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09/06/2021 | FRANCE | N°18VE03249

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5eme chambre, 09 juin 2021, 18VE03249


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " Résidence Le Garibaldien ", M. et Mme J... A... et M. F..., propriétaires dans cette résidence, ont demandé au tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de se déclarer incompétent pour connaître du litige qui les oppose à la commune de Saint-Ouen, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Saint-Ouen ou, à défaut, la société Marchés Publics J. Cordonnier à verser, d'une part, aux époux J... A... et à M. F..., respectivement, l

es sommes de

203 241 euros et de 47 075,46 euros, en réparation de leur préjudi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " Résidence Le Garibaldien ", M. et Mme J... A... et M. F..., propriétaires dans cette résidence, ont demandé au tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de se déclarer incompétent pour connaître du litige qui les oppose à la commune de Saint-Ouen, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Saint-Ouen ou, à défaut, la société Marchés Publics J. Cordonnier à verser, d'une part, aux époux J... A... et à M. F..., respectivement, les sommes de

203 241 euros et de 47 075,46 euros, en réparation de leur préjudice anormal et spécial résultant des travaux réalisés en 2008 sur le marché couvert Ottino, avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable, d'autre part, au syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " Résidence Le Garibaldien " les sommes de 545 000 euros en réparation de son préjudice immatériel, de 7 702,24 euros au titre des frais d'architecte conseil, de 1 950,98 euros au titre des opérations d'expertise, de 2 302 euros pour le paiement des honoraires de syndic non compris dans le forfait relatif à l'assistance aux opérations d'expertise et de 40 000 euros au titre du préjudice moral, d'enjoindre à la commune de Saint-Ouen ou, à défaut, à la société Marchés Publics J. Cordonnier, de faire cesser les désordres créés par le marché couvert Ottino et subis par les époux J... A..., M. F... et le SDC de la résidence " le Garibaldien " et d'effectuer les travaux nécessaires à l'extinction des préjudices des intéressés et de mettre à la charge de la commune de Saint-Ouen la somme de 40 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1507997 du 19 juillet 2018, le tribunal administratif de Montreuil a condamné la commune de Saint-Ouen à verser la somme de 35 000 euros aux époux A... et la somme de 25 000 euros à M. F..., a mis à la charge de la commune de Saint-Ouen la somme de 2 000 euros à verser ensemble au syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " Résidence Le Garibaldien ", aux époux A... et à M. F... au titre de l'article L. 716-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés respectivement le 19 septembre 2018, le 8 février 2019, le 7 mai 2019 et le 13 mai 2019, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " Résidence Le Garibaldien ", représenté par Me C..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de déclarer la juridiction administrative incompétente pour statuer sur le litige au profit de la juridiction judiciaire ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la commune de Saint-Ouen, sinon la société Marchés publics J. Cordonnier, de procéder à la déconstruction de la sur-toiture du marché couvert Ottino-Vaillant et de remettre l'ouvrage dans son état d'origine ;

4°) de condamner la commune de Saint-Ouen, sinon la société Marchés publics

J. Cordonnier, à lui verser la somme de 545 000 euros au titre du préjudice immatériel, la somme de 7 702,24 euros au titre des frais d'architecte conseil, la somme de 2 302 euros au titre des honoraires de syndic non compris dans le forfait et la somme de 40 000 euros au titre des dommages et intérêts pour le préjudice subi ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Ouen la somme de 40 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, la juridiction administrative est incompétente ; la commune de Saint-Ouen a cédé une partie de son domaine privé au groupe Lenchener comme le précise l'article 5 de la convention d'aménagement du 26 avril 1973 ; le marché couvert fait partie intégrante de l'ensemble immobilier qui a été placé sous le statut de la copropriété le 6 mai 1974 ; par un acte notarié du 27 novembre 1978, la commune de Saint-Ouen a acquis auprès de la SCI Le Garibaldien 3 lots de copropriété situés dans le bâtiment X, dont le lot n° 632 correspondant au marché couvert et à une petite aire de stationnement située au rez-de-chaussée ; la commune de Saint-Ouen a ainsi la qualité de copropriétaire et se comporte comme tel depuis toujours ; la copropriété fait obstacle à la domanialité publique ; la théorie de la domanialité publique virtuelle n'est pas applicable à un lot compris dans une copropriété ; la cour d'appel de Paris a jugé dans un arrêt du 8 avril 2009, confirmé par la cour de cassation le 11 mai 2010, que la juridiction judiciaire était compétente pour connaître du litige opposant les époux H..., propriétaires du lot n° 69 situé au 1er étage du bâtiment C de l'immeuble, à la commune de Saint-Ouen ; la cour d'appel de Paris s'est à nouveau reconnue compétente dans un arrêt du 24 février 2016 ; les décisions de la cour d'appel de Paris ont autorité de chose jugée dès lors que les trois conditions posées par l'article 1351 du code civil sont remplies ;

