Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de réformer la décision du 14 mars 2018 par laquelle l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) lui a proposé l'indemnisation des préjudices consécutifs à sa contamination par le virus de l'hépatite C, d'ordonner une expertise médicale afin de se prononcer sur l'étendue de ses préjudices, de lui allouer une provision de 100 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.
Par un jugement n° 1803639 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 août 2019 et le 14 novembre 2019, M. A..., représenté par Me Boyer, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de surseoir à statuer sur l'indemnisation des préjudices subis dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise avant-dire droit ;
3°) d'ordonner une expertise médicale confiée à un spécialiste en hépatologie aux fins d'évaluer les préjudices subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et conformément à la nomenclature Dintilhac ;
4°) à titre subsidiaire, si une expertise n'était pas ordonnée, d'ordonner la réouverture des débats ;
5°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il ne conteste pas le rejet par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de sa demande relative aux conséquences de sa contamination par le virus de l'hépatite B qui a disparu dans les résultats d'examens sérologiques réalisés à partir de 2008 ;
- l'expertise est utile ; c'est à tort que le juge a cru devoir lui imposer de rapporter une preuve impossible par une analyse médico-légale précise de ses propres préjudices, qu'il n'est pas en mesure de réaliser ; l'Office ne peut pas procéder à l'évaluation sans expertise préalable, du fait de l'évidente complexité du dossier.
- le refus de diligenter une expertise méconnait les principes fondamentaux du droit tels que le principe de réparation intégrale, le droit au procès équitable et son corollaire, le principe du contradictoire.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., né le 6 mars 1974, est atteint d'une hémophilie congénitale. Il a reçu des produits sanguins de substitution, dès l'enfance, et a été contaminé par les virus de l'immunodéficience humaine (VIH), de l'hépatite C (VHC) et de l'hépatite B (VHB). L'origine transfusionnelle de ces contaminations a été reconnue et a fait l'objet d'indemnisations par le fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles. M. A... a formulé une nouvelle demande d'indemnisation de ses contaminations au virus de l'hépatites B et au virus de l'hépatite C auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) le 25 octobre 2016. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales lui a fait une proposition d'indemnisation le 14 mars 2018. M. A..., qui a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, qu'une expertise médicale soit diligentée afin de déterminer l'étendue des préjudices imputables à sa contamination par le virus de l'hépatite C et, d'autre part, l'annulation de la proposition d'indemnisation transmise par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, relève régulièrement appel du jugement du 25 juin 2019 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à ce que soit ordonnée avant dire-droit une expertise médicale :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision ". Il ne revient au juge d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile. Le juge qui reconnaît la responsabilité de l'administration et ne met pas en doute l'existence d'un préjudice ne peut, sans méconnaître son office ni commettre une erreur de droit, rejeter les conclusions indemnitaires dont il est saisi en se bornant à relever que les modalités d'évaluation du préjudice proposées par la victime ne permettent pas d'en établir l'importance et de fixer le montant de l'indemnisation. Il lui appartient d'apprécier lui-même le montant de ce préjudice, en faisant usage, le cas échéant, de ses pouvoirs d'instruction.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 1221-71 du code de la santé publique : " Afin d'apprécier l'importance des dommages et de déterminer leur imputabilité, le directeur de l'office diligente, s'il y a lieu, une expertise. (...) ".
4. Pour écarter la demande d'expertise sollicitée, les premiers juges ont retenu que M. A... se bornait à soutenir que l'évaluation proposée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales était insuffisante, qu'il n'avait pas chiffré ses demandes malgré une invitation du tribunal, que ses allégations ne suffisaient pas à remettre en cause l'offre de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales , qui n'avait pas l'obligation de diligenter une expertise et par suite, que la demande d'expertise n'était pas utile. Il résulte toutefois de l'instruction, d'une part, que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ne conteste pas l'origine transfusionnelle de la contamination, d'autre part, que M. A..., qui fait valoir qu'il est dans l'incapacité de chiffrer l'étendue de ses dommages, est atteint de plusieurs pathologies, enfin, que la cour n'est pas en mesure d'apprécier le lien de causalité entre la contamination transfusionnelle et l'ensemble des dommages subis ni d'apprécier la réalité et l'étendue des préjudices subis. M. A... soutient qu'il est en droit de bénéficier d'une indemnité en réparation des préjudices consécutifs à sa contamination par le virus de l'hépatite C, et demande l'annulation de la proposition d'indemnisation qui lui a été transmise par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des affections nosocomiales. Toutefois, l'état du dossier ne permet pas à la cour d'apprécier la réalité et le quantum des préjudices allégués par le requérant. Dès lors, il résulte de ce qui précède, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'expertise et qu'il y a lieu pour la cour, avant de statuer et sans qu'il soit besoin d'ordonner le dépôt par l'expert d'un pré-rapport qui n'est prévu par aucune disposition du code de justice administrative, d'ordonner avant dire-droit une mesure d'expertise médicale aux fins mentionnées ci-après.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 25 juin 2019 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : Avant de statuer sur le bien-fondé des conclusions de la requête de M. A..., il sera procédé à une expertise médicale contradictoire en présence de M. A..., de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, de l'Etablissement français du sang et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis.
Article 3 : L'expert aura pour mission :
1°) de prendre connaissance du dossier médical et de tous documents concernant M. A... et d'examiner ce dernier ;
2°) de préciser les traitements spécifiques dont il a fait l'objet ainsi que leur résultat ; de décrire son état de santé actuel ; de dire si l'état de santé de M. A... en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C est stabilisé, ou consolidé, ou s'il est guéri et de décrire, le cas échéant, l'évolution prévisible de la pathologie ;
3°) de donner tous éléments utiles d'appréciation des préjudices subis par la victime, en relation directe avec sa contamination par le virus de l'hépatite C, au regard, s'il l'estime pertinent, de la nomenclature Dintilhac.
Article 4 : Pour l'accomplissement de sa mission, l'expert pourra se faire remettre, en application de l'article R. 621-7-1 du même code, tous documents utiles et notamment, tous ceux relatifs aux examens et soins pratiqués sur l'intéressé.
Article 5 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Après avoir prêté serment, il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la cour.
Article 6 : Conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 621-9 du code de justice administrative, l'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans le délai fixé par le président de la cour dans la décision le désignant. Il en notifiera une copie à chacune des parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique.
Article 7 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 8 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
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N° 19VE03004