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01/04/2021 | FRANCE | N°18VE04062

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 01 avril 2021, 18VE04062


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Etat a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la société TPF Ingénierie, venant aux droits du bureau d'études Beterem, à lui verser la somme de

261 904,91 euros TTC au titre des désordres affectant les installations techniques abritant le service des archives françaises du film du centre national de la cinématographie et de l'image animée, de condamner solidairement, d'une part, la société Bernet et la société TPF Ingénierie, d'autre part, la société BTP Consultants,

la société Bernet et la société TPF Ingénierie et, enfin, la société SDEL et la soci...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Etat a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la société TPF Ingénierie, venant aux droits du bureau d'études Beterem, à lui verser la somme de

261 904,91 euros TTC au titre des désordres affectant les installations techniques abritant le service des archives françaises du film du centre national de la cinématographie et de l'image animée, de condamner solidairement, d'une part, la société Bernet et la société TPF Ingénierie, d'autre part, la société BTP Consultants, la société Bernet et la société TPF Ingénierie et, enfin, la société SDEL et la société TPF Ingénierie, à lui verser respectivement les sommes de 436 196,87 euros TTC, 46 883,20 euros TTC et 1 375,40 euros TTC au titre de ces désordres, de mettre les frais d'expertise à la charge solidaire de la société TPF Ingénierie, la société Bernet, la société BTP Consultants et la société SDEL et que lui soit allouée la somme de 3 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1603697 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Versailles a :

- condamné la société TPF Ingénierie à verser à l'Etat la somme de 261 819,56 euros,

- condamné la société Bernet à verser à l'Etat la somme de 28 853,50 euros,

- condamné la société SDEL à verser à l'Etat la somme de 1 375,40 euros,

- condamné solidairement les sociétés TPF Ingénierie et Bernet à verser à l'Etat la somme de 405 343,37 euros,

- condamné les sociétés TPF Ingénierie, Bernet et SDEL à supporter respectivement 30 %, 40 % et 10 % des frais d'expertise,

- mis à la charge solidaire des sociétés TPF Ingénierie, Bernet et SDEL la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative,

- rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 7 décembre 2018 et le 26 juillet 2019, la société TPF Ingénierie, venant aux droits de la société Beterem Ingénierie, représentée par Me Prevost, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) subsidiairement, de réduire le montant des indemnités mises à sa charge à la proportion tenant à sa seule part de responsabilité dans les dommages, telle que déterminée dans le rapport d'expertise et de rejeter toute solidarité entre les sociétés Bernet, SDEL Consultants et elle-même ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, en cas de solidarité, de condamner les sociétés Bernet et SDEL à la garantir du montant des condamnations prononcées à son encontre à proportion du taux de partage de responsabilité fixé dans le rapport d'expertise.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué lui a été notifié le 9 octobre 2018 et sa requête d'appel, enregistrée le 7 décembre 2018, n'est pas tardive ;

- sa requête est motivée ;

- sa responsabilité dans les désordres allégués n'est pas établie ;

- le tribunal a prononcé à tort une condamnation solidaire des sociétés TPF Ingénierie et Bernet alors qu'elles étaient en charge de missions distinctes (maîtrise d'oeuvre pour l'une et exécution des travaux pour l'autre) et que l'expert judiciaire avait identifié des éléments distincts justifiant une imputabilité différenciée ; le tribunal n'ayant énoncé aucun grief contre le rapport avant de prononcer une condamnation solidaire, son jugement est entaché d'une contradiction nette et n'est pas motivé ;

- s'agissant des désordres sur le réseau de tuyauterie alimentant le bâtiment A, c'est à tort que le tribunal l'a condamnée tout à la fois à indemniser l'Etat à hauteur de 30 % du montant du préjudice, part de responsabilité retenue par l'expert mais également à indemniser l'Etat solidairement avec la société Bernet à hauteur de 40 % du montant du préjudice ;