- à titre subsidiaire, le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a retenu que la responsabilité de la commune était engagée du fait du trouble anormal et spécial causé par l'ouvrage public ; l'exposant est tiers à l'ouvrage public et bénéficie donc d'un régime de responsabilité sans faute ;

- la responsabilité de la commune est également engagée du fait de la violation du règlement de copropriété et de l'atteinte portée aux parties communes ;

- la commune doit répondre des dommages du fait de l'insolvabilité du concessionnaire, la société Marchés public J. Cordonnier, placée sous sauvegarde judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Créteil du 5 novembre 2014 ;

- il subit des troubles anomaux et spéciaux ; la nouvelle toiture mise en place au-dessus des coques d'origine entraîne une surélévation du bâtiment de plus d'un mètre, ce qui affecte la vue et la luminosité de plusieurs appartements ; durant les périodes estivales, une réverbération importante renvoie la lumière vers les appartements avoisinants et entraîne une surélévation nette de la température ; le nouveau système de recueillement des eaux pluviales déverse la quasi-totalité de ces eaux sur la terrasse ; le système d'évacuation de la terrasse n'a pas été modifié et des marécages se forment sur la terrasse ; la prolongation de la dalle du bâtiment X et sa liaison à la structure du bâtiment C4 provoque une transmission des bruits solidiens vers les deux immeubles ; des éléments d'aération volumineux et inesthétiques ont été installés en façade créant des nuisances olfactives et aggravant les nuisances phoniques ; une trémie a été percée pour réaliser un monte-charge qui n'a finalement pas été mis en place mais les trous n'ont pas été rebouchés ; il subit une perte d'ensoleillement et de vue qui excède selon l'expert les inconvénients normaux de voisinage ; les nuisances olfactives et phoniques ont été soulignées par l'expert ; dès lors que ces nuisances sont subies par l'ensemble des copropriétaires ou affectent les parties communes, il est fondé à en solliciter réparation ;

- la responsabilité de la commune est également engagée du fait de la défaillance de son maire dans le recours aux pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; la mairie, alertée sur l'existence de ces nuisances depuis la fin de l'année 2008 et présente aux opérations d'expertise en 2009, n'a entrepris aucune démarche pour y mettre fin ;

- il est fondé à demander qu'il soit enjoint à la commune de procéder aux travaux nécessaires à la réfection des lieux et des installations ; ces travaux passent par la déconstruction de la sur-toiture du marché, la remise de l'installation dans son état d'origine avec suppression des dispositifs d'écoulement des eaux pluviales, le repositionnement des gaines d'extraction d'air vicié dans le volume de la halle, la suppression des tabourets d'aération positionnés sur la terrasse face au bâtiment de la résidence ainsi que la mise en place de pièces à son, le nettoyage et la remise en l'état d'origine de la terrasse gravillonnée située au pourtour de la résidence " Le Garibaldien ", la remise en état initial de la dalle visant à supprimer toutes les transmissions solidiennes, l'isolement des étals, des billots, des appareils bruyants par rapport au sol et aux murs afin de supprimer toutes les transmissions solidiennes, le rebouchage de la trémie entre le rez-de-chaussée, le 1er sous-sol et la remise des dalles concernées en leur état d'origine y compris leur nettoyage ;

- l'ensemble des propriétaires subit un préjudice de jouissance du fait des nuisances sonores qui peut être évalué à la somme de 545 000 euros, soit 5 000 euros sur 109 mois ; il est également fondé à demander la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi par les copropriétaires victimes de ces nuisances ; il a exposé des frais auprès de la société A11, société d'architecture, qui l'a aidé à définir et à chiffrer les travaux de remise en état des parties communes pour un montant total de 7 702,24 euros ; dans le cadre de l'expertise, il a sollicité l'intervention de la société BATEI afin que cette dernière procède à des investigations pour un coût de 1 950,98 euros ; il a enfin exposé des frais relatifs à l'assistance de son ancien syndic, le cabinet GIEP, pour des missions d'assistance aux réunions d'expertise pour un montant total de 2 302 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 janvier 2019 et le 15 décembre 2020, la société Batiplus, représentée par Me Tirel, avocat, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il l'a mise hors de cause ;

2°) de rejeter toute demande qui serait dirigée à son encontre ;

3°) de condamner in solidum la société Satoba Ingénierie, la société Marchés publics

J. Cordonnier et la société Trusgnach à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a retenu la seule responsabilité de la commune et le syndicat des copropriétaires ne formule aucune conclusion à son encontre ;

- sa responsabilité ne saurait être engagée ; en qualité de contrôleur technique, elle n'assume aucune prérogative de conception et de suivi des travaux, ni de réalisation de l'ouvrage ; le contrôleur technique ne peut que donner des avis et n'a aucun pouvoir pour s'assurer que ses avis seront suivis d'effet ; si sa responsabilité était engagée, elle ne saurait excéder les 7,14% retenus par l'expert.

Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement le 11 janvier 2019 et 28 août 2019, la société Trusgnach, représentée par Me Reibell, avocat, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement attaqué et de déclarer la juridiction administrative incompétente pour statuer sur le litige ;

2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il l'a mise hors de cause ;

3°) dans l'hypothèse où sa responsabilité serait retenue, de retenir une part de responsabilité qui ne saurait excéder 20% ;

4°) de condamner in solidum la société Satoba, Batiplus et Marchés publics

J. Cordonnier à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

5°) de rejeter les demandes indemnitaires du syndicat de copropriétaires " Résidence Le Garibaldien " ou, à tout le moins, de les ramener à de plus justes proportions ;

6°) de mettre à la charge in solidum de la société Marchés publics J. Cordonnier et de tout autre succombant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu la compétence de la juridiction administrative pour connaître du litige ; le marché Ottino appartient à la copropriété " Le Garibaldien " ; la domanialité publique est incompatible avec le statut de la copropriété ;

- l'appel en garantie de la société Marchés publics J. Cordonnier devra être rejeté ; la responsabilité de la commune est engagée pour avoir effectué les travaux sans aucune autorisation ; l'expert a retenu la responsabilité des constructeurs ; elle ne saurait, le cas échéant, être concernée que par les dommages causés par les bruits solidiens ; or, le syndicat des copropriétaires n'a pas qualité pour solliciter l'indemnisation de nuisances subis par certains propriétaires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2019, la commune de Saint-Ouen, représentée par Me D..., avocat, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de ramener le montant de l'indemnisation à de plus justes proportions ;

3°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " Résidence Le Garibaldien " la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est compétente ; elle avait prévu, avant même le début de l'opération d'aménagement, d'affecter les parcelles concernées au service public constitué par le marché couvert ; aux termes de l'article 9 de la convention conclue le 24 avril 1973 avec le groupe Lenchener pour l'aménagement et l'équipement de la zone d'aménagement concerté, elle a pris en charge la réalisation du marché couvert et son sous-sol en remplacement de l'ancien marché ; l'affectation à un service public a toujours été certaine ; le marché, construit sous sa maîtrise d'ouvrage, a été intégré au domaine public communal dès sa création ; l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis qui a créé la ZAC fait état de de la réalisation d'un marché public moderne ; si l'article 5 de la convention d'aménagement précise que la commune s'engage à céder 8 302 m² de son domaine privé, l'article 6 alinéa 4 de cette même convention précise que la commune pourra exclure de la cession les terrains destinés à recevoir les équipements publics pour lesquels la maîtrise d'ouvrage lui appartient et le 6 juillet 1973, la commune n'a vendu que 5 601 m² ; lorsque le règlement de copropriété a été établi en intégrant le marché en tant que lot n° 632 appartenant à la commune, le marché était déjà protégé par les règles de la domanialité publique, antérieurement à la copropriété ; les halles Ottino ont été spécialement construites et aménagées pour l'exploitation d'un service public ;

- les décisions des juridictions judiciaires citées par le syndicat des copropriétaires n'ont pas autorité de chose jugée dès lors que la condition d'identité des parties n'est pas remplie ;

- elle n'était pas tenue de solliciter l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires pour la réalisation de la sur-toiture et n'a donc commis aucune faute en s'abstenant de le faire ; le syndicat des copropriétaires ne saurait invoquer une méconnaissance du règlement de copropriété qu'il a lui-même méconnu dès lors qu'une nouvelle assemblée générale aurait dû être convoquée à la suite de la séance du 3 avril 2009 ;

- elle n'a pas commis de faute dans la mise en oeuvre de ses pouvoirs de police ; ce fondement de responsabilité n'était pas invoqué par le requérant dans sa demande préalable et le syndicat n'est donc pas recevable à le soulever au contentieux ; en tout état de cause, sa responsabilité n'est pas engagée à ce titre ; elle a participé aux opérations d'expertise et a rencontré les représentants de la copropriété ; elle a entrepris les démarches nécessaires afin d'atténuer l'impact sonore du marché en éloignant les commerces dont l'activité est la plus bruyante ; la solution préconisée par le requérant consistant en la dépose de la toiture ne serait pas soutenable financièrement pour la ville ;

- les préjudices découlant des nuisances sonores ne sont pas établis ; les études acoustiques réalisées par l'expert ne comprennent pas de mesures réalisées avant les travaux qui auraient permis d'établir l'aggravation de la perception sonore de l'activité du marché ; les études ont été menées dans les seuls appartements des époux H..., des époux A... et de M. F... et le syndicat des copropriétaires n'apporte donc pas la preuve que d'autres propriétaires subiraient des nuisances ; le maire de la commune a entrepris des démarches pour diminuer l'impact sonore du marché, notamment la suppression du matériel générant des vibrations sur les murs ou son installation sur une dalle anti-vibration ; aucune nouvelle plainte des riverains n'a été reçue depuis lors ;

- le préjudice de jouissance n'est pas établi ; l'expert n'a retenu de trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage avec perte d'ensoleillement et de vie uniquement pour l'appartement des époux H... situé au 1er étage ;

- la demande de démolition devra être rejetée ; les hypothèses de démolition sont restreintes au cas d'extinction du droit de propriété et non plus à la simple atteinte au droit de propriété et l'extinction du droit de propriété doit être définitive ; la démolition entraînerait des conséquences financières excessives pour la commune.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 mars 2019 et le 10 décembre 2020, la société Marchés publics J. Cordonnier, représentée par Me G..., avocat, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement attaqué en tant que le tribunal administratif s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande, de renvoyer au tribunal des conflits la question de la compétence pour trancher le litige et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal des conflits ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner solidairement la commune de Saint-Ouen et les sociétés SATOBA Ingénierie, Trusgnach et Batiplus à la garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " Résidence Le Garibaldien " la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente dès lors que le marché couvert Ottino n'appartient pas au domaine public de la commune ; le marché couvert n'a pas été incorporé, même virtuellement, au domaine public par la délibération du conseil municipal du

20 juin 1970 dont les termes ne permettent pas de considérer qu'elle constitue une décision de la commune de créer un marché public couvert et d'affecter ce même marché à un service public ; à supposer que ce soit le cas, le marché serait sorti du domaine public le 6 juillet 1973 à la suite de la cession du terrain d'assiette du marché à l'aménageur de la ZAC, la société Lenchener, et en tout état de cause, au plus tard, le 6 mai 1976 lorsque ce terrain a été soumis au statut de la copropriété ; un bien soumis au statut de la copropriété ne peut appartenir au domaine public ; les parcelles cadastrées section Z n° 99 et 100, cédées par la commune au groupe Lenchener et qui constituaient le terrain d'assiette du marché, ont été réunies avec celles cadastrées section Z

n° 96 en vue de constituer une parcelle unique cadastrée section Z n° 131 le 15 janvier 1974 ; la parcelle 131 a été divisée en 5 parcelles cadastrées section Z n° 132 à 135 le 15 janvier 1974 ; les parcelles 134 et 136, comprenant le marché, acquises par le groupe Lenchener ont été vendues, avec d'autres, à la SCI Le Garibaldien le 8 février 1974 ; le règlement de copropriété, établi

le 6 mai 1974, a divisé l'ensemble immobilier en 632 lots de copropriété et la commune a acquis le lot 632 le 27 novembre 1978 ; ce lot est incompatible avec les règles de la domanialité publique notamment parce que le sol du marché est une partie commune du syndicat des copropriétaires de la " Résidence Le Garibaldien " ; la juridiction administrative est incompétente dès lors que le marché couvert n'a pas la qualité d'ouvrage public ; un immeuble soumis au régime de la copropriété ne peut être regardé comme constituant un ouvrage public ;

- la juridiction judiciaire s'étant déclarée incompétente pour connaître du litige, le tribunal des conflits devra être saisi en application de l'article 32 du décret n° 2015-233 du

27 février 2005 ;

- elle a été placée sous sauvegarde judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Créteil du 5 novembre 2014 pour une durée de six mois, prolongée par un jugement du

