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25/05/2021 | FRANCE | N°20VE00188,20VE01414

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 25 mai 2021, 20VE00188,20VE01414


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Par une demande enregistrée sous le n° 1900371, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1900371 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision implicite de refus de séjour opposée à Mme A..., enjoint au préfet de l'Essonne ou au préfet territorialement compétent de réexaminer sa s

ituation dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et de la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Par une demande enregistrée sous le n° 1900371, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1900371 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision implicite de refus de séjour opposée à Mme A..., enjoint au préfet de l'Essonne ou au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et de la munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour.

II. Par une demande enregistrée sous le n° 1907605, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer l'annulation de l'arrêté du 23 septembre 2019 par lequel le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 1907605 du 25 mai 2020, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 23 septembre 2019 et enjoint au préfet de l'Essonne ou au préfet territorialement compétent de délivrer à Mme A... une carte temporaire de séjour portant la mention " salarié " dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2020, sous le n° 20VE00188, le préfet de l'Essonne demande à la cour d'annuler le jugement n° 1900371 rendu par le tribunal administratif de Versailles le 20 décembre 2019 et de rejeter la demande de Mme A....

Le préfet de l'Essonne soutient que :

- une décision de refus de titre de séjour datée du 23 septembre 2019 a été notifiée à Mme A... le 25 septembre 2019, soit antérieurement au jugement attaqué, fondé sur la non-communication dans les délais des motifs de la décision implicite du 10 décembre 2018, demandés par Mme A... ; la décision du 23 septembre 2019, motivée, s'étant substituée à celle du 10 décembre 2018, le tribunal ne pouvait annuler cette dernière en raison de son défaut de motivation, et ne pouvait lui enjoindre de réexaminer la situation de Mme A... ;

- les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celles de l'article L. 313-14 du même code et les stipulations des articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2020, Mme A..., représentée par Me Sourty, avocat, demande à être provisoirement admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'Etat et lui soit versée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou soit versée à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- la décision du 23 septembre 2019 a été prise par un auteur incompétent ;

- le préfet s'est fondé sur un avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France, qui aurait dû être une décision ; cet avis ne lui a pas été notifié, pas plus qu'à l'employeur qui a présenté une demande d'autorisation de travail en sa faveur ;

- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus d'autorisation de travail, qui est entachée d'incompétence de son signataire, d'un vice de procédure en ce que le préfet ne l'a pas invitée à compléter son dossier, d'erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de fait dès lors que son employeur a bien répondu le 20 septembre 2018 à la demande de pièces complémentaires du 18 septembre 2018 ;

- le préfet s'est cru, à tort, lié par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est signée par une personne ne disposant pas d'une délégation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle doit être annulée par la voie de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle doit être annulée eu égard à son état de santé.

Par une ordonnance en date du 18 mars 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 12 avril 2021, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 décembre 2020.

II. Par une requête, enregistrée le 23 juin 2020, sous le n° 20VE01414, le préfet de l'Essonne demande à la cour d'annuler le jugement n° 1907605 rendu par le tribunal administratif de Versailles le 25 mai 2020 et de rejeter la demande de Mme A....

Le préfet de l'Essonne soutient que :

- son arrêté du 23 septembre 2019 fait une exacte application des dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail ;

- cet arrêté a été pris par une autorité compétente pour ce faire ;

- il est suffisamment motivé ;

- il ne méconnaît pas les stipulations des articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 20VE00188 et n° 20VE01414 présentées par le préfet de l'Essonne concernent la situation de Mme A... au regard du droit au séjour et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".

3. Mme A... ayant obtenu l'aide juridictionnelle totale dans l'instance n° 20VE00188, par décision du 29 décembre 2020, sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.

Sur le bien-fondé des jugements attaqués :

4. Mme A..., ressortissante ivoirienne née en 1992, et entrée en France en 2012 pour y suivre des études, a bénéficié de titres de séjour en qualité d'étudiante de 2012 à 2017 puis d'une autorisation provisoire de séjour mention " étudiante en recherche d'emploi ", du 11 septembre 2017 au 10 septembre 2018. Elle a présenté, le 15 décembre 2017, une demande de changement de statut " salariée " que le préfet de l'Essonne a rejetée par un arrêté du 17 mai 2018 retiré le 28 juin 2018. Faute de décision prise, au cours des quatre mois suivants, sur sa demande réitérée le 9 août 2018, une décision implicite de rejet est née dont Mme A... a demandé, le 13 décembre 2018, les motifs, que le préfet s'est toutefois abstenu de communiquer. Par le jugement du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a annulé ce refus implicite pour défaut de motivation et enjoint au préfet de réexaminer la situation de Mme A.... Entre-temps, sur injonction du juge des référés, le préfet a de nouveau été saisi le 24 mai 2019 de la demande de changement de statut de Mme A..., qu'il a rejetée par l'arrêté du 23 septembre 2019 annulé par le tribunal le 25 mai 2020. Les demandes d'annulation présentées en première instance par Mme A... doivent être regardées comme dirigées contre l'arrêté du 23 septembre 2019, qui s'est substitué au rejet implicite de sa demande de changement de statut. Par suite, les conclusions du préfet de l'Essonne doivent être regardées comme dirigées contre les jugements attaqués en tant qu'ils prononcent l'annulation de cet arrêté.

5. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié". (...)". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / (...) 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. " et l'article R. 5221-20 du même code précise, dans sa rédaction applicable, que : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : /1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; / (...) 5° Les conditions d'emploi et de rémunération offertes à l'étranger, qui sont comparables à celles des salariés occupant un emploi de même nature dans l'entreprise ou, à défaut, conformes aux rémunérations pratiquées sur le marché du travail pour l'emploi sollicité ; (...) ".

6. Il ressort des termes de l'arrêté du 23 septembre 2019 que, pour refuser à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", le préfet de l'Essonne s'est fondé notamment sur l'avis défavorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France (Direccte), émis le 22 février 2019, dont il s'approprie les motifs, qui précise que Mme A..., titulaire d'un master, ne remplit pas la condition d'adéquation posée par les dispositions précitées pour exercer la profession d'écoutante sociale accessible avec un diplôme CAP/BEP à Bac + 2 dans le secteur social, qu'elle pourrait prétendre à un salaire supérieur, que les données statistiques disponibles auprès de Pôle emploi pour le 3ème trimestre 2018 en Ile-de-France font apparaître, pour la profession d'écoutante sociale, 749 demandes d'emploi pour 329 offres d'emploi, de sorte que cette profession n'est pas en tension, alors qu'au demeurant, le SAMU social ne justifie pas de difficultés de recrutement pour pourvoir le poste, et enfin, que le SAMU social n'a pas actualisé le dossier de Mme A... malgré la demande qui lui a été faite en ce sens le 13 septembre 2018.

7. Toutefois, d'une part, la circonstance que la profession d'écoutante sociale soit accessible avec un diplôme CAP/BEP à Bac + 2 dans le secteur social, soit un niveau de qualification inférieur à celui atteint par l'intéressée, ne permet pas à elle seule d'établir le défaut d'adéquation entre l'emploi postulé et l'ensemble des critères énumérés au 2° de l'article R. 5221-20 cité au point 5. D'autre part, le préfet ne pouvait valablement opposer à Mme A... que la rémunération qui lui est proposée serait inférieure à celle à laquelle ses diplômes lui permettraient de prétendre, dès lors qu'il est constant que celle-ci est conforme aux rémunérations pratiquées dans l'entreprise et dans la branche pour l'emploi auquel elle postule. Il ne pouvait davantage fonder sa décision sur le défaut de justification, par le SAMU social, de difficultés de recrutement sur cet emploi, alors qu'il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que le SAMU social a reçu, outre Mme A..., vingt-six candidats qu'il a successivement écartés avant de retenir cette dernière en raison de sa formation appropriée, de son expérience dans le domaine de la grande exclusion et de sa maîtrise de plusieurs langues, notamment de langues parlées en Afrique de l'Ouest, lui permettant une prise en charge directe et efficace d'une partie du public ayant recours au " 115 ", numéro national d'assistance et d'orientation pour les personnes sans-abri, aux services duquel Mme A... a été affectée depuisl e mois de septembre 2017. Enfin, le préfet ne pouvait valablement opposer à Mme A... le défaut d'actualisation, par le SAMU social, de la demande d'autorisation de travail présentée en sa faveur, alors que Mme A... justifie suffisamment que le SAMU Social a répondu à la demande d'actualisation qui lui a été adressée le 13 septembre 2018 par un courrier du 20 septembre suivant. Il s'ensuit qu'en refusant la demande de titre de séjour mention "salarié" présentée par Mme A..., le préfet de l'Essonne a fait une inexacte application des didpositions rappelées au point 5.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Essonne n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 23 septembre 2019. Il s'ensuit que les requêtes doivent être rejetées.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de cet article.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 20VE00188 et n° 20VE01414 du préfet de l'Essonne sont rejetées.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

20VE00188 ; 20VE01414


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00188,20VE01414
Date de la décision : 25/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DORION
Rapporteur ?: Mme Manon HAMEAU
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : SOURTY

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-05-25;20ve00188.20ve01414 ?
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