- s'agissant des désordres sur les batteries chaudes, l'expert a retenu un partage de responsabilité pour moitié entre l'Etat et elle-même, partage qu'il conviendra d'appliquer ; le tribunal aurait dû écarter le devis de la société Bernet d'un montant de 51 037,50 euros TTC ; ce remplacement relève de travaux d'amélioration ; l'indemnisation mise à sa charge aurait dû être limitée à 50 % du devis de remplacement ;

- s'agissant des désordres résultant du passage de la haute vitesse à la basse vitesse, sa faute n'est pas établie, ni un quelconque lien de causalité avec le préjudice allégué ; l'existence d'un préjudice n'est pas davantage établie car il n'est pas démontré que cette modification ne répondait pas à une sujétion technique nécessaire à l'opération ; c'est à tort que le tribunal a prononcé une condamnation solidaire à supporter 100 % du préjudice alors que l'expert avait retenu sa responsabilité à hauteur de 30 % du dommage ;

- s'agissant du flocage, ces travaux s'intègrent dans le périmètre des prestations dues par la société Bernet ; aucune faute, ni lien de causalité ne permettait au tribunal de prononcer une condamnation solidaire ;

- s'agissant de la mise en conformité VH-VB, le tribunal a écarté à bon droit les prétentions de l'Etat car ce dernier ne peut subir de préjudice pour une dépense qu'il devait engager ;

- s'agissant du remplacement des sondes de régulation et d'alarme, il s'agit de travaux d'amélioration qui ne sauraient constituer un préjudice ; subsidiairement, le partage retenu par l'expert ne saurait être retenu ; 80 % de la responsabilité devrait revenir à la société Bernet qui a proposé la solution, qui était tenue de réaliser ses propres études et qui a procédé à l'installation du matériel contesté ; en outre, le tribunal a prononcé une condamnation solidaire qui n'a aucun fondement ;

- s'agissant de la mise en place de dilatoflex sur les pompes (dispositifs antivibratiles), l'expert a proposé une estimation à 10 000 euros HT qui ne s'appuyait sur aucun devis et qui aurait dû être rejetée ;

- s'agissant des dispositifs de maintien de pression, le tribunal a retenu une estimation de l'expert qui ne s'est appuyée sur aucun devis ; le tribunal a prononcé à tort une condamnation solidaire ;

- s'agissant de la reprise du calorifuge et de sa mise en conformité, l'expert n'étaye nullement les conclusions qui le conduisent à retenir l'existence d'un désordre ; contrairement à ce qu'indique l'expert, le montant retenu du préjudice de 208 400 euros HT a été contesté dans la note technique annexée au dire n° 6 ; le tribunal a prononcé à tort une condamnation solidaire ;

- s'agissant de la non-conformité de la gestion technique du bâtiment, l'estimation retenue par l'expert n'est fondée sur aucun devis ; subsidiairement, le jugement doit être confirmé sur l'absence de solidarité retenue.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour le ministre de la culture.

Considérant ce qui suit :

1. Le centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) a notamment pour mission la conservation du patrimoine cinématographique, en particulier des films anciens fragiles stockés sur des supports potentiellement inflammables et toxiques. Un programme de travaux visant à l'amélioration de la sécurité et de la conformité des sites de stockage de ces films a été établi en octobre 2001. Par un marché notifié le 23 mai 2002, la maîtrise d'oeuvre des travaux a été confiée à un groupement conjoint composé du bureau d'études Beterem et de M. A... C..., architecte. Par un marché du même jour, la mission de contrôle technique a été confiée à la société BTP Consultants. Le lot n° 1 " chauffage, ventilation, climatisation " d'un montant de 3 540 280,27 euros HT a été attribué à la société Bernet et le lot n° 2 " électricité " d'un montant de 960 771,40 euros HT à un groupement conjoint composé des sociétés SDEL Tertiaire et Cartels, puis par avenant à la seule société SDEL Tertiaire. A partir de juillet 2007, le maître d'ouvrage a constaté divers incidents sur les installations. Le maître d'ouvrage a fait réaliser une inspection par la société Ecotec Energies qui a rendu deux rapports en novembre et décembre 2007 et initié un règlement amiable avec les constructeurs qui a échoué. A la demande du CNC, le tribunal administratif de Versailles a, par une ordonnance du 8 octobre 2009, prescrit une expertise. L'expert a déposé son rapport le 31 août 2012.

