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18/03/2021 | FRANCE | N°19VE02473

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 18 mars 2021, 19VE02473


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2016 par lequel le maire de Clichy-la-Garenne l'a rétrogradée du 6ème échelon de la classe supérieure du grade de puéricultrice au 8ème échelon de la classe normale du grade de puéricultrice et de mettre à la charge de la commune de Clichy-la-Garenne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1702451 du 7 mai 2019, le tribunal a

dministratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2016 par lequel le maire de Clichy-la-Garenne l'a rétrogradée du 6ème échelon de la classe supérieure du grade de puéricultrice au 8ème échelon de la classe normale du grade de puéricultrice et de mettre à la charge de la commune de Clichy-la-Garenne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1702451 du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 8 juillet 2019 et le 14 décembre 2020, Mme E..., représentée par Me C..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Clichy-La-Garenne le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de ce que l'autorité disciplinaire s'est appuyée sur des faits qui n'étaient pas établis, commettant ainsi une erreur de droit sur les règles de preuve ;

- s'agissant de la légalité externe de l'arrêté de rétrogradation, elle soulevait l'incompétence de l'auteur de cette décision ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'elle avait commis des fautes justifiant une sanction ; contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, elle a mis en oeuvre des préconisations du rapport du 21 décembre 2012 ; elle a travaillé à un nouveau projet d'établissement dès janvier 2013 avec le psychologue du service ; la pratique concernant " la salle des émotions " a été modifiée à partir de 2013 ; le grief tiré d'une carence de surveillance des enfants pendant la sieste n'est pas établi ;

- à titre subsidiaire, la sanction est disproportionnée.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2014-923 du 18 août 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., pour Mme E... et celles de Me A... substituant Me B..., pour la commune de Clichy-la-Garenne.

Une note en délibéré, enregistrée le 5 mars 2021, a été présentée pour Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., puéricultrice, a été recrutée en 1998 par la commune de Clichy-la-Garenne et affectée sur l'emploi de directrice de la crèche " Le jardin extraordinaire ". A l'issue d'une enquête administrative portant sur le fonctionnement de cette crèche au cours de l'année 2012, il lui a été demandé de mettre fin à certaines pratiques pédagogiques et de construire un projet pédagogique adapté. A la suite d'un second rapport administratif daté du 1er septembre 2014, le maire de Clichy-la-Garenne a suspendu Mme E... de ses fonctions par arrêté du 3 septembre 2014 puis l'a affectée au centre municipal de santé à compter du 5 janvier 2015. Par un arrêté du 22 avril 2016, il a prononcé à l'encontre de Mme E... une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans, dont un an avec sursis, suivant en cela l'avis rendu le 29 janvier 2016 par le conseil de discipline. Cette sanction ayant été suspendue par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 6 juillet 2016, le maire l'a retirée par arrêté du 30 décembre 2016 et, par un arrêté du même jour, a prononcé la rétrogradation de Mme E... dans le grade de puéricultrice de classe normale à compter du 1er février 2017. Mme E... relève appel du jugement du 7 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la sanction de rétrogradation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si Mme E... soutient que le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de ce que l'autorité disciplinaire s'est appuyée sur des faits qui n'étaient pas établis, il résulte toutefois des termes du jugement attaqué et, notamment, des points 6 et 7, que le tribunal s'est prononcé sur la matérialité des faits reprochés à l'intéressée. Le jugement n'est donc pas entaché d'irrégularité de ce chef. Par ailleurs, la circonstance, qui se rapporte au bien-fondé du jugement attaqué, que le tribunal aurait commis une erreur sur les règles de la preuve est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. D..., 3ème adjoint au maire qui, par arrêté du 7 juillet 2015 inscrit au registre des arrêtés du maire et transmis au contrôle de légalité, avait reçu délégation de celui-ci pour s'occuper des affaires de la commune relevant des ressources humaines et signer les actes pris dans le cadