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15/04/2021 | FRANCE | N°18VE03278

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 15 avril 2021, 18VE03278


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Villemomble a demandé au tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de condamner solidairement sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, la SARL Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez, la société SMAC Acieroid, la société coopérative de production Les Charpentiers de Paris, la société Thermosani, la société Etablissements Devaux et Filliard, la société SEBE, la société SOCOTEC France, la SARL La Métallerie Moderne et la société d'assurances mutuell

es SMACL Assurances à lui verser la somme de 530 000 euros, à parfaire, en répar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Villemomble a demandé au tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de condamner solidairement sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, la SARL Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez, la société SMAC Acieroid, la société coopérative de production Les Charpentiers de Paris, la société Thermosani, la société Etablissements Devaux et Filliard, la société SEBE, la société SOCOTEC France, la SARL La Métallerie Moderne et la société d'assurances mutuelles SMACL Assurances à lui verser la somme de 530 000 euros, à parfaire, en réparation de désordres et des dommages consécutifs à des travaux de construction d'une médiathèque située au 118/120, Grande rue à Villemomble, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, à titre subsidiaire, de condamner sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil, la société d'assurances mutuelles SMACL Assurances à lui verser la même somme de 530 000 euros, à parfaire, en réparation de désordres et des dommages consécutifs à des travaux de construction de la médiathèque, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, et de mettre solidairement à la charge de ces mêmes personnes la somme de 10 000 euros au titre des entiers dépens et des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1406425 du 19 juillet 2018, le tribunal administratif de Montreuil a :

- condamné solidairement la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez, la société Les Charpentiers de Paris et la société SOCOTEC France à verser à la commune de Villemomble la somme de de 135 560,75 euros TTC en réparation des désordres affectant les locaux de la médiathèque de Villemomble, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2014, les intérêts échus à la date du 15 juillet 2015 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts,

- condamné la société Les Charpentiers de Paris à garantir la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez et la société SOCOTEC France à hauteur de 30% des condamnations prononcées à leur encontre,

- condamné la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez et la société SOCOTEC France à se garantir mutuellement, à hauteur de 40 % et 10 %, des condamnations prononcées à leur encontre par le jugement,

- condamné la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez, la société Les Charpentiers de Paris et la société SOCOTEC France à verser ensemble la somme de 2 000 euros à la commune de Villemomble en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 4 303,68 euros au titre des dépens,

- rejeté le surplus des conclusions de la demande de la commune,

- condamné la commune de Villemomble à verser à la société SMAC Acieroid la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative,

- et rejeté les conclusions de la société d'assurances mutuelles SMACL présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 21 septembre 2018 et le 27 novembre 2020, la société coopérative de production Les Charpentiers de Paris, représentée par Me Sablier, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de débouter la commune de Villemomble de l'ensemble de ses demandes ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Villemomble le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société coopérative de production Les Charpentiers de Paris soutient que :

- à titre principal, la demande de la commune de Villemomble présentée sur le fondement de la garantie décennale était irrecevable car tardive ; la réception de ses travaux est intervenue le 12 novembre 2003 et le délai de dix ans expirait donc le 12 novembre 2013 ; or, le premier recours engagé par la commune de Villemomble a été enregistré le 15 juillet 2014 devant le tribunal administratif de Montreuil ; l'assignation en référé sur le seul fondement de l'article 145 du code de procédure civile en vue de la désignation d'un expert ne constitue pas un acte interruptif à l'égard d'une action en responsabilité éventuelle ;

- à titre subsidiaire, deux causes exonératoires de responsabilité peuvent être retenues ; d'une part, l'orage du 19 juin 2013, d'une intensité exceptionnelle, constitue un cas de force majeure de nature à l'exonérer de toute responsabilité ; l'arrêté ministériel en date du 19 septembre 2013 a constaté l'état de catastrophe naturelle ; les deux experts ont souligné le caractère exceptionnel de cet orage ; d'autre part, la commune de Villemomble a commis une faute de nature à l'exonérer de toute responsabilité ; la commune a omis d'entretenir la toiture de la médiathèque qui n'avait fait l'objet d'aucun entretien au cours des quatorze mois précédant l'orage, ce qui a conduit à une accumulation importante et anormale de feuilles dans les chéneaux en toiture à l'origine de l'engorgement des entrées d'eaux pluviales et, lors de l'orage, au débordement des chéneaux et aux dégradations consécutives à l'intérieur du bâtiment ;

- les désordres ne lui sont pas imputables ; les chéneaux litigieux ne faisaient pas partie des travaux du lot qui lui était confié et qui portait uniquement sur la réalisation des ouvrages de charpente métallique laquelle devait servir de support aux chéneaux ;

- la commune, qui n'a pas formé d'appel incident, n'est pas recevable à critiquer les sommes accordées par le tribunal, ni à formuler de nouvelles demandes en appel ; la commune n'avait pas formulé de demande au titre de préjudice d'image en première instance.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour la commune de Villemomble.

Considérant ce qui suit :

1. Entre 2001 et 2003, la commune de Villemomble a fait construire une médiathèque dont les travaux ont été réceptionnés pour certains lots le 12 novembre 2003 et pour d'autres le 13 mars 2004. Le 19 juin 2013, à la suite de fortes intempéries, la médiathèque a subi un très important dégât des eaux qui a affecté les trois niveaux de l'immeuble et conduit à la fermeture de l'établissement. Le 28 octobre 2013, la commune de Villemomble a saisi le tribunal de grande instance de Bobigny aux fins de désignation d'un expert. Par une ordonnance du 6 décembre 2013, M. D... a été désigné en qualité d'expert. Par une ordonnance du 24 août 2016, M. D... a été remplacé par M. A.... Ce dernier a déposé son rapport d'expertise le 30 mai 2017. La commune de Villemomble a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner solidairement sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil l'ensemble des constructeurs de la médiathèque à lui verser la somme à parfaire de 530 000 euros. Par le jugement du 19 juillet 2018, le tribunal administratif de Montreuil a condamné solidairement la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez, maître d'oeuvre, la société Les Charpentiers de Paris, titulaire du lot n°4 " Charpente métallique " et la société SOCOTEC France, contrôleur technique, à verser à la commune de Villemomble la somme de de 135 560,75 euros TTC en réparation des désordres affectant les locaux de la médiathèque de Villemomble, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2014, les intérêts échus à la date du 15 juillet 2015 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. Le tribunal a, en outre, condamné la société Les Charpentiers de Paris à garantir la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez et la société SOCOTEC France à hauteur de 30% des condamnations prononcées à leur encontre et condamné la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez et la société SOCOTEC France à se garantir mutuellement à hauteur de 40 % et 10 %, des condamnations prononcées à leur encontre par le jugement.

2. La société Les Charpentiers de Paris relève appel de ce jugement et demande à la cour de rejeter l'ensemble des demandes de la commune de Villemomble formées à son encontre. Par la voie d'appels provoqués, la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez et la société SOCOTEC Construction, venant aux droits de la société SOCOTEC France, sollicitent également l'annulation du jugement, le rejet des demandes de la commune et, subsidiairement, la condamnation des autres constructeurs à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la requérante :

3. La société Les Charpentiers de Paris soutient que les conclusions indemnitaires présentées par la commune de Villemomble notamment dans son mémoire enregistré le 17 juillet 2020 sont irrecevables car nouvelles en appel. Toutefois, il résulte des écritures de la commune que les sommes mentionnées sont exposées à titre de rappel des faits et que la commune ne présente aucune demande de condamnation ni, au demeurant, de demande tendant à la réformation du jugement attaqué. Dans ces conditions, dès lors que la commune ne formule aucune conclusion d'appel incident ou d'appel provoqué tendant à ce que les constructeurs soient condamnés en appel à lui verser une somme supérieure à celle que lui a accordée le tribunal, la fin de non-recevoir soulevée par la société requérante est sans objet et doit, par suite, être écartée.

Sur la garantie décennale des constructeurs :

En ce qui concerne le délai de prescription :

4. Aux termes de l'article 1792-4-1 du code civil : " Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article. ". Aux termes de l'article 2241 du même code : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. ".

5. La société Les Charpentiers de Paris soutient que l'action en responsabilité décennale introduite par la commune de Villemomble devant le tribunal administratif de Montreuil le 15 juillet 2014 était tardive car intervenue après l'expiration du délai de dix ans courant à compter de la réception des travaux le 12 novembre 2013. Toutefois, il résulte de l'instruction que la commune de Villemomble a assigné en référé l'ensemble des constructeurs les 28, 29, 30 et 31 octobre 2013 devant le tribunal de grande instance de Bobigny à fin de désignation d'un expert. Cette citation en justice, qui émanait du bénéficiaire de la responsabilité décennale, visait les mêmes constructeurs et portait sur les mêmes désordres que la demande enregistrée auprès du tribunal administratif, a valablement interrompu le délai de prescription. Ainsi, la prescription de dix ans prévue par l'article 1792-4-1 du code civil n'était pas acquise à la date du 15 juillet 2014. Par suite, la société Les Charpentiers de Paris n'est pas fondée à soutenir que l'action en garantie décennale de la commune à son encontre serait prescrite.

En ce qui concerne la nature des désordres et leur imputabilité :

6. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

7. Il résulte de l'instruction que le 19 juin 2013, lors de violentes intempéries, la médiathèque a subi un dégât des eaux très important à la suite du débordement des chéneaux encastrés de la couverture du bâtiment. Aux termes de l'expertise, cette inondation provient, d'une part, du défaut d'entretien des chéneaux et, d'autre part, de l'absence de trop-pleins au droit des extrémités des chéneaux contrairement à ce que prévoit la réglementation.

8. La société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez, maître d'oeuvre, conteste le vice de conception dont serait affecté l'ouvrage en faisant valoir que l'absence de trop-pleins était compensée par le dimensionnement du réseaux d'évacuation d'eaux pluviales largement supérieur au besoin du bâtiment. Toutefois, elle n'établit pas, par cette circonstance, que les désordres découlant du système d'évacuation des eaux pluviales conçu par ses soins ne lui seraient pas en quelque manière imputables.

9. Si la société Les Charpentiers de Paris soutient que les chéneaux litigieux ne faisaient pas partie des travaux du lot qui lui était confié, elle n'apporte aucun élément pour l'établir alors qu'il résulte de l'instruction et, en particulier, des mentions du rapport d'expertise que la réalisation des chéneaux faisait partie des travaux qui lui étaient confiés au sein du lot n° 4 " charpente métallique ". La société Les Charpentiers de Paris, en s'abstenant d'alerter le maître d'ouvrage des risques encourus du fait de l'absence de trop-pleins, a méconnu son obligation de conseil à l'égard de la commune.

10. La société SOCOTEC France, pour sa part, fait valoir qu'en qualité de contrôleur technique, elle bénéficie d'un régime qui lui est spécifique de responsabilité présumée limitée découlant de l'article 4 de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 modifiant l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation qui a renforcé l'exigence d'imputabilité. Toutefois, il résulte de l'instruction que la société SOCOTEC, qui avait émis une réserve sur l'absence de trop-pleins, l'a finalement levée. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que les désordres ne lui seraient en aucune façon imputables.

11. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité solidaire de la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez, de la société Les Charpentiers de Paris et de la société SOCOTEC France est engagée au titre de la garantie décennale des constructeurs dans la survenance des désordres en litige dont le caractère décennal n'est pas contesté par les parties.

En ce qui concerne les causes exonératoires :

12. En premier lieu, la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez, la société Les Charpentiers de Paris et la société SOCOTEC France soutiennent que l'orage du 19 juin 2013 présente les caractéristiques d'un cas de force majeure de nature à les exonérer de toute responsabilité. Toutefois, la seule circonstance que ces intempéries ont conduit à la constatation de l'état de catastrophe naturelle par l'arrêté ministériel en date du 19 septembre 2013 ne permet pas, en l'absence d'autres précisions sur le caractère imprévisible et irrésistible de ces précipitations, de les qualifier de cas de force majeure de nature à exonérer les constructeurs de leur responsabilité. Au demeurant, les sociétés Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez, les Charpentiers de Paris et SOCOTEC France n'établissent pas que des trop-pleins n'auraient pas permis d'évacuer ces eaux pluviales fussent-elles exceptionnelles.

