La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2021 | FRANCE | N°19VE01896

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Chambres réunies, 12 juillet 2021, 19VE01896


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Bovendis a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge de l'obligation de payer les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, de taxe d'apprentissage et de contribution au développement de l'apprentissage auxquelles la société Asfi a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 et de la période correspondante, et qui

lui ont été réclamés, à hauteur de 110 585 euros, en qualité de débiteur soli...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Bovendis a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge de l'obligation de payer les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, de taxe d'apprentissage et de contribution au développement de l'apprentissage auxquelles la société Asfi a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 et de la période correspondante, et qui lui ont été réclamés, à hauteur de 110 585 euros, en qualité de débiteur solidaire de cette société en application de l'article 1724 quater du code général des impôts.

Par un jugement no 1700585 du 29 mars 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a constaté le non-lieu à statuer sur les conclusions de la requérante à hauteur de la somme de 1 959 euros dégrevée en cours d'instance et a rejeté le surplus de ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 mai 2019, le 4 février 2020 et le 2 décembre 2020, la SAS Bovendis, représentée par Me Blanc-Cuni, avocate, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il lui fait grief ;

2° de prononcer la décharge des impositions supplémentaires auxquelles la société Asfi a été assujettie et dont elle a été déclarée solidairement responsable ;

3° de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 108 626 euros ;

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La requérante soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

Sur la régularité de la procédure de recouvrement diligentée à son encontre en qualité de débiteur solidaire :

- les avis de mise en recouvrement qui lui ont été adressés ont été pris par une personne territorialement incompétente pour ce faire ;

- ces deux avis de mise en recouvrement n'étaient pas suffisamment motivés ;

- elle n'a pas été mise en mesure de contester le principe de la solidarité de paiement avant la mise en recouvrement ;

Sur le bien-fondé de la mise en œuvre de la solidarité :

- elle n'était ni obligée de vérifier l'authenticité de l'attestation délivrée par l'Urssaf que sa cocontractante lui a remise, ni obligée de se constituer une preuve à elle-même de ce qu'elle avait procédé à cette vérification ;

- l'article D. 8222-5 du code du travail est illégal dès lors qu'il ajoute à la loi ; les textes législatifs et réglementaires appliqués ne rendent ni accessibles ni prévisibles l'obligation de vérifier l'authenticité de l'attestation et les modalités de cette vérification ;

- elle ne peut être tenue au paiement solidaire de l'imposition due par sa sous-traitante qu'à hauteur de la part de cette imposition correspondant à la période au cours de laquelle elle était en relations d'affaires avec cette société ;

- si cette proratisation ne lui était pas accordée sur le terrain de la loi, elle devrait lui être accordée sur le terrain de la doctrine, en application de la circulaire interministérielle DILTI dont elle entend se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public,

- et les observations de Me Blanc-Cuni, pour la SAS Bovendis.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Bovendis exerce une activité de boucherie. Du 1er février 2012 au 31 décembre 2013, elle a employé du personnel mis à sa disposition par la société d'intérim Asfi. Celle-ci a fait l'objet de deux vérifications successives de sa comptabilité portant sur la période couvrant les années 2011, 2012 et 2013. A l'issue de ces opérations de contrôle, des impositions supplémentaires ont été mises à sa charge au titre de l'impôt sur les sociétés, de la taxe sur la valeur ajoutée, de la taxe sur la formation professionnelle continue, de la taxe d'apprentissage et de la contribution au développement de l'apprentissage, pour un montant total en droits, intérêts et pénalités, de 1 217 128 euros. La SAS Bovendis a été tenue au paiement solidaire, au titre des années 2012 et 2013, d'une partie de ces impositions en application de l'article 1724 quater du code général des impôts. Elle a ainsi été obligée de payer la somme de 110 585 euros, montant calculé en tenant compte de la proportion représentée par les recettes apportées à la société Asfi par la SAS Bovendis en rémunération des services dont elle a bénéficié. La SAS Bovendis relève appel du jugement du 29 mars 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'après avoir constaté un non-lieu partiel à concurrence des sommes dégrevées en cours d'instance, il a rejeté le surplus de ses demandes.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, pour demander au tribunal administratif la décharge de l'obligation de payer les sommes en litige, la SAS Bovendis s'était notamment prévalue de ce que, faute d'information préalable, elle n'avait pas été mise à même de contester le principe de sa solidarité préalablement à l'envoi des avis de mise en recouvrement qui lui ont été adressés. En considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à l'administration de lui communiquer les éléments de la procédure d'imposition menée à l'encontre du débiteur principal, alors que le moyen de la requérante ne portait pas seulement sur la communication de la procédure suivie à l'encontre du débiteur principal, mais également sur la communication des motifs pour lesquels sa responsabilité solidaire était mise en cause, le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Dès lors, son jugement est insuffisamment motivé et doit être annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer dont la SAS Bovendis l'a saisi.