22 avril 2015 pour une nouvelle durée de six mois ; par un jugement du 4 novembre 2015, le tribunal de commerce de Créteil a arrêté le plan de sauvegarde d'une durée de 96 mois jusqu'au mois de novembre 2023 ; le syndicat des copropriétaires n'a pas déclaré la créance dont il réclame le paiement dans la présente instance ;

- la demande de démolition ne pourrait être accueillie ; l'intérêt général impose de conserver la sur-toiture alors même qu'elle a été construite sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ;

- la demande du syndicat des copropriétaires tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune ou à elle-même de procéder à divers travaux ne pourrait être accueillie dès lors que de tels travaux nécessitent une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ;

- les demandes indemnitaires ne sont pas fondées ; alors que le syndicat a pour objet la conservation et l'administration des parties communes, il sollicite réparation de nuisances sonores, olfactives et visuelles qui troubleraient la jouissance des parties privatives des copropriétaires ; il appartient à ces mêmes propriétaires de formuler une demande indemnitaire pour la réparation de ces dommages ;

- l'expert a conclu, dans son rapport du 22 octobre 2013, que la responsabilité encourue du fait des nuisances sonores constitutives de troubles de jouissance était majeure pour les sociétés Satoba et Trusgnach et mineure pour la société Batiplus ; l'expert n'a retenu sa responsabilité qu'au titre du préjudice " immatériel " du syndicat ; elle est donc fondée à demander à être garantie par les autres constructeurs.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;

- le décret n°67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- les observations de Me C... pour le syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " Résidence le Garibaldien ", celles de Me E..., substituant Me D..., celles pour la commune de Saint-Ouen, celles de Me G... pour la société Marchés Publics J. Cordonnier et celles de Me B... pour la société Trusgnach.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " Résidence le Garibaldien ",

M. et Mme A... et M. F..., propriétaires de lots au sein de cet ensemble immobilier, ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner la commune de Saint-Ouen à les indemniser des préjudices subis du fait des travaux de rénovation réalisés sur le marché couvert Ottino au cours de l'année 2008 et de lui enjoindre de réaliser les travaux de nature à faire cesser les désordres. Par un jugement du 19 juillet 2018, le tribunal administratif de Montreuil a condamné la commune de Saint-Ouen à verser la somme de 35 000 euros aux époux A..., la somme de 25 000 euros à M. F... et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " Résidence le Garibaldien " relève appel de ce jugement et demande à la cour, à titre principal, de déclarer la juridiction administrative incompétente pour statuer sur le litige au profit de la juridiction judiciaire et, à titre subsidiaire, d'enjoindre à la commune de Saint-Ouen, sinon à son délégataire la société Marchés publics

J. Cordonnier, de procéder à la déconstruction de la sur-toiture du marché couvert Ottino, de remettre l'ouvrage dans son état d'origine et de condamner la commune de Saint-Ouen, sinon son délégataire, à lui verser la somme totale de 595 004,24 euros en réparation de ses préjudices.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. D'une part, avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, l'appartenance d'un bien au domaine public était, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné. Le fait de prévoir de façon certaine un tel aménagement du bien concerné impliquait que celui-ci était soumis, dès ce moment, aux principes de la domanialité publique.

3. D'autre part, les règles essentielles du régime de la copropriété, telles qu'elles sont fixées par la loi du 10 juillet 1965, sont incompatibles tant avec le régime de la domanialité publique qu'avec les caractères des ouvrages publics. Par suite, des locaux acquis par une personne publique, fût-ce pour les besoins d'un service public, dans un immeuble soumis au régime de la copropriété, n'appartiennent pas au domaine public et ne peuvent être regardés comme constituant un ouvrage public. Les dommages qui trouveraient leur source dans l'aménagement ou l'entretien de ces locaux ne sont donc pas des dommages de travaux publics.

4. Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " Résidence Le Garibaldien " soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a écarté l'exception qu'il avait soulevée et tirée de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître du litige dès lors que ce dernier porte sur un dommage causé par le marché couvert qui constitue le lot n° 632 de la copropriété " la Résidence Le Garibaldien " créée en 1974, que l'appartenance du marché à un régime de copropriété privée fait obstacle à l'application du régime de la domanialité publique et que la juridiction judiciaire est seule compétente pour connaître de l'application de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

5. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'il a toujours été dans l'intention de la commune de Saint-Ouen d'affecter la parcelle concernée à l'édification et l'exploitation d'un marché couvert d'alimentation municipal. Par une délibération du 29 juin 1970, le conseil municipal de Saint-Ouen a en effet pris la décision de demander au préfet de la Seine-Saint-Denis de créer une zone d'aménagement concertée (ZAC) " en vue de réaliser la rénovation de l'îlot délimité par les rues Charles Schmidt, Ottino, l'avenue Gabriel Péri et la rue Edouard Vaillant, d'une superficie de 14.277 m² permettant la construction de 472 logements,

des équipements publics suivants : marché couvert, crèche, Maison de la femme, maison de jeunes, l'élargissement à 15 mètres de la rue Edouard Vaillant, ainsi que l'aménagement des surfaces commerciales ". L'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 29 janvier 1971, qui a créé la ZAC, précise que l'objectif de l'opération est la construction " d'un groupe de logements et d'équipements publics " et le projet a été déclaré d'utilité publique par un arrêté du 14 octobre 1971. En outre, l'article 9 de la convention d'aménagement conclue le 26 avril 1973 entre la commune de Saint-Ouen, désignée sous " P ", et le groupe Lenchener, désigné sous " C ", indique que " P. prend à sa charge la réalisation : b) Des équipements de superstructure dont la liste est donnée en annexe V. ", l'annexe V prévoyant notamment " un marché couvert et son sous-sol " et l'article 20 stipule que " (...) C. ne réalise lui-même aucun équipement public (...) ". L'ensemble de ces éléments révèle qu'il était prévu d'affecter de manière certaine la parcelle en cause et le bien immobilier à y édifier au service public des halles et marchés et cela dès l'origine du projet d'aménagement et donc antérieurement à la cession de la parcelle à l'aménageur et à la création de la copropriété. Le marché couvert Ottino fait, par suite, partie du domaine public communal. Dans ces conditions, la circonstance que postérieurement, la commune de Saint-Ouen, qui avait cédé la parcelle au groupe Lenchener, l'ait rachetée par un acte notarié du 27 novembre 1978 auprès de la SCI " Le Garibaldien " sous le statut d'un lot de copropriété régi par les dispositions de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis n'est pas de nature à soustraire la parcelle en cause et l'ouvrage qui y a été édifié au domaine public dont ils faisaient partie antérieurement à la création de la copropriété. Il en va de même de la circonstance que la commune se serait comportée comme un copropriétaire. Il suit de là que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " La Résidence Le Garibaldien " n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté l'exception qu'il avait soulevée et tirée de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître du litige.

6. Enfin, l'article 1355 du code civil dispose que : " L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ".

7. En l'absence d'identité des parties, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " Résidence Le Garibaldien " n'est pas fondé à opposer l'autorité de chose jugée attachée aux décisions rendues par les juridictions judiciaires dans un litige opposant des copropriétaires, qui ne sont pas parties au présent litige, à la commune de Saint-Ouen pour des dommages ayant une cause similaire.

Au fond :

En ce qui concerne la responsabilité :

S'agissant de la responsabilité pour faute résultant d'une violation du règlement de copropriété :

8. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le marché couvert Ottino n'est pas soumis au régime de la copropriété. Par suite, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " La Résidence Le Garibaldien " n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la commune de Saint-Ouen pour méconnaissance du règlement de copropriété de cet immeuble.

S'agissant de la responsabilité sans faute au titre du dommage de travaux publics :

9. En premier lieu, en cas de délégation limitée à la seule exploitation d'un ouvrage, comme c'est le cas en matière d'affermage, si la responsabilité des dommages imputables au fonctionnement de l'ouvrage relève du délégataire, sauf stipulations contractuelles contraires, celle résultant de dommages imputables à son existence, à sa nature et à son dimensionnement appartient à la personne publique délégante. Ce n'est qu'en cas de concession d'un ouvrage public, c'est-à-dire de délégation de sa construction et de son fonctionnement, que peut être recherchée par les tiers la seule responsabilité du concessionnaire, sauf insolvabilité de ce dernier, en cas de dommages imputables à l'existence ou au fonctionnement de cet ouvrage.

10. En l'espèce, la commune de Saint-Ouen, qui avait concédé la réhabilitation et l'exploitation du marché couvert Ottino à société Marchés publics J. Cordonnier, ne conteste pas que cette société, qui fait l'objet d'une procédure de sauvegarde judiciaire, est insolvable, ainsi que le tribunal administratif l'a jugé. Dans ces conditions, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " Résidence Le Garibaldien " est fondé à rechercher la responsabilité de la commune de Saint-Ouen en tant qu'autorité concédante.