2. Le ministre de la culture a saisi le tribunal d'une demande tendant à la condamnation des constructeurs à l'indemniser des préjudices subis sur le fondement de la responsabilité décennale. La société TPF Ingénierie, venant aux droits de la société Beterem, relève appel du jugement du 4 octobre 2018 en tant que le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser à l'Etat la somme de 261 819,56 euros, l'a condamnée, solidairement avec la société Bernet, à verser à l'Etat la somme de 405 343,37 euros, l'a condamnée à supporter respectivement 30 % des frais d'expertise et mis à sa charge, solidairement avec les sociétés Bernet et SDEL, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle demande à la cour d'annuler ce jugement et à titre subsidiaire, de réduire le montant des indemnités mises à sa charge à proportion de sa seule part de responsabilité dans les dommages et de rejeter toute solidarité entre les sociétés Bernet, SDEL et elle-même et, à titre infiniment subsidiaire, en cas de solidarité, de condamner les société Bernet et SDEL à la garantir du montant des condamnations prononcées à son encontre à proportion du partage de responsabilité retenu par l'expert. Par voie d'appel incident, le ministre de la culture demande à la cour de réformer le jugement en ce qui concerne son article 7 rejetant le surplus de ses demandes s'agissant de la mise en place de ventilations hausses et basses et de condamner solidairement les sociétés Bernet, TPF Ingénierie et BTP Consultants au paiement du coût des travaux de ventilation d'un montant de 39 200 euros HT. Par voie d'appel provoqué, la société SDEL Tertiaire demande l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à verser à l'Etat la somme de 1 375,40 euros.

Sur la recevabilité des conclusions de la société TPF Ingénierie contre les sociétés Bernet et SDEL Tertiaire :

3. Il ressort des écritures de première instance que la société TPF Ingénierie n'a présenté devant le tribunal administratif de Versailles aucun appel en garantie à l'encontre des sociétés Bernet et SDEL. Dès lors, ses conclusions tendant à ce que ces dernières la garantisse des condamnations prononcées contre elle, présentées pour la première fois en appel, ne sont pas recevables et doivent être rejetées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Le jugement attaqué énonce notamment dans son point 4 que le constructeur dont la responsabilité est mise en jeu en application des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil n'est pas fondé à se prévaloir, à l'égard du maître de l'ouvrage, de l'imputabilité de tout ou partie des désordres à un autre constructeur, cocontractant du maître de l'ouvrage, et à demander en conséquence l'exonération ou l'atténuation de sa responsabilité que dans la mesure où ces désordres ne lui sont pas également imputables. Ce jugement rappelle également dans son point 5 que le maître d'ouvrage peut, à son gré, mettre l'ensemble des dommages à la charge d'une seule entreprise en laissant, le cas échéant, cette dernière, soit demander un partage de responsabilité, soit former un appel en garantie contre l'autre personne responsable. Le principe de la condamnation solidaire des constructeurs est ainsi suffisamment motivé.

Sur l'appel principal de la société TPF Ingénierie :

En ce qui concerne le caractère solidaire des condamnations :

5. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Est susceptible de voir sa responsabilité engagée de plein droit, avant l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la réception des travaux, à raison des dommages qui compromettent la solidité d'un ouvrage ou le rendent impropre à sa destination, toute personne appelée à participer à la construction de l'ouvrage, liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

6. En l'espèce, il n'est pas contesté que les désordres constatés affectent les conditions de conservation des pellicules anciennes hautement inflammables et rendent l'ouvrage impropre à sa destination, de sorte qu'ils sont susceptibles d'engager la responsabilité des constructeurs au titre de la garantie décennale.