13. En second lieu, la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez, la société Les Charpentiers de Paris et la société SOCOTEC France soutiennent que la faute commise par le maître d'ouvrage dans l'entretien de la médiathèque est de nature à les exonérer de toute responsabilité et qu'à tout le moins, la quote-part retenue par le tribunal de 20% de désordres restant à la charge de la commune devrait être réévaluée à la hausse. Il résulte en effet de l'instruction que les premières opérations d'expertise ont révélé un amoncellement important de feuilles mortes dans les chéneaux qui ont contribué au débordement des eaux pluviales depuis ces chéneaux. Le rôle causal de ces amas de feuilles mortes dans l'engorgement et le débordement des chéneaux est souligné et retenu par les deux experts judiciaires successivement désignés. En outre, il résulte de l'instruction qu'alors que l'attention du maître d'ouvrage avait été appelée sur les nécessités d'entretien de la couverture du bâtiment, les chéneaux n'avaient fait l'objet d'aucune mesure d'entretien depuis le mois d'avril 2012 et donc notamment durant la période d'automne particulièrement propice à l'accumulation des feuilles dans les chéneaux, et ce alors même que la médiathèque est située au sein d'un parc comptant des platanes dont les feuilles sont très imputrescibles. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il sera fait une juste appréciation de la part des désordres devant rester à la charge de la commune de Villemomble en la fixant à 40% de l'ensemble des conséquences dommageables des événements du 19 juin 2013.

Sur les préjudices :

14. En premier lieu, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la commune a exposé les sommes de 17 485,32 euros TTC et 63 049,12 euros TTC pour les travaux réparatoires effectués à l'intérieur du bâtiment en août 2013 et août 2015, soit la somme totale 80 534,44 euros TTC. En outre, les travaux d'installation de six trop-pleins dans les deux chéneaux centraux du bâtiment permettant de remédier aux désordres constatés ont été chiffrés par l'expert à la somme non contestée de 24 045,50 euros TTC. Le montant total des travaux réparatoires s'élève donc à la somme de 104 579,94 euros.

15. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise que 2 761 livres ont été détruits dont le coût de remplacement a été évalué à la somme de 40 466 euros et que l'équipement de 2881 documents ont dû être refaits (coffrets, jaquettes, antivols, codes-barres etc.) pour un montant de 14 405 euros basé sur un coût unitaire de 5 euros par ouvrage, prix ordinairement appliqué aux usagers pour le remplacement d'un document prêté et non-rendu. Si la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez soutient que cette demande de la commune de Villemomble ne peut être admise dès lors qu'il n'est pas possible de recenser les ouvrages détruits, elle n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les chiffres retenus par l'expert à l'issue des opérations d'expertise, ni ne critique utilement les chiffrages retenus qui, au demeurant, ne présentent pas de caractère manifestement excessif. Dans ces conditions, le préjudice subi par la commune de Villemomble au titre des documents détruits ou détériorés par l'inondation du 19 juin 2013 doit être fixé à la somme de 54 871 euros TTC.

16. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal aurait fait une inexacte appréciation du préjudice de jouissance de la commune de Villemomble en l'estimant à la somme de 10 000 euros.

17. Enfin, le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisés correspondant aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent, en règle générale, la TVA, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a reçue à raison de ses propres opérations.

18. La société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez et la société SOCOTEC France soutiennent que la commune est mal fondée à demander que les condamnations prononcées à son bénéfice soient assorties de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, les personnes morales de droit public ne sont en général pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée s'agissant notamment de leurs services culturels. Il appartient aux constructeurs mis en cause d'apporter au juge tout élément de nature à remettre en cause la présomption de non assujettissement de l'établissement à la taxe sur la valeur ajoutée et à établir que le montant de celle-ci ne devait pas être inclus dans le montant du préjudice indemnisable. En l'espèce, le maître d'oeuvre et le contrôleur technique n'apportent aucun élément afin de remettre en cause la présomption de non assujettissement dont bénéficie la commune de Villemomble. Dès lors, la taxe sur la valeur ajoutée doit être incluse dans le montant de l'indemnité due par les constructeurs au maître d'ouvrage.

