Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Inter Mutuelles Entreprises et la société Forpub ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner la société GRDF à verser à la société Inter Mutuelles Entreprises la somme de 14 173,14 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 août 2013 et à la société Forpub la somme de 6 656,10 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2012, et de mettre à la charge de la société GRDF la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1802616 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Montreuil a condamné la société GRDF à verser à la société Inter Mutuelles Entreprises la somme de 14 173,14 euros et à verser à la société Forpub la somme de 6 636,10 euros, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2016, condamné la société GRDF à verser la somme totale de 1 500 euros à la société Inter Mutuelles Entreprises et à la société Forpub en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 mai 2019, le 14 août 2019 et le 31 décembre 2019, la société GRDF, représentée par Me D..., avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les demandes de la société Inter Mutuelles Entreprises et de la société Forpub ;
3°) subsidiairement, de condamner la société STPS à la garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;
4°) de mettre à la charge des sociétés Inter Mutuelles Entreprises, Forbup et STPS le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier faute pour le tribunal administratif d'avoir relevé d'office le moyen d'ordre public tiré de la tardiveté de la requête de première instance des sociétés Inter Mutuelles Entreprises et Forpub ;
- il est entaché d'insuffisance de motivation sur le caractère spécial et anormal des préjudices qu'auraient subis les sociétés Inter Mutuelles Entreprises et Forpub ;
- il est entaché d'insuffisance de motivation car le tribunal ne s'est pas prononcé sur l'absence d'extinction des rapports contractuels entre la société GRDF et la société STPS au regard des stipulations de l'article 12 des conditions générales d'achat ;
- il est entaché d'une omission à statuer sur ses conclusions tendant à ce que la responsabilité de la société STPS soit reconnue dans la survenance des dommages ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu sa responsabilité dès lors que les dommages sont exclusivement imputables à la société STPS ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu que les préjudices allégués par les sociétés Inter Mutuelles Entreprises et Forpub étaient en lien avec la rupture de la canalisation ;
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions d'appel en garantie dirigées contre la société STPS ; les articles 8.4, 11 et 13.1 des conditions générales d'achat font obstacle à l'effet extinctif des rapports contractuels ;
- nonobstant la réception sans réserve, le constructeur peut voir sa responsabilité engagée pour les dommages à des biens autres que ceux faisant l'objet du marché ;
- la société STPS a manqué à ses obligations contractuelles.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,
- les observations de Me A..., pour la société GRDF et celles de Me B..., pour la société STPS.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de travaux de remplacement de canalisations de gaz sur le territoire de la commune d'Aubervilliers opérés par la société STPS pour la société GRDF au cours du mois de juillet 2012, une canalisation d'eau a été endommagée, entraînant l'inondation d'une partie des locaux de la société Forpub. Par courrier en date du 18 octobre 2016, la société Inter Mutuelles Entreprises, assureur de la société Forpub, et la société Forpub ont saisi la société GRDF d'une demande indemnitaire préalable tendant au paiement de la somme de 20 809,24 euros à laquelle la société GRDF n'a pas répondu. La société GRDF relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil l'a condamnée à verser à la société Inter Mutuelles Entreprises la somme de 14 173,14 euros, à verser à la société Forpub la somme de 6 636,10 euros et a rejeté ses conclusions d'appel en garantie dirigées contre la société STPS.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. En premier lieu, si la société GRDF soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne le caractère anormal et spécial des préjudices subis par la société Forpub et la société Inter Mutuelles Entreprises, ces dernières ayant la qualité de tiers par rapport aux travaux litigieux, pouvaient demander que la responsabilité sans faute de la société GRDF soit engagée à raison des préjudices qu'avaient occasionnés pour elles les dommages accidentels de travaux publics en cause, sans démontrer le caractère anormal et spécial de ces préjudices. Dans ces conditions, alors même que le jugement attaqué ne serait pas suffisamment motivé sur ce point, cette circonstance est sans incidence sur sa régularité.
4. En deuxième lieu, la société GRDF soutient que le jugement est irrégulier faute d'avoir répondu au moyen tiré de l'absence d'extinction des rapports contractuels avec la société STPS au regard des stipulations de l'article 12 des conditions générales d'achat. Toutefois, le tribunal, qui a estimé qu'aucune clause des conditions générales d'achat ne permet de déroger au principe selon lequel la fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception, n'était pas tenu de préciser que l'article 12 de ces conditions générales n'y déroge pas.