7. Il résulte des principes rappelés au point 5 que la société TPF Ingénierie, titulaire du marché de maîtrise d'oeuvre des travaux en cause, pouvait être condamnée in solidum avec les autres constructeurs ayant concouru à la réalisation du même dommage. Il appartenait à la société requérante, le cas échéant, dans les cas de condamnation in solidum, de formuler des conclusions d'appel en garantie à l'encontre des autres constructeurs.

En ce qui concerne les désordres et l'évaluation des préjudices :

S'agissant de la tuyauterie alimentant le bâtiment A :

8. Il résulte de l'instruction qu'alors que le cahier des clauses techniques particulières du marché prévoyait le raccordement des tuyauteries par soudure, la société Bernet, titulaire des travaux a posé à la place, avec l'assentiment de la société Beterem Ingénierie, des joints Victaulic et que dans la nuit du 7 janvier 2009, les tuyauteries se sont déboîtées. La société TPF Ingénierie ne conteste ni la réalité de ce désordre, ni son caractère décennal, ni sa propre faute dans la survenance du dommage, ni le montant du préjudice retenu de 33 525,36 euros HT, soit 40 096,33 euros TTC. Elle critique uniquement le fait d'avoir été condamnée à verser à l'Etat, outre la somme de 12 028,90 euros TTC pour sa part de responsabilité évaluée par l'expert à 30 %, la somme de 16 038,53 euros TTC solidairement avec la société Bernet. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, il est loisible au maître d'ouvrage de solliciter la condamnation solidaire des constructeurs pour l'ensemble du dommage. Dès lors, les conclusions de la société TPF Ingénierie présentées pour ce poste de préjudice ne peuvent qu'être rejetées.

S'agissant des batteries chaudes :

9. Il résulte de l'instruction que plusieurs batteries chaudes placées sur les centrales de traitement d'air (CTA) ont subi des gels qui ont entraîné le percement des tuyauteries sur les batteries et que l'expert a retenu qu'il était nécessaire de procéder au remplacement des batteries CTA pour un montant de 13 689 euros HT, soit 16 372,04 euros TTC et des batteries terminales pour un montant de 42 673,50 euros HT, soit 51 037,50 euros TTC. Le tribunal, suivant le rapport d'expertise qui proposait de mettre 50 % du dommage à la charge de la société Beterem Ingénierie et de laisser 50 % du dommage à la charge du CNC, a condamné la société requérante à verser à l'Etat la moitié de chacune de ces sommes, soit une somme totale de 33 790,12 euros TTC. La société TPF Ingénierie soutient que ces travaux ont été réalisés sur la base d'un devis de la société Bernet alors qu'une mise en concurrence aurait dû intervenir afin de chiffrer de manière fiable le coût de remplacement. Toutefois, il résulte du rapport d'expertise (p. 31) que ces travaux ont fait l'objet d'un devis établi par un autre prestataire, la société Air climat, dont au demeurant la proposition était plus élevée. Par ailleurs, si la société TPF Ingénierie soutient que ce remplacement relève de travaux d'amélioration motivés par le souhait de réduire les opérations de maintenance, elle n'apporte aucun élément ou argument précis à l'appui cette allégation. Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer les condamnations prononcées par les premiers juges.

S'agissant du passage de la haute à la basse vitesse des CTA :

10. Il résulte de l'instruction qu'alors que le cahier des clauses techniques particulières du marché (CCTP) prévoyait des CTA de type process haute pression, la société Bernet, avec l'assentiment de la société Beterem Ingénierie, a procédé à l'installation d'un système à basse vitesse. Ce désordre, donc le caractère décennal n'est pas discuté, engage la responsabilité des constructeurs parmi lesquels la société TPF Ingénierie venant aux droits de la société Beterem Ingénierie. Si la société requérante fait valoir qu'il n'est pas démontré que cette modification ne répondait pas à une sujétion technique nécessaire à la nature de l'opération, elle n'apporte aucun élément ni précision à l'appui de cette allégation. Par ailleurs, alors même que l'expert aurait estimé que la part de responsabilité de la société Beterem s'élevait à 30 %, cette circonstance ne faisait pas obstacle à la condamnation in solidum de la requérante avec la société Bernet pour le surplus des conséquences dommageables du désordre.