3. Il y a lieu de statuer, immédiatement, par la voie de l'évocation sur les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer présentées par la SAS Bovendis devant le tribunal administratif, et par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions à fin de décharge des impositions supplémentaires auxquelles la société Asfi a été assujettie.

Sur les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer les sommes dont la SAS Bovendis a été constituée redevable en sa qualité de débiteur solidaire :

En ce qui concerne la régularité de la procédure de recouvrement des sommes en litige :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 23 juillet 2010 portant création de pôles de recouvrement spécialisés dans les services déconcentrés de la direction générale des finances publiques : " Les pôles de recouvrement spécialisé ont pour ressort territorial le département, sauf dans les cas indiqués en annexe. " Aux termes de l'article 3 de ce même arrêté : " Le comptable chargé d'un pôle de recouvrement spécialisé est compétent pour engager ou poursuivre toute procédure visant au recouvrement des créances qu'il a prises en charge directement ou dont la responsabilité lui a été transférée par un autre comptable du département. ". Aux termes de l'article R. 256-8 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au litige : " Le comptable mentionné aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 256 est le comptable de la direction générale des finances publiques ou le comptable de la direction générale des douanes et droits indirects en ce qui concerne, pour ce dernier, le recouvrement des contributions indirectes, droits, taxes, redevances et impositions obéissant aux mêmes règles et de la contribution prévue par l'article 527 du code général des impôts./ Le comptable public compétent pour établir l'avis de mise en recouvrement est soit celui du lieu de déclaration ou d'imposition du redevable, soit, dans le cas où ce lieu a été ou aurait dû être modifié, celui compétent à l'issue de ce changement, même si les sommes dues se rapportent à la période antérieure à ce changement./ Le comptable chargé d'un pôle de recouvrement spécialisé est compétent, le cas échéant, pour établir, signer et rendre exécutoire l'avis de mise en recouvrement des créances qu'il a prises en charge ou dont la responsabilité lui est transférée par un autre comptable. / Les avis de mise en recouvrement résultant de l'engagement par la direction nationale des vérifications de situations fiscales d'une procédure de rectification ou d'une procédure d'imposition d'office ou du traitement d'actes ou de déclarations liés à la détention d'avoirs à l'étranger sont établis, signés et rendus exécutoires par le comptable chargé du pôle de recouvrement spécialisé de Paris Sud-Ouest. ".

5. Pour l'application de ces dispositions, la compétence départementale du comptable du pôle de recouvrement spécialisé s'apprécie en fonction de la créance détenue par le Trésor et non en fonction du débiteur du Trésor. Le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Val-d'Oise, directement chargé du recouvrement de la dette de la société Asfi sise dans la commune de Viarmes dans ce département, était ainsi compétent pour établir, signer et rendre exécutoire un avis de mise en recouvrement à l'encontre de la SAS Bovendis, alors même que celle-ci a son siège à Paris, dès lors que cette procédure avait pour objet de recouvrer la dette de la société Asfi au paiement de laquelle la requérante est solidairement tenue en application des dispositions de l'article 1724 quater du code général des impôts. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Val-d'Oise a méconnu sa compétence territoriale en émettant à son encontre les deux avis, datés du 6 novembre 2015, par lesquels ont été mises en recouvrement les sommes en litige.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité./ Un avis de mise en recouvrement est également adressé par le comptable public compétent pour la restitution des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature mentionnés au premier alinéa et indûment versés par l'Etat./ L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret. Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public compétent. /Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat. " Aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. L'avis de mise en recouvrement mentionne également que d'autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits. Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. (...) ".

7. D'une part, il résulte des dispositions des articles R. 256-1 et R. 256-2 du livre des procédures fiscales que, lorsque l'administration adresse un avis de mise en recouvrement par lequel elle met en œuvre une solidarité de paiement, telle que celle qui est prévue par l'article 1724 quater du code général des impôts à l'encontre d'une société qui n'a pas procédé aux vérifications prévues à l'article L. 8222-1 du code du travail, elle est tenue de lui adresser un avis de mise en recouvrement individuel qui doit comporter les indications prescrites par l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales. D'autre part, ces mentions permettent au débiteur solidaire d'obtenir, à sa demande, la communication des documents mentionnés dans cet avis de mise en recouvrement ainsi que de tout document utile à la contestation de la régularité de la procédure, du bien-fondé et de l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires et des pénalités et majorations correspondantes au paiement solidaire desquels il est tenu. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose toutefois à l'administration de communiquer ces éléments de la procédure d'imposition menée à l'encontre du débiteur principal. Par la décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 8222-2 du code du travail, sous la réserve qu'elles n'interdisent pas au donneur d'ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que les pénalités et majorations correspondantes, au paiement solidaire desquels il est tenu.

8. En l'espèce, les deux avis de mise en recouvrement adressés à la SAS Bovendis mentionnent le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard dus. Ils mentionnent également l'origine des créances recouvrées, à savoir la proposition de rectification et, le cas échéant, la " lettre de motivation " des pénalités adressées à la société Asfi le 4 décembre 2014. Ils indiquent en outre que les montants dont ils annoncent le recouvrement sont des créances au paiement solidaire desquelles la requérante est tenue en application des dispositions de l'article 1724 quater du code général des impôts, en sa qualité de donneur d'ordre de la société Asfi verbalisée pour travail dissimulé. Ces avis de mise en recouvrement comportent enfin les voies et délais de recours pour les contester. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir qu'ils ne comportent pas les mentions exigées par l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, il est constant que l'administration a communiqué à la requérante, joint à un courriel envoyé le 12 février 2016 dont celle-ci a accusé réception, l'ensemble des pièces de la procédure de rectification diligentée à l'encontre de la société Asfi, dont la requérante avait demandé la veille la communication. La SAS Bovendis n'est donc pas fondée, en tout état de cause, à soutenir que les mentions des avis de mise en recouvrement émis à son encontre étaient insuffisantes pour lui permettre de demander la communication des éléments de la procédure d'imposition menée à l'encontre de la société Asfi.

9. Si la requérante n'a pas été informée, préalablement à l'envoi des deux avis de mise en recouvrement déjà mentionnés, de la mise en œuvre à son encontre des dispositions de l'article 1724 quater du code général des impôts, une telle obligation d'information préalable, qui n'est d'ailleurs prévue par aucun texte, ne découle pas de la décision du Conseil constitutionnel citée au point 7 et ne pesait donc pas sur l'administration. Au demeurant, la requérante a mise été en mesure de contester, devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et désormais devant la cour, la régularité de la procédure de rectification dont la société Asfi a fait l'objet, le bien-fondé et l'exigibilité des impôts, taxes, cotisations obligatoires et les pénalités et majorations afférentes, au paiement solidaire desquels elle est tenue, ainsi que le principe même de cette solidarité. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que la réserve émise par le Conseil constitutionnel dans la décision mentionnée au point 7 ni, au demeurant, le principe de loyauté, celui du contradictoire, les droits de la défense et le droit au recours effectif, auraient été méconnus.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'obligation de payer :

10. Aux termes de l'article 1724 quater du code général des impôts : " Toute personne qui ne procède pas aux vérifications prévues à l'article L. 8222-1 du code du travail ou qui a été condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé est, conformément à l'article L. 8222-2 du même code, tenue solidairement au paiement des sommes mentionnées à ce même article dans les conditions prévues à l'article L. 8222-3 du code précité ".

11. Aux termes de l'article L. 8222-1 du code du travail : " Toute personne vérifie lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant s'acquitte : / 1° des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 (...) / Les modalités selon lesquelles sont opérées les vérifications imposées par le présent article sont précisées par décret. ". Aux termes de l'article L. 8222-2 de ce code : " Toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L. 8222-1 (...) est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé : / 1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale (...) ". Il résulte de ces dispositions que la méconnaissance de l'obligation de vérification prévue par l'article L. 8222-1 du code du travail engage la responsabilité solidaire du donneur d'ordre pour le paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus au Trésor public et aux organismes de protection sociale par celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé. La solidarité instituée par ces dispositions, qui constitue une garantie pour le recouvrement des créances du Trésor public et des organismes de protection sociale, est encourue, " à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession ", lorsque le donneur d'ordre peut être regardé comme ayant facilité la réalisation de ce travail dissimulé ou ayant contribué à celle-ci.

12. Aux termes de l'article D. 8222-5 du même code, dans sa version applicable au litige : " La personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution : / 1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l'article L. 243-15 émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s'assure de l'authenticité auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale. / 2° Lorsque l'immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu'il s'agit d'une profession réglementée, l'un des documents suivants : / a) Un extrait de l'inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) (...) ". Enfin, aux termes de l'article D. 243-15 du code de la sécurité sociale, également dans sa version applicable au litige : " Lorsque le cocontractant emploie des salariés, l'attestation prévue à l'article L. 243-15 mentionne l'identification de l'entreprise, le nombre de salariés et le total des rémunérations déclarés au cours de la dernière période ayant donné lieu à la communication des informations prévue à l'article R. 243-13. / (...) L'attestation est sécurisée par un dispositif d'authentification délivré par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales. Le donneur d'ordre vérifie l'exactitude des informations figurant dans l'attestation transmise par son cocontractant par voie dématérialisée ou sur demande directement auprès de cet organisme au moyen d'un numéro de sécurité ".