5. En troisième lieu, le jugement attaqué, qui précise que la société GRDF ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en cas de faute de la victime ou de force majeure et qui examine l'appel en garantie de la société GRDF dirigé contre la société STPS, n'a pas omis de statuer sur ses conclusions tendant à ce que la responsabilité de la société STPS soit reconnue dans la survenance des dommages.
6. Enfin, à supposer même que le tribunal ait retenu à tort la recevabilité de la demande de la société Forpub et de la société Inter Mutuelles Entreprises, cette circonstance est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué, le moyen invoqué sur ce point par la société GRDF devant être examiné dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.
Au fond :
Sur la recevabilité des demandes de première instance :
7. Il résulte de la modification apportée à l'article R. 421-1 du code de justice administrative par le décret du 2 novembre 2016 que, depuis l'entrée en vigueur de ce décret le 1er janvier 2017, l'exigence résultant de cet article, tenant à la nécessité, pour saisir le juge administratif, de former un recours dans les deux mois contre une décision préalable, est en principe applicable aux recours relatifs à une créance en matière de travaux publics.
8. Toutefois, si les dispositions de l'article R. 421-1 n'excluent pas qu'elles s'appliquent à des décisions prises par des personnes privées, dès lors que ces décisions revêtent un caractère administratif, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune règle générale de procédure ne détermine les effets du silence gardé sur une demande par une personne morale de droit privé qui n'est pas chargée d'une mission de service public administratif. Dans ces conditions, en l'absence de disposition déterminant les effets du silence gardé par une telle personne privée sur une demande qui lui a été adressée, les conclusions, relatives à une créance née de travaux publics, dirigées contre une telle personne privée ne sauraient être rejetées comme irrecevables faute de la décision préalable prévue par l'article R. 421-1 du code de justice administrative.
9. Il résulte de l'instruction que les sociétés Inter Mutuelles Entreprises et Forpub ont saisi la société GRDF, personne morale de droit privé qui n'est pas chargée d'une mission de service public administratif, d'une demande indemnitaire préalable par courrier du 18 octobre 2016 reçu le 20 octobre 2016. Il résulte de ce qui a été dit au point ci-dessus que le délai de recours prévus à l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'est pas applicable à un recours, relatif à une créance née de travaux publics, dirigé contre une personne morale de droit privé qui n'est pas chargée d'une mission de service public administratif. Dans ces conditions, la demande des sociétés Inter Mutuelles Entreprises et Forpub, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Montreuil le 19 mars 2018, n'était pas tardive. Ainsi et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir invoquée par les sociétés Inter Mutuelles Entreprises et Forpub, la société GRDF n'est pas fondée à soutenir que leur demande de première instance était tardive et irrecevable.
Sur la responsabilité de la société GRDF :
10. Même en l'absence de faute, le maître de l'ouvrage et, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime. Il appartient à ces tiers d'apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'ils allèguent avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité direct entre les travaux publics et les préjudices, sans qu'ils soient tenus de démontrer le caractère grave et spécial des préjudices lorsque le dommage présente un caractère accidentel.
11. Il résulte de l'instruction, en particulier du procès-verbal de constat établi le 4 avril 2013 et du rapport d'expertise amiable contradictoire en date du 9 août 2013, que lors d'importants travaux sur les réseaux enterrés de la commune d'Aubervilliers, la société STPS, agissant dans le cadre d'un marché conclu avec la société GRDF, a percé par erreur une canalisation d'adduction d'eau. Cet évènement a entraîné l'inondation de la voie publique puis, par les soupiraux de ventilation, celle des locaux en sous-sol de la société Forpub situés à proximité. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que les préjudices subis par la société Forpub, qui avait la qualité de tiers aux opérations de travaux publics, sont en lien direct avec les travaux effectués par la société STPS. La société GRDF n'invoque et ne fait état d'aucun élément de nature à caractériser une éventuelle faute de la victime ou un cas de force majeure. Elle ne saurait utilement se prévaloir, pour s'exonérer de sa responsabilité en tant que maître d'ouvrage vis-à-vis des sociétés Forpub et Inter Mutuelles Entreprises, de la circonstance que la faute à l'origine des désordres serait entièrement imputable à la société STPS, en charge des travaux. Dès lors, la société GRDF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a retenu sa responsabilité.
Sur les préjudices :
12. Il résulte du procès-verbal de constat établi le 4 avril 2013 et du rapport d'expertise amiable contradictoire en date du 9 août 2013, et n'est pas contesté, que les préjudices matériels subis par la société Forpub ont été évalués à la somme de 20 809,24 euros HT. Il est constant que la société Inter Mutuelles Entreprises a indemnisé la société Forpub, son assurée, à hauteur de 14 173,14 euros et que la somme de 6 636,10 euros est restée à la charge de la société Forpub. Dans ces conditions, ces préjudices étant en lien direct avec les travaux en litige, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la société GRDF à verser à la société Inter Mutuelles Entreprises la somme de 14 173,14 euros et à la société Forpub la somme de 6 636,10 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2016, date de réception de leur demande indemnitaire préalable.
Sur l'appel en garantie :
13. La fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part.
14. Aux termes de l'article 8.4 des conditions générales d'achat applicables au marché en litige : " Effets de la Réception ou de la recette : Le prononcé par GrDF de la Réception ou de la Recette ne saurait exonérer l'Entreprise de ses garanties et responsabilités pour les défauts, ou pour toute non-conformité de quelque ordre que ce soit, non apparents à la Réception ou à la Recette ". Aux termes de l'article 11 de ces mêmes conditions : " Responsabilité - recours des tiers : L'Entreprise s'engage à assumer toutes les conséquences des dommages de toute nature dont (...) les Tiers pourraient être victimes, ou que leurs biens pourraient subir à l'occasion de l'exécution des Travaux et/ou Services ou du fait d'une omission, insuffisance, erreur de l'Entreprise ou du Sous-Traitant dans l'exécution des Travaux et/ou Services. L'Entreprise garantir GrDF, dans ce cadre, contre tout recours qui serait engagé par des Tiers du fait de dommages de quelque nature que ce soit subis par lesdits Tiers, du fait ou à l'occasion du présent Contrat (...) ". Aux termes de son article 12 : " Assurances : L'Entreprise devra souscrire et maintenir en état de validité pendant toute la durée d'exécution des Travaux et/ou Services, à ses frais, les polices d'assurance nécessaires couvrant les risque et responsabilités encourus du fait du Contrat et compte tenu de son environnement. Avant de commencer l'exécution des Travaux et/ou Services et à chaque renouvellement des polices d'assurances requises pendant la durée du Contrat, l'Entreprise remettra à GrDF une ou des attestations émanant de sa Compagnie d'assurances certifiant l'existence des assures contractées, les capitaux assurés, la nature des couvertures et la période de garantie de la ou des polices et l'acquittement de la prime (...) ". Aux termes de son article 13.1 : " Etendue et durée : L'Entreprise garantit la Conformité des Travaux et/ou Services après la Réception ou la Recette et, notamment, que ceux-ci seront exempts de tout défaut de quelque ordre que ce soit. En conséquence, l'Entreprise s'engage, pendant une période de vingt quatre (24) mois à compter de la date de Réception ou de la Recette, à remédier en totalité, à ses frais et risques, (...) à toute non-Conformité et à tout défaut de son fait affectant les Travaux et/ou Services après la réception ou la Recette ainsi qu'à toute erreur, malfaçon, vice apparent ou caché (...) tout fonctionnement défectueux apparaissant durant cette période. (...) ".
15. Il résulte de l'instruction que les travaux exécutés par la société STPS ont fait l'objet d'une réception sans réserves le 27 juillet 2012 ce qui s'oppose à ce qu'elle soit appelée en garantie postérieurement à cette réception par la société GRDF, maître d'ouvrage, pour les dommages subis par la société Forpub. Contrairement à ce que soutient la société GRDF, aucune des stipulations citées au point précédent ne contient une clause contractuelle dérogeant au principe de l'extinction des relations contractuelles et qui impliquerait que l'entrepreneur puisse être appelé en garantie par le maître d'ouvrage après la réception des travaux à raison de dommages causés aux tiers. Si la société GRDF soutient que l'intervention de la réception sans réserve serait sans incidence sur sa faculté de demander à l'entrepreneur réparation des dommages causés par ce dernier à des biens lui appartenant autres que ceux faisant l'objet du marché, ce moyen est en tout état de cause sans incidence en ce qui concerne les désordres en litige causés à des biens appartenant à des tiers. Dans ces conditions, la société GRDF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant à ce que la société STPS la garantisse de sa condamnation.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des sociétés Inter Mutuelles Entreprises, Forpub et STPS, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la société GRDF demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société GRDF une somme de 1 500 euros à verser à la société Inter Mutuelles Entreprises et à la société Forpub, et une somme de 1 500 euros à verser à la société STPS sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société GRDF est rejetée.
Article 2 : La société GRDF versera, d'une part, à la société Inter Mutuelles Entreprises et à la société Forpub la somme totale de 1 500 euros et, d'autre part, la somme de 1 500 euros à la société STPS, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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N° 19VE01939