S'agissant des travaux de flocage :

11. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que la société Bernet n'a pas exécuté des travaux de flocage prévus au marché pour un montant de 38 250 euros HT, soit 45 747 euros TTC. Si la société TPF Ingénierie fait valoir que la réalisation de ces travaux n'incombait qu'à la société Bernet, il résulte de l'instruction que cette méconnaissance des stipulations du contrat par le titulaire du marché de travaux n'a été rendue possible que par la méconnaissance par la société Beterem Ingénierie, maître d'oeuvre, de ses obligations dans la surveillance et la direction des travaux. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a condamné solidairement les sociétés TPF Ingénierie et Bernet à verser la somme de 45 747 euros TTC à l'Etat.

S'agissant des sondes de régulation et d'alarme :

12. Le CCTP prévoyait que les sondes placées dans les cellules nitrates devaient être de type anti-déflagrant. Toutefois, il résulte de l'instruction que la société Bernet a proposé à la société Beterem Ingénierie qui l'a accepté l'installation d'un matériel non anti-déflagrant malgré le risque d'explosion. L'expert a retenu le caractère indispensable des travaux de reprise chiffrés à la somme de 101 170 euros HT, soit 120 999,32 euros TTC pour 151 cellules. La société requérante allègue qu'il s'agirait de travaux d'amélioration mais n'apporte aucun élément à l'appui de cette allégation. Par ailleurs, dès lors que la société Beterem Ingénierie a concouru à la réalisation du dommage, sa responsabilité de constructeur pouvait être engagée pour la totalité des conséquences dommageables du désordre. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamnée à verser, d'une part, seule la somme de 96 799,46 euros TTC à l'Etat et, d'autre part, solidairement avec la société Bernet la somme de 24 199,86 euros en réparation de ce désordre.

S'agissant des dispositifs antivibratiles (dilatoflex) :

13. Il résulte de l'instruction que le CCTP prévoyait des dispositifs anti-vibratiles mais que seuls les dilatoflex ont été fournis et posés au droit des pompes eau glacée du circuit centralisé. Le coût des travaux de reprise a été estimé par l'expert à 20 000 euros HT et le tribunal a condamné la société requérante, seule pour une part et solidairement pour une autre, à verser cette somme à l'Etat. La société TPF Ingénierie ne conteste ni la réalité de ce manquement contractuel, ni son caractère décennal mais fait valoir que l'estimation des travaux à

10 000 euros aurait dû être retenue. Toutefois, la société TPF Ingéniérie n'apportant aucun élément pour appuyer son estimation, il y a lieu de confirmer la condamnation prononcée par le tribunal.

S'agissant des dispositifs de maintien de pression des réseaux centralisés :

14. Il résulte de l'instruction que la société Bernet a procédé à l'installation d'un dispositif de maintien de pression du réseau d'eau glacée non conforme aux stipulations du CCTP, sous-dimensionné, mal positionné et ne comportant qu'une pompe au lieu de deux. Aux termes du rapport d'expertise, cette installation n'est pas conforme à l'offre initiale de l'entreprise et doit être remplacée. L'expert a chiffré le coût de ce remplacement à la somme de 10 500 euros HT. La société TPF Ingénierie ne conteste pas la réalité de ce dommage, ni son caractère décennal. Elle se borne à soutenir que la demande du ministre se fonde sur une estimation de l'expert qui ne s'est appuyée sur aucun devis. Toutefois, la société TPF Ingénierie n'apporte aucun élément de nature à établir le caractère exagéré de cette évaluation alors d'ailleurs qu'il résulte du rapport d'expertise que toutes les parties étaient " d'accord sur ce montant ".

