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12/07/2021 | FRANCE | N°20VE00619

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 12 juillet 2021, 20VE00619


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 19 juillet 2019 par laquelle la directrice de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis a refusé de lui délivrer un permis de visite pour rencontrer son conjoint, détenu dans cet établissement pénitentiaire, ensemble la décision du 30 septembre 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris a rejeté son recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision du 19 juillet 2019.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 19 juillet 2019 par laquelle la directrice de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis a refusé de lui délivrer un permis de visite pour rencontrer son conjoint, détenu dans cet établissement pénitentiaire, ensemble la décision du 30 septembre 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris a rejeté son recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision du 19 juillet 2019.

Par une ordonnance du 15 octobre 2019, le président du tribunal administratif de Melun a transmis la demande de Mme B... au tribunal administratif de Versailles.

Par un jugement n° 1907873 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions de la directrice de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis du 19 juillet 2019 et du directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris du 30 septembre 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que :

- la directrice de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis a fait une exacte application des dispositions de l'article 35 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 dès lors que Mme B... a été victime de violences conjugales de la part de M. E..., que celui-ci était en état de récidive légale, et qu'il existait par conséquent un risque pour Mme B... comme pour la sécurité et le bon ordre de l'établissement ;

- la directrice de la maison d'arrêt était dans l'impossibilité de garantir la sécurité de Mme B... par une mesure moins contraignante ; il n'est pas possible de réserver d'avance une des cabines hygiaphones et les effectifs ne permettent pas d'avoir un agent posté devant chaque cabine occupée par une victime de violences conjugales ; au demeurant, Mme B... avait la possibilité de bénéficier du dispositif " relais parents-enfants ".

La requête a été communiquée à Mme B... qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 23 juin 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 23 août 2020, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public,

- et les observations de Mme F..., pour le garde des sceaux, ministre de la justice.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a sollicité la délivrance d'un permis de visite pour rencontrer son conjoint, détenu écroué à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis. La directrice de l'établissement a refusé de faire droit à sa demande par une décision du 19 juillet 2019. Par une décision du 30 septembre 2019, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris a rejeté le recours hiérarchique introduit par Mme B.... Le garde des sceaux, ministre de la justice, relève régulièrement appel du jugement du 20 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé ces deux décisions.

2. Aux termes de l'article 35 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : " Le droit des personnes détenues au maintien des relations avec les membres de leur famille s'exerce soit par les visites que ceux-ci leur rendent, soit, pour les condamnés et si leur situation pénale l'autorise, par les permissions de sortir des établissements pénitentiaires. Les prévenus peuvent être visités par les membres de leur famille ou d'autres personnes, au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine. / L'autorité administrative ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d'un condamné, suspendre ou retirer ce permis que pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-8-12 du code de procédure pénale, issu du décret n° 2010-1634 du 23 décembre 2010 portant application de la loi pénitentiaire visée ci-dessus : " Les visites se déroulent dans un parloir ne comportant pas de dispositif de séparation. Toutefois, le chef d'établissement peut décider que les visites auront lieu dans un parloir avec un tel dispositif : / 1° S'il existe des raisons sérieuses de redouter un incident ; (...) ".

3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les décisions tendant à restreindre, supprimer ou retirer les permis de visite relèvent du pouvoir de police des chefs d'établissements pénitentiaires. Ces décisions affectant directement le maintien des liens des détenus avec leurs proches, elles sont susceptibles de porter atteinte à leur droit au respect de leur vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il appartient en conséquence à l'autorité compétente de prendre les mesures nécessaires, adaptées et proportionnées, pour assurer le maintien du bon ordre et de la sécurité de l'établissement pénitentiaire ou, le cas échéant, la prévention des infractions sans porter d'atteinte excessive au droit des détenus.

4. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser à Mme B... le permis de visite qu'elle demandait en faveur de M. E..., la directrice de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis s'est fondée sur la circonstance que l'intéressé avait été condamné à une peine d'emprisonnement délictuel et que Mme B... était la victime des faits. Pour confirmer le refus opposé à Mme B... par la directrice de la maison d'arrêt de Fleury Mérogis, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris s'est borné, après avoir rappelé la condamnation de M. E... par le tribunal correctionnel de Melun, selon la procédure de comparution immédiate du chef de violences aggravées à l'encontre de Mme B..., à se fonder sur " l'impératif de maintien du bon ordre et de prévention des infractions " et sur la " qualité de victime de Mme B... ". Il est constant que M. E... a été condamné par le tribunal correctionnel de Melun à une peine de douze mois d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve d'une durée de deux ans, pour avoir exercé volontairement des violences n'ayant entraîné aucune incapacité totale de travail, sur sa conjointe, Mme B..., et que ces faits ont été commis en état de récidive légale, dès lors que M. E... avait fait l'objet, le 5 septembre 2017, d'une précédente condamnation à une peine d'un an d'emprisonnement pour des faits identiques. Si le motif d'incarcération de M. E... devait appeler l'attention de l'administration pénitentiaire sur la demande de permis de visite de Mme B..., la circonstance que M. E... ait été condamné pour violences domestiques, comme celle tenant à ce que Mme B... ait été victime de son conjoint, sont toutefois insuffisantes à établir, à elles seules, le risque d'incident à l'occasion de visites en parloir. Au demeurant, il ressort des termes mêmes de la note de sensibilisation et de gestion des violences conjugales commises auprès de visiteurs aux parloirs édictée par la direction interrégionale de Paris le 17 juin 2019, dont se prévaut le ministre, qu'il est demandé aux chefs d'établissement de " procéd[er] à une analyse fine des risques encourus par le visiteur " d'une personne détenue pour des faits de violences conjugales, le cas échéant en sollicitant les magistrats et le service pénitentiaire d'insertion et de probation. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que les données de fait propres à la situation de Mme B... aient été prises en compte, alors que le jugement du tribunal correctionnel n'a pas prononcé d'interdiction de M. E... d'entrer en contact avec sa compagne et que Mme B... faisait valoir dans sa demande de permis de visite que les accès de violence de M. E... étaient en lien avec une consommation excessive d'alcool, élément déclencheur qui rendait peu probable le risque de réitération de violences au sein des locaux pénitentiaires. Dans ces conditions, en l'absence d'examen de la situation particulière des intéressés, les décisions contestées, qui ont pour effet de priver Mme B... de tout contact avec son conjoint pendant la durée de son incarcération, et de priver celui-ci de contact avec leur enfant commun âgé de deux mois, sont entachées d'une erreur de droit.

5. En outre, à supposer même que le risque fût avéré, en se bornant à préciser que les effectifs de l'établissement ne permettaient pas de poster un agent devant chaque parloir dans lesquels se trouve un victime de violences conjugales et qu'il n'était pas possible de prévoir au moment de la prise de rendez-vous, une cabine dotée d'hygiaphone, alors même qu'en vertu des dispositions précitées de l'article R. 57-8-12 du code de procédure pénale, le chef d'établissement peut décider que des visites auront lieu dans un parloir avec un dispositif de séparation en cas de raisons sérieuses de redouter un incident, le ministre n'établit pas que la directrice de la maison d'arrêt n'était pas en mesure d'adopter une mesure moins contraignante qu'un refus de permis de visite. La seule circonstance que Mme B... n'ait pas demandé à bénéficier du dispositif relais parent-enfant, alors qu'il ressort des pièces du dossier que son enfant était âgée de deux mois au moment des faits, ne saurait, en tout état de cause, justifier l'impossibilité de la direction de la maison d'arrêt de garantir tant la sécurité de Mme B..., que le bon ordre de l'établissement par des mesures moins contraignantes.

6. Il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision par laquelle la directrice de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis a refusé de lui délivrer un permis de visite pour rencontrer son conjoint, détenu dans cet établissement pénitentiaire, ensemble la décision du 30 septembre 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris a rejeté son recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision du 19 juillet 2019.

DECIDE :

Article 1er : La requête du garde des sceaux, ministre de la justice est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, et à Mme C... B....

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme A..., première conseillère,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 juillet 2021.

La rapporteure,

C. A...La présidente,

O. DORIONLa greffière,

C. FAJARDIELa République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

3

N° 20VE0619


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00619
Date de la décision : 12/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. - Exécution des jugements. - Exécution des peines. - Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme DORION
Rapporteur ?: Mme Catherine BOBKO
Rapporteur public ?: M. MET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-07-12;20ve00619 ?
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