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15/04/2021 | FRANCE | N°19VE01606

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 15 avril 2021, 19VE01606


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision de non-renouvellement de son contrat, en date du 12 décembre 2017, prise par le maire de Saint-Denis, de " faire respecter ses droits statutaires à être stagiaire et titularisée dans le cadre des lois précarité et loi Sauvadet ", de prononcer sa réintégration et de condamner la commune de Saint-Denis à réparer les préjudices qu'elle a subis depuis le 1er janvier 2018.

Par un jugement n°1801609 du 8 mars 2019, le tri

bunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision de non-renouvellement de son contrat, en date du 12 décembre 2017, prise par le maire de Saint-Denis, de " faire respecter ses droits statutaires à être stagiaire et titularisée dans le cadre des lois précarité et loi Sauvadet ", de prononcer sa réintégration et de condamner la commune de Saint-Denis à réparer les préjudices qu'elle a subis depuis le 1er janvier 2018.

Par un jugement n°1801609 du 8 mars 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mai 2019, Mme C..., représentée par Me Campana, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 12 décembre 2017 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Saint-Denis de la réintégrer ou de requalifier son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

4°) et de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision a été précédée d'une procédure irrégulière ; dès lors que l'administration s'est fondée sur le rapport disciplinaire du 16 août 2017 pour prendre sa décision de non-renouvellement du contrat, elle aurait dû être mise à même de prendre connaissance de son dossier ;

- la commune n'a pas respecté le délai de prévenance d'au moins deux mois institué par l'article 45 du décret du 17 janvier 1986 ; dès lors que son contrat était susceptible d'être reconduit pour une durée indéterminée, le délai de prévenance aurait dû être de trois mois ;

- la décision en litige est entachée d'une absence de motivation ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis et le seul fait concernant l'achat d'un téléphone portable par un bénéficiaire est isolé et sans grande gravité ; elle a servi la collectivité durant dix années de façon satisfaisante ; la décision de non-renouvellement a été prise pour des motifs étrangers à l'intérêt du service et à la manière de servir et constitue une sanction déguisée ;

- la décision attaquée, qui revêt un caractère disciplinaire, est entachée d'une erreur d'appréciation car elle est disproportionnée par rapport aux frais reprochés ;

- son contrat doit être requalifié en contrat à durée indéterminée ; elle a été employée pendant dix ans par des contrats à durée déterminée d'un an motivés par le remplacement temporaire d'un fonctionnaire ou la nécessité de faire face à un besoin occasionnel alors qu'elle a, en réalité, été recrutée pour pourvoir à un emploi permanent ; la commune a excédé la durée maximale autorisée de renouvellement ;

- la décision est entachée de détournement de pouvoir ; elle est fondée sur la volonté de la priver de la possibilité de bénéficier d'un contrat à durée indéterminée en méconnaissance de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 ; elle avait formulé plusieurs demandes de titularisation ainsi que le prévoit l'article 3-4 de la même loi ;

- la décision de non-renouvellement revêt le caractère d'une sanction disciplinaire.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le décret n°92-849 du 28 août 1992 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., pour la commune de Saint-Denis.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été recrutée par le commune de Saint-Denis à compter du 1er octobre 2008 en qualité d'agent social 2ème classe territorial non titulaire pour exercer les fonctions d'aide à domicile. Ses contrats à durée déterminée ont été renouvelés chaque année jusqu'au dernier daté du 18 janvier 2017 et portant sur la période du 1er janvier au 31 janvier 2017. Par une décision du 12 décembre 2017, le maire de la commune de Saint-Denis a informé Mme C... que son contrat ne serait pas renouvelé. Mme C... relève appel du jugement du 8 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de la décision de non-renouvellement du 12 décembre 2017.

2. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses si l'administration envisage de procéder à son renouvellement. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent. Dès lors qu'elles sont de nature à caractériser un intérêt du service justifiant le non renouvellement du contrat, la circonstance que des considérations relatives à la personne de l'agent soient par ailleurs susceptibles de justifier une sanction disciplinaire ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce qu'une décision de non renouvellement du contrat soit légalement prise, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.

3. En premier lieu, Mme C... soutient que la décision en litige, laquelle repose sur des considérations susceptibles de justifier une sanction disciplinaire, a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été mise à même de prendre connaissance de son dossier. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 29 novembre 2017, le directeur du centre communal d'action sociale de la commune de Saint-Denis a informé la requérante de l'intention de la ville de ne pas renouveler son contrat à la suite de différents manquements à son obligation de servir et de son comportement inapproprié lors de plusieurs entretiens, l'a convoquée à un entretien fixé au 8 décembre suivant et lui a précisé qu'elle pouvait, sur rendez-vous, se rendre au sein des locaux de la direction des ressources humaines pour consulter son dossier individuel. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de procédure ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, Mme C... doit être regardée comme soutenant que la décision de non renouvellement de son contrat du 12 décembre 2017 a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 38-1 du décret du 15 février 1988, qui lui est applicable, dès lors que l'administration n'a pas respecté de délai de prévenance dont elle aurait dû bénéficier. Toutefois, le non-respect du délai de préavis prévu par ces dispositions est sans incidence sur la légalité de la décision de refus de renouvellement d'un contrat mais est seulement susceptible d'engager la responsabilité de l'administration. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du délai de prévenance ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, Mme C... soutient que la décision de non-renouvellement de son contrat est insuffisamment motivée. Toutefois, un agent dont le contrat est arrivé à échéance n'a, ainsi qu'il a été dit au point 2, aucun droit au renouvellement de celui-ci. Il en résulte qu'alors même que la décision de ne pas renouveler ce contrat est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur l'aptitude professionnelle de l'agent et, de manière générale, sur sa manière de servir et se trouve ainsi prise en considération de la personne, elle n'est - sauf à revêtir le caractère d'une mesure disciplinaire - pas au nombre des mesures qui doivent être motivées en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il s'ensuit que le moyen tiré du défaut de motivation est inopérant.