11. En second lieu, le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.

12. D'une part, le syndicat des copropriétaires soutient qu'il subit un préjudice grave et spécial en raison de la perte d'ensoleillement et des nuisances acoustiques accrues résultant des modifications apportées au marché couvert Ottino et, en particulier, par la nouvelle sur-toiture de ce marché. Toutefois, il résulte du rapport d'expertise que l'expert n'a retenu l'existence de préjudices d'une telle nature, et notamment des nuisances sonores excédant les seuils réglementaires, qu'au sein des appartements des époux A..., des époux H... et de

M. F.... Ainsi, il n'est pas établi que ces troubles affecteraient l'ensemble de l'immeuble. Par ailleurs, le syndicat des copropriétaires ne démontre pas l'existence d'un préjudice propre subi par les parties communes de la résidence du fait des mêmes désordres. Dans ces conditions, ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Saint-Ouen à l'indemniser des préjudices qu'il subirait du fait de ces dommages permanents provenant du marché couvert Ottino ne peuvent qu'être rejetées.

13. D'autre part, le syndicat des copropriétaires soutient qu'il subit un préjudice grave et spécial en raison de troubles de jouissance et, en particulier, de nuisances olfactives provenant de l'écoulement d'eaux pluviales depuis la toiture du marché sur une terrasse de l'immeuble.

A cet égard, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le dispositif de recueillement des eaux pluviales de la toiture originelle de la halle du marché Ottino a été radicalement modifié à la suite des travaux de rénovation réalisés par la société Marchés publics J. Cordonnier en 2008 avec pour conséquence le rejet des eaux pluviales sur le toit terrasse de la " Résidence Le Garibaldien " donnant naissance, ainsi qu'il résulte notamment des photographies produites par le requérant, à des marres d'eau stagnante qui rendent la terrasse inutilisable. La commune ne conteste ni la réalité de ce dommage, ni son lien avec les travaux réalisés sur le marché couvert par son concessionnaire, ni la circonstance qu'il affecte une partie commune de la copropriété de la " Résidence Le Garibaldien ". Ce dommage, qui n'est pas lié à l'existence même, ni au fonctionnement ou à l'entretien normal du marché couvert, ne présente pas le caractère d'un dommage permanent de travaux publics mais revêt un caractère accidentel. Dans ces conditions, ce dommage, qui affecte une partie commune de l'immeuble et pour lequel le requérant n'est pas tenu de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'il subit, est de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Ouen à l'égard du syndicat des copropriétaires. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires en l'évaluant à la somme de 10 000 euros.

14. En revanche, le syndicat des copropriétaires n'est pas fondé à solliciter la somme de 40 000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice moral qu'auraient subi les copropriétaires victimes des nuisances causées par le marché couvert.

15. Le syndicat requérant n'est pas davantage fondé à solliciter la somme de

7 702,24 euros au titre des frais d'intervention d'un cabinet d'architectes en dehors de toute demande expresse de l'expert et dont le caractère utile pour la résolution du litige n'est pas établi.

16. Enfin, le syndicat requérant fait valoir qu'il a exposé la somme de 2 302 euros au titre de frais facturés par l'ancien syndicat pour sa mission d'assistance aux réunions d'expertise, préjudice qui a été retenu par l'expert. Le caractère utile de la participation de l'ancien syndicat aux opérations d'expertise l'expertise n'étant pas contesté, il y a lieu de condamner la commune de Saint-Ouen à verser, à ce titre, la somme de 2 302 euros au syndicat des copropriétaires.

S'agissant de la responsabilité pour faute dans l'exercice des pouvoirs de police :

17. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. (...) ".

18. Le syndicat des copropriétaires soutient que la responsabilité de la commune est engagée à raison d'une carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police. Toutefois, contrairement à ce qu'allègue le requérant, il ne résulte pas de l'instruction que les nuisances dont il fait état porteraient une atteinte grave à la tranquillité publique. En tout état de cause, s'agissant des nuisances sonores, il résulte de l'instruction que la commune de Saint-Ouen a pris des mesures afin d'atténuer l'impact sonore du marché, notamment en éloignant de l'immeuble " Le Garibaldien " les commerces dont l'activité est la plus bruyante et en supprimant le matériel générant des vibrations sur les murs ou en le plaçant sur une dalle anti-vibration. Par suite, le syndicat des copropriétaires n'est pas fondé à soutenir que la commune de Saint-Ouen aurait commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police et que sa responsabilité serait engagée sur ce fondement.

En ce qui concerne les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Saint-Ouen de procéder à divers travaux :

19. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.