19. Il résulte de ce qui précède que le préjudice global subi par la commune de Villemomble s'élève à la somme de 169 450,94 euros TTC. Compte tenu de la part de responsabilité de la commune, évaluée à 40%, la somme que l'atelier d'architecture Brenac et Gonzalez, la société Les Charpentiers de Paris et la société SOCOTEC France doivent être condamnés in solidum à verser à la commune de Villemomble doit être ramenée à 101 670,56 euros TTC. Par suite, la société Les Charpentiers de Paris, par la voie de l'appel principal, et l'atelier d'architecture Brenac et Gonzalez et la société SOCOTEC France, par la voie de l'appel provoqué, sont fondés à demander que le montant de leur condamnation in solidum soit ramené à cette somme.

Sur les conclusions d'appel en garantie :

20. Il résulte de l'instruction que la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez, maître d'oeuvre, a conçu l'ouvrage en litige en s'abstenant d'inclure des trop-pleins dans les deux chéneaux centraux contrairement à ce que prescrit le document technique unifié (DTU) n°40.5 prévoyant l'obligation de munir les chéneaux d'un trop-plein afin de permettre une évacuation d'un débit suffisant en cas d'obstruction partielle ou totale des orifices d'écoulement des eaux de pluie. La société Les Charpentiers de Paris, pour sa part, a réalisé les travaux, sans faire aucune réserve alors qu'elle ne pouvait ignorer ni les caractéristiques de ces chéneaux ni les prescriptions techniques applicables à ce type de construction. Enfin, si le contrôleur technique SOCOTEC a émis, le 7 mars 2002, des réserves et prescriptions sur la nécessité de prévoir des trop-pleins dans les chéneaux afin d'éviter leur débordement en cas d'obstruction des descentes d'eaux de pluie et fait procéder à des essais de mise en eau " à la rampe " des chéneaux, il ne résulte pas de l'instruction que la société SOCOTEC ait émis des réserves sur ce point dans son rapport final.

21. Il résulte de l'instruction et de ce qui a été dit ci-dessus qu'il sera fait, compte tenu des fautes respectives des trois intervenants, une juste appréciation des circonstances de l'espèce en répartissant les responsabilités, outre la quote-part de 40% restant à la charge du maître d'ouvrage, à raison de 30% à la charge du maître d'oeuvre, de 20% à la charge de l'entreprise de travaux et de 10% à la charge du contrôleur technique.

22. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner la société Les Charpentiers de Paris à garantir la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez et la société SOCOTEC France de 33,33% de la condamnation solidaire prononcée à leur encontre, de condamner la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez à garantir la société SOCOTEC France de 50% de la condamnation prononcée à son encontre et de condamner la société SOCOTEC France à garantir la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez de 16,67 % de la même condamnation.

Sur les conclusions de la compagnie SMACL Assurances :

23. Si la compagnie SMACL Assurances sollicite l'annulation du jugement en tant qu'il n'a pas condamné la commune de Villemomble à lui verser une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice, il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en rejetant, dans les circonstances de l'espèce, la demande présentée par la société SMACL Assurances sur le fondement de ces dispositions.

Sur les frais liés à l'instance :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit accordée à la commune de Villemomble au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Villemomble le versement à la société Les Charpentiers de Paris, à la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez et à la société SOCOTEC France d'une somme de 2 000 euros chacune au titre des mêmes dispositions. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce même titre par les sociétés SMAC Acieroid, SMACL assurances et Thermosani.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 135 560,75 euros TTC que la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez, la société Les Charpentiers de Paris et la société SOCOTEC France ont été condamnées in solidum à verser à la commune de Villemomble par le jugement n° 1406425 du tribunal administratif de Montreuil du 19 juillet 2018 est ramenée la somme de 101 670,56 euros TTC.

Article 2 : La société Les Charpentiers de Paris est condamnée à garantir la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez et la société SOCOTEC France à hauteur de 33,33% des condamnations prononcées à leur encontre. La société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez et la société SOCOTEC France se garantiront mutuellement, à hauteur de 50 % et de 16,67 %, des condamnations prononcées à leur encontre.

Article 3 : Le jugement n°1406425 du tribunal administratif de Montreuil du 19 juillet 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Villemomble versera à la société Les Charpentiers de Paris, à la société Atelier d'architecture Brenac et Gonzalez et à la société SOCOTEC France la somme de 2 000 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties, y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, est rejeté.

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N° 18VE03278


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03278
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Jeanne SAUVAGEOT
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : AARPI EYMARD SABLIER ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-04-15;18ve03278 ?
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