6. En quatrième lieu, il ressort des termes de la décision du 12 décembre 2017 que la décision de ne pas renouveler le contrat de Mme C... repose sur les motifs tirés de ce que l'intéressée a eu une attitude véhémente envers une collègue lors d'une réunion, de ce qu'elle a tenu des propos non justifiés à l'encontre de la cheffe de service en lui imputant une attitude discriminatoire à connotation raciale, de ce qu'elle a été absente sans justification à plusieurs réunions en juin 2017 et, enfin, de ce qu'elle a fait l'objet d'une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions de trois jours. Si Mme C... conteste la matérialité de ces faits, ces derniers sont toutefois clairement établis par le " rapport concernant le non-renouvellement du contrat de Mme C... ", dont l'intéressée ne conteste pas sérieusement les mentions. Le moyen tiré de ce que l'administration se serait fondée sur des faits matériellement inexacts doit, par suite, être écarté.

7. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en décidant, pour les motifs rappelés au point 6, de ne pas renouveler le contrat de Mme C..., et alors que l'intéressée intervient auprès d'un public de personnes âgées vulnérables, l'administration aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des aptitudes professionnelles de l'intéressée ou agi pour des motifs étrangers à l'intérêt du service.

8. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction alors en vigueur issue de la loi du 12 mars 2012 : " Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 peuvent recruter temporairement des agents contractuels sur des emplois non permanents pour faire face à un besoin lié à : 1° Un accroissement temporaire d'activité, pour une durée maximale de douze mois, compte tenu, le cas échéant, du renouvellement du contrat, pendant une même période de dix-huit mois consécutifs ; (...) ". Aux termes de l'article 3-1 de la même loi : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et pour répondre à des besoins temporaires, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour assurer le remplacement temporaire de fonctionnaires ou d'agents contractuels (...) ". Aux termes de l'article 3-3 de la même loi : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l'article 34 de la présente loi, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient et sous réserve qu'aucun fonctionnaire n'ait pu être recruté dans les conditions prévues par la présente loi (...). Les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat à durée déterminée d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse, dans la limite d'une durée maximale de six ans. Si, à l'issue de cette durée, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée ". Enfin, aux termes de l'article 3-4 de la même loi, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Lorsqu'un agent non titulaire recruté pour pourvoir un emploi permanent sur le fondement des articles 3-2 ou 3-3 est inscrit sur une liste d'aptitude d'accès à un cadre d'emplois dont les missions englobent l'emploi qu'il occupe, il est, au plus tard au terme de son contrat, nommé en qualité de fonctionnaire stagiaire par l'autorité territoriale. II. - Tout contrat conclu ou renouvelé pour pourvoir un emploi permanent en application de l'article 3-3 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics de six ans au moins sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu pour une durée indéterminée ".

9. Mme C... soutient que si les contrats à durée déterminée, sur le fondement desquels la commune de Saint-Denis l'a employée durant une dizaine d'années, ont été motivés par la nécessité d'assurer le remplacement temporaire de fonctionnaires ou de faire face à un accroissement temporaire d'activité, il s'agissait en réalité pour la collectivité de pourvoir un emploi permanent de sorte qu'elle aurait dû bénéficier d'un contrat à durée indéterminée ou être nommée en qualité de fonctionnaire stagiaire en application de l'article 3-4 précité de la loi du 26 janvier 1984. Toutefois, Mme C..., qui occupait un emploi d'agent social de catégorie C, n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions de l'article 3-3 de la même loi, qui prévoient la possibilité pour l'agent contractuel, sous certaines conditions, d'obtenir un contrat à durée indéterminée, et ne soutient pas avoir été recrutée sur le fondement de l'article 3-2 de cette loi. Elle n'entrait pas, par suite, dans le champ d'application de l'article 3-4 de ladite loi. A cet égard, la circonstance que l'emploi d'aide à domicile de la requérante présenterait un caractère permanent ne saurait donner lieu à la requalification de son engagement en contrat à durée indéterminée. Par ailleurs, le recours éventuellement abusif aux contrats à durée déterminée prévus par les articles 3 et 3-1 de la loi du 26 janvier 1984, s'il peut le cas échéant engager la responsabilité de l'administration, n'ouvre pas de droit à requalification du contrat de travail et est sans incidence sur la légalité de la décision de non-renouvellement de ce contrat. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le contrat de Mme C... devrait être requalifié en contrat à durée indéterminée ou l'intéressée " titularisée " ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

10. En septième lieu, si Mme C... soutient que la décision de non-renouvellement de contrat procèderait de la volonté de la ville de ne pas lui permettre de bénéficier d'un contrat à durée indéterminée, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la décision de non-renouvellement n'est pas fondée sur des motifs étrangers à l'intérêt du service. Le détournement de pouvoir allégué n'est, par suite, pas établi.

11. Enfin, contrairement à ce que fait valoir Mme C..., la décision attaquée, qui est motivée non par une intention de la sanctionner mais par l'intérêt du service, ne constitue pas une sanction disciplinaire mais une décision de non-renouvellement de contrat de travail fondée notamment sur des considérations relatives à sa personne par ailleurs susceptibles de justifier une sanction disciplinaire. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait illégale pour constituer une sanction doit, par suite et en tout état de cause, être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par conséquent, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C... ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Saint-Denis présentées sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Denis présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 19VE01606


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01606
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Jeanne SAUVAGEOT
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : SCP C-L-T JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-04-15;19ve01606 ?
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