13. En premier lieu, le dernier alinéa de l'article L. 8222-1 du code du travail autorisant expressément le pouvoir réglementaire à définir les modalités selon lesquelles doivent être opérées les vérifications qu'il prévoit, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de ce que les dispositions réglementaires de l'article D. 8222-5 du code du travail ajouteraient à la loi ne peut qu'être écarté.

14. En deuxième lieu, en soutenant que les textes législatifs et réglementaires appliqués ne rendent ni accessibles ni prévisibles l'obligation de vérifier l'authenticité de l'attestation et les modalités de cette vérification, la SAS Bovendis peut être regardée comme se prévalant de l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et de l'exigence de prévisibilité de la norme qui découle de l'article 1er du Premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. D'une part, la SAS Bovendis n'invoque pas utilement l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi à l'encontre des textes législatifs cités au point 11 dès lors qu'en dehors des cas et conditions où il est saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, il n'appartient pas au juge de l'impôt de se prononcer sur un moyen tiré de la non-conformité de la loi à une norme de valeur constitutionnelle. D'autre part, elle n'invoque pas valablement cet objectif à l'encontre des textes réglementaires cités au point 12, ces textes n'étant pas rendus obscurs du seul fait que les articles législatifs qu'ils précisent ne renvoient pas explicitement à leurs dispositions. Enfin, si la requérante invoque également, à l'encontre de ces textes législatifs et réglementaires, l'exigence de prévisibilité de la norme précédemment mentionnée, elle ne le fait pas valablement non plus, dès lors que ces textes ne sont pas rendus obscurs du seul fait que les modalités de l'obligation de contrôle prévue par les textes législatifs ne sont précisées que par les textes réglementaires auxquels il n'est pas expressément renvoyé.

15. En troisième lieu, si en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Cependant, la circonstance que la charge de la preuve pèse sur l'une des parties au litige ne s'oppose pas à ce que, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, il prescrive un supplément d'instruction, afin d'être éclairé sur les circonstances nécessaires à la solution du litige, à la double condition que cette mesure ne soit pas inutile ou frustratoire, et que la charge de la preuve ne s'en trouve pas renversée.

16. Il appartient au donneur d'ordre, qui seul détient les éléments attestant du respect des dispositions précitées de l'article D. 8222-5 du code du travail, de justifier de l'accomplissement de ses obligations de vigilance et de contrôle en découlant, au nombre desquelles figure l'obligation de s'assurer auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale, au moment de contracter et à chaque échéance semestrielle, de l'authenticité de l'attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale adressées par son cocontractant. Toutefois, dans l'hypothèse où le donneur d'ordre n'est pas en mesure d'établir qu'il a effectivement satisfait à son obligation de contrôle aux échéances prévues mais qu'il résulte de l'instruction que les documents exigés par la loi et la réglementation ont été présentés et qu'ils émanent de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale, sa solidarité de paiement prévue par les dispositions de l'article 1724 quater du code général des impôts ne saurait être recherchée.

17. En l'espèce, la requérante a produit le 28 octobre 2014, en réponse à la demande que l'administration lui avait adressée en faisant usage de son droit de communication, l'ensemble des documents mentionnés à l'article L. 8222-1 du code du travail. Toutefois, d'une part, elle ne soutient pas avoir satisfait à son obligation de contrôle en s'étant assurée, auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale, de l'authenticité de l'attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale adressées par la société Asfi. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que les attestations de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale que lui a fournies la société Asfi émanaient de cet organisme. Dès lors, la SAS Bovendis pouvait être tenue au paiement solidaire des impositions supplémentaires auxquelles la société Asfi a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

18. La SAS Bovendis n'est donc pas fondée à demander la décharge de l'obligation de payer les sommes dont elle a été constituée redevable en sa qualité de débiteur solidaire de la société Asfi.

Sur les conclusions à fin de décharge des impositions supplémentaires auxquelles la société Asfi a été assujettie, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir :

19. La société requérante ne soulève, en appel, aucun moyen à l'appui de ses conclusions à fin de décharge des impositions supplémentaires auxquelles la société Asfi a été assujettie en se bornant à soutenir, sans autre précision, que la procédure à l'issue de laquelle les rectifications ont été prononcées à l'encontre de la société Asfi est irrégulière et que les rectifications qui en ont résulté pour la société Asfi sont mal fondées. Ces conclusions ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SAS Bovendis demande à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 29 mars 2019 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer de la SAS Bovendis.

Article 2 : La demande de décharge de l'obligation de payer présentée par la SAS Bovendis devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

2

N° 19VE01896


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Chambres réunies
Numéro d'arrêt : 19VE01896
Date de la décision : 12/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-02 Contributions et taxes. - Généralités. - Recouvrement. - Paiement de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. OLSON
Rapporteur ?: Mme Manon HAMEAU
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : BLANC CUNI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-07-12;19ve01896 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award