20. Pour la mise en oeuvre des pouvoirs décrits ci-dessus, il appartient au juge, saisi de conclusions tendant à ce que la responsabilité de la personne publique soit engagée, de se prononcer sur les modalités de la réparation du dommage, au nombre desquelles figure le prononcé d'injonctions, dans les conditions définies au point précédent, alors même que le requérant demanderait seulement l'annulation du refus de la personne publique de mettre fin au dommage, assortie de conclusions aux fins d'injonction à prendre de telles mesures. Dans ce cas, il doit regarder ce refus de la personne publique comme ayant pour seul effet de lier le contentieux.

21. En l'espèce, il résulte de ce qui a été dit au point 13 que la responsabilité de la commune de de Saint-Ouen n'est engagée à l'égard du requérant qu'à raison des dommages affectant la terrasse de l'immeuble " La Résidence Le Garibaldien " du fait du déversement des eaux pluviales à partir de la nouvelle sur-toiture du marché couvert. La commune n'établit, ni même n'allègue, que des mesures auraient été prises pour faire cesser ce désordre dont elle a connaissance au moins depuis les opérations d'expertise. La persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux mais dans un défaut affectant l'ouvrage. Si la commune soutient que le coût des mesures à prendre atteindrait un montant de 1 499 253 euros et serait, par suite, disproportionné, cette somme correspond toutefois au coût de la dépose complète de la sur-toiture alors que rien ne permet d'établir que seule la dépose complète permettrait de mettre fin à l'écoulement des eaux pluviales sur la terrasse. Dans ces conditions, il y a lieu d'enjoindre à la commune de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser l'écoulement des eaux pluviales depuis le toit du marché couvert sur la terrasse de l'immeuble " La Résidence Le Garibaldien ".

22. En revanche, la responsabilité de la commune n'étant pas engagée à raison des autres dommages invoqués par le requérant, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la collectivité, d'une part, d'ordonner la déconstruction de l'ouvrage et la remise en état du marché couvert et de sa toiture dans son état initial, d'autre part, de procéder à la remise en état initial de la dalle et à l'isolement des étals, des billots, des appareils bruyants par rapport au sol et aux murs, afin de supprimer toutes les transmissions solidiennes, ne peuvent qu'être rejetées. Au demeurant, sur ce dernier point, il résulte en tout état de cause de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 18, que la commune de Saint-Ouen a pris des mesures afin d'atténuer l'impact sonore du marché, les commerces dont l'activité est la plus bruyante ayant été éloignés et le matériel générant des vibrations sur les murs supprimé ou placé sur une dalle anti-vibration et qu'aucune nouvelle plainte des riverains du marché n'a été reçue depuis lors.

Sur les conclusions de la société Trusgnach et de la société Marchés publics J. Cordonnier tendant à l'annulation du jugement :

23. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que les conclusions de la société Trusgnach tendant à ce que la cour annule le jugement attaqué et déclare la juridiction administrative incompétente pour statuer sur le litige, et les conclusions de la société Marchés publics

J. Cordonnier tendant à ce que la cour annule le jugement et renvoie au Tribunal des conflits la question de savoir si le litige relève ou non de la compétence de la juridiction administrative, en l'absence de toute difficulté sérieuse, ne peuvent qu'être rejetées sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité.

Sur les frais liés à l'instance :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " Résidence Le Garibaldien ", qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent la commune de Saint-Ouen et la société Marchés Publics J. Cordonnier au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Ouen le versement au syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " Résidence Le Garibaldien " d'une somme de 2 000 euros au titre des mêmes dispositions. Enfin, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les sociétés Batiplus et Trusgnach au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de Saint-Ouen est condamnée à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " Résidence Le Garibaldien " la somme de 12 302 euros.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Saint-Ouen de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser l'écoulement des eaux pluviales depuis le toit du marché couvert sur la terrasse de l'immeuble " La Résidence Le Garibaldien ".

Article 3 : Le jugement n° 1507997 du 19 juillet 2018 du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Saint-Ouen versera au syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " Résidence Le Garibaldien " la somme de 2 000 en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties, y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des copropriétaires de l'immeuble dit " Résidence Le Garibaldien ", à la commune de Saint-Ouen-sur-Seine, à la société Marchés publics Cordonnier, à la société Satoba ingénierie, à la société Trusgnach et à la société Batiplus.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Ablard, premier conseiller,

Mme I..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2021.

La rapporteure,

J. I...La présidente,

C. SIGNERIN-ICRE

La greffière,

V. BRIDETLa République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 18VE03249


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