL SH 78 est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 2 : Le jugement n° 1701877 du 9 avril 2019 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la SARL SH 78 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
N° 19VE02044 3