S'agissant de la reprise du calorifuge des tuyauteries :

15. Il résulte de l'instruction que les travaux effectués par la société Bernet concernant le calorifuge du réseau centralisé d'eau glacée ne sont pas conformes au CCTP du marché, notamment concernant l'épaisseur du calorifuge de 30 mm au lieu de 40 mm et qu'ils sont de nature à aggraver les risques de fuite à terme de l'installation. Contrairement à ce qu'allègue la société TPF Ingénierie, la réalité de ce désordre a bien été examinée par l'expert. La requérante ne conteste pas le caractère décennal de ce désordre mais le montant des travaux de reprise de 208 400 euros HT proposé par l'expert et retenu par le tribunal. Toutefois, si la société TPF Ingénierie fait valoir que ce montant était contesté durant les opérations d'expertise, elle n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause ce chiffrage alors qu'il résulte du rapport d'expertise que l'expert a détaillé les différents postes de ce chiffrage et qu'il a notamment relevé que le plus important d'entre eux - la réfection du calorifuge conforme au CCTP pour 145 000 euros HT - correspondait quasiment au prix indiqué pour le calorifuge dans le devis de la société Bernet après actualisation par l'indice BT 41.

S'agissant de la non-conformité de la gestion technique du bâtiment :

16. La société TPF Ingénierie ne conteste pas que de nombreux désordres affectaient la gestion technique du bâtiment et pas davantage le caractère décennal de ces désordres. Elle soutient seulement que la demande de première instance aurait dû être rejetée dès lors que l'estimation par l'expert n'est fondée sur aucun devis. Toutefois, la société TPF Ingénierie n'apporte aucun élément de nature à démontrer que la somme retenue de 15 000 euros HT, soit 17 940 euros TTC, serait excessive, ni au demeurant aucun élément permettant de fixer une somme inférieure alors qu'il résulte du rapport d'expertise que cette somme a été arrêtée par le sapiteur lors d'une réunion à l'issue de laquelle " toutes les parties étaient d'accord sur la solution technique et les incidences financières ". Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer la condamnation prononcée en première instance.

17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir invoquées par l'Etat que la société TPF Ingénierie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué l'a condamnée à verser à l'Etat la somme de 261 819,56 euros et l'a condamnée solidairement avec la société Bernet à verser à l'Etat la somme de 405 343,37 euros.

Sur l'appel incident de l'Etat :

18. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les locaux techniques possédant des installations fixes destinées au chauffage et l'alimentation en eau doivent posséder des ventilations hautes et basse et que le marché n'avait pas prévu de telles installations. Le ministre de la culture sollicite la condamnation solidaire des sociétés Bernet, TPF Ingénierie et BTP Consultants à lui verser la somme de 39 200 euros HT retenue par l'expert pour le coût de ses travaux. Le ministre soutient qu'il ne s'agit pas d'une plus-value mais de travaux nécessaires à la réalisation d'un ouvrage conforme à sa destination. Toutefois, dès lors que de tels travaux n'étaient pas prévus par les documents contractuels et donc inclus dans le prix du marché, le maître d'ouvrage ne peut prétendre à une indemnisation dès lors qu'il n'est pas conduit à supporter un coût final supérieur à celui qui aurait dû être celui de l'ouvrage si la conception initiale avait inclus ces ventilations hautes et basses. Par suite, les conclusions incidentes du ministre de la culture ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'appel provoqué de la société SDEL :

19. Le présent arrêt n'aggrave pas la situation de la SDEL. Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il la condamne à indemniser l'Etat, qui ont le caractère d'appel provoqué, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société TPF Ingénierie la somme de 1 500 euros à verser à l'Etat et la somme de 1 500 euros à verser à la société BTP Consultants en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administration. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société SDEL Tertiaire sur le fondement de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société TPF Ingénierie est rejetée.

Article 2 : La société TPF Ingénierie versera la somme de 1 500 euros à l'Etat et de 1 500 euros à la société BTP Consultants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

2

N° 18VE04062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE04062
Date de la décision : 01/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: Mme Jeanne SAUVAGEOT
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : CABINET PREVOST et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-04-01;18ve04062 ?
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