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09/06/2021 | FRANCE | N°20VE02956

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5eme chambre, 09 juin 2021, 20VE02956


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 0810580 du 3 juillet 2015, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, condamné la commune de Sarcelles à verser à la société Sogeres la somme de 643 448 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 août 2007 et de la capitalisation des intérêts, d'autre part, condamné la société Sogeres à verser à la commune de Sarcelles la somme de 170 700 euros, enfin, mis à la charge de la société Sogeres et de la commune de Sarcelles chacune la moitié des

frais d'expertise.

Par un arrêt n° 15VE02925, 15VE02926 et 15VE02859 du 19 décemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 0810580 du 3 juillet 2015, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, condamné la commune de Sarcelles à verser à la société Sogeres la somme de 643 448 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 août 2007 et de la capitalisation des intérêts, d'autre part, condamné la société Sogeres à verser à la commune de Sarcelles la somme de 170 700 euros, enfin, mis à la charge de la société Sogeres et de la commune de Sarcelles chacune la moitié des frais d'expertise.

Par un arrêt n° 15VE02925, 15VE02926 et 15VE02859 du 19 décembre 2019, la cour a porté la somme de 643 448 euros TTC que la commune de Sarcelles avait été condamnée à verser à la société Sogeres par l'article 1er du jugement n° 0810580 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 3 juillet 2015 à la somme de 793 448 euros TTC, a réformé l'article 1er de ce jugement en ce qu'il a de contraire à l'arrêt et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure d'exécution devant la cour :

Par une demande, enregistrée le 16 novembre 2020, la commune de Sarcelles, représentée par Me E..., a saisi la cour d'une demande tendant à obtenir l'exécution de l'arrêt n° 15VE02925, 15VE02926 et 15VE02859 rendu le 19 décembre 2019.

Par une ordonnance du 17 novembre 2020, le président de la cour administrative d'appel de Versailles a ouvert, sous le n° 20VE02956, une procédure juridictionnelle afin de prescrire les mesures propres à assurer l'exécution de cet arrêt.

Par sa demande et des mémoires, enregistrés respectivement le 17 novembre 2020, le

15 janvier 2021, la commune de Sarcelles, représentée par Me E..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'enjoindre à la société Sogeres de lui rembourser la somme de 78 265,83 euros calculée au 15 janvier 2021 résultant du trop-versé effectué le 23 août 2020 ;

2°) d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure adressée le 23 septembre 2020 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de condamner la société Sogeres au paiement d'une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la société Sogeres une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle a procédé au versement de la somme de 944 184,19 euros au profit de la Sogeres en deux versements, l'un de 684 184,19 euros le 15 juillet 2020 et l'autre de 260 000 euros le 23 août 2020 ; ce faisant, elle a versé une somme trop importante à la société Sogeres qui a bénéficié d'un trop-perçu de 89 543,12 euros dès lors que les intérêts doivent être calculés après compensation entre les dettes respectives des parties ; une compensation entre des dettes croisées peut en effet être effectuée à la demande d'une personne publique dès lors que les dettes en cause sont certaines, liquides, exigibles et de même nature ; il s'en infère que la date de la compensation et, donc, le calcul des intérêts et de la capitalisation éventuelle de ces intérêts, doit être celle à laquelle la première des créances est exigible ; en l'espèce, la compensation doit s'opérer à la date du 3 août 2007 ; les deux dettes dont il s'agit procèdent d'un même contrat et de la même stipulation contractuelle ; par ailleurs, l'indemnité de 150 000 euros prononcée par la cour porte intérêts seulement à compter du 19 décembre 2019 en application de l'article 1231-7 du code civil.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 décembre 2020 et le 28 janvier 2021, la société Sogeres, représentée par Me C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de rejeter les conclusions de la commune de Sarcelles;

2°) de condamner la commune de Sarcelles à lui verser la somme de 313 891,58 euros au 30 janvier 2021, sauf à parfaire, jusqu'à la date du complet paiement des condamnations prononcées par le jugement du 3 juillet 2015 et l'arrêt du 19 décembre 2019 ;

3°) de lui donner acte de ce que l'indemnité à sa charge s'établit à la somme de 240 610,50 euros au 18 décembre 2020, sauf à parfaire, jusqu'à la date du complet paiement des condamnations prononcées par le jugement en date du 3 juillet 2015 et l'arrêt du 19 décembre 2019 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Sarcelles le paiement la somme de

5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucune compensation n'est possible entre la somme de 643 448 euros et celle de 170 700 euros dès lors que le débiteur d'une collectivité publique ne peut pas compenser sa dette avec les créances qu'il détient sur cette collectivité, qu'il s'agit de deux indemnités différentes dont les intérêts n'ont pas commencé à courir à la même date et qu'enfin, aucune compensation ne pouvait être faite à la date du 3 août 2007 puisque l'indemnité de 170 700 euros n'a été allouée à la commune que par le jugement du 3 juillet 2015 et à compter de cette date ; par ailleurs, aux termes de l'arrêt de la cour, l'indemnité supplémentaire de 150 000 euros qu'elle a accordée doit produire des intérêts non pas à compter de sa décision mais à compter de la date indiquée dans le jugement de première instance, c'est-à-dire le 3 août 2007 ; la commune de Sarcelles n'a demandé de compensation ni en première instance, ni en appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- les observations de Me F..., substituant Me A..., pour la commune de Sarcelles et de Me B..., pour la société Sogeres.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ".

2. Par le jugement du 3 juillet 2015, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, condamné la commune de Sarcelles à verser à la société Sogeres la somme de 643 448 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 août 2007 et de la capitalisation des intérêts, d'autre part, condamné la société Sogeres à verser à la commune de Sarcelles la somme de 170 700 euros, enfin, mis à la charge de la société Sogeres et de la commune de Sarcelles chacune la moitié des frais d'expertise. Par l'arrêt du 19 décembre 2019, la cour a porté la somme de 643 448 euros TTC que la commune de Sarcelles avait été condamnée à verser à la société Sogeres par le tribunal administratif à la somme de

793 448 euros TTC et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

3. D'une part, il résulte du dispositif de l'arrêt du 19 décembre 2019 que la somme supplémentaire de 150 000 euros à laquelle la commune de Sarcelles a été condamnée en appel, et qui vient s'ajouter à la condamnation prononcée par le tribunal administratif, est assortie, comme cette condamnation, des intérêts au taux légal à compter du 3 août 2007. A cet égard, la commune de Sarcelles ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 1231-7 du code civil qui concernent les intérêts de droit découlant d'une condamnation prononcée par une juridiction même en l'absence de demande formulée en ce sens par les parties, dès lors que la société Sogeres a demandé que les condamnations prononcées à son profit soient assorties des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable du 3 août 2007.

4. D'autre part, aux termes de l'article 1289 du code civil, alors en vigueur : " Lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes, de la manière et dans les cas ci-après exprimés ". Selon l'article 1290 du même code, alors en vigueur : " La compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives ". Aux termes, enfin, de l'article 1291 du même code : " La compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent (...) et qui sont également liquides et exigibles. (...) ".

5. Contrairement à ce que soutient la société Sogeres, le principe de non-compensation des créances publiques ne fait pas obstacle à ce qu'une collectivité publique procède à la compensation de deux créances à condition que les conditions de cette compensation soit remplies. En l'espèce, les dettes de la commune de Sarcelles et de la société Sogeres, issues des condamnations prononcées par le tribunal administratif dans son jugement du 3 juillet 2015 réformé par l'arrêt de la cour, présentent le caractère de dettes réciproques, certaines, liquides et exigibles. Dans ces conditions, la commune de Sarcelles est fondée à opérer une compensation dans le cadre de l'exécution de ces décisions de justice à compter du jugement du 3 juillet 2015.

6. Il résulte de ce qui précède qu'en exécution du jugement du tribunal administratif et de l'arrêt de la cour, la commune de Sarcelles devait verser à la société Sogeres la somme de 793 448 euros. Les intérêts qui ont couru sur cette somme à compter du 3 août 2007 et les intérêts capitalisés à compter du 3 août 2008, puis à chaque échéance annuelle, représentent, au

2 juillet 2015, la somme de 93 512,40 euros. Après compensation, le 3 juillet 2015, de sa créance de 170 700 euros avec sa dette de 793 448 euros, la somme en capital due par la commune est ramenée à 622 748 euros. Cette nouvelle somme porte également intérêts, les intérêts étant eux-mêmes capitalisés. Par suite, à la date du 14 juillet 2020, la commune de Sarcelles était redevable de la somme totale de 920 872,69 euros en exécution du jugement du tribunal tel que réformé par l'arrêt de la cour, soit 622 748 euros au titre de la somme due en capital, 93 512,40 euros au titre des intérêts et de la capitalisation des intérêts du 3 août 2007 au 2 juillet 2015 et 204 612,

29 euros au titre des intérêts et de leur capitalisation du 3 juillet 2015 au 14 juillet 2020. A la suite du versement de la somme de 684 184,19 euros le 14 juillet 2020, la commune était encore redevable de la somme de 236 688,50 euros. Au 22 août 2020, cette somme avait produit des intérêts d'un montant de 1 479,24 euros et la dette de la commune s'élevait, par suite, à 238 167,74 euros. Compte tenu du versement par la commune de la somme de 260 000 euros le 23 août 2020, la société Sogeres a bénéficié d'un trop-perçu de 21 832,26 euros. De cette somme, il convient toutefois de déduire la somme de 14 865,79 euros correspondant à la moitié des frais d'expertise, soit 11 481,60 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du

3 juillet 2015, date du jugement, soit 3 384,19 euros, dont la commune est redevable. Il suit de là que la société Sogeres doit restituer à la commune de Sarcelles la somme de 6 966,47 euros. En revanche, l'exécution du jugement et de l'arrêt de la Cour n'implique pas que le solde dû à la commune, qui résulte du trop-versé auquel elle s'est livrée, soit assorti des intérêts à compter du 23 septembre 2020 date à laquelle cette collectivité en a réclamé le reversement à la société Sogeres.

7. Enfin, les conclusions de la commune de Sarcelles tendant à ce que la cour prononce une astreinte à l'encontre de la société Sogeres, personne privée, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1 : La société Sogeres reversera à la commune de Sarcelles la somme de 6 966,47 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties, y compris celle tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sarcelles et à la société Sogeres.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Ablard, premier conseiller,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2021.

La rapporteure,

J. D...La présidente,

C. SIGNERIN-ICRE

La greffière,

V. BRIDETLa République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière

2

N° 20VE02956


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5eme chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02956
Date de la décision : 09/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Execution decision justice adm

Analyses

54-06-07 Procédure. Jugements. Exécution des jugements.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Jeanne SAUVAGEOT
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : CABINET SEBAN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-06-09;20ve02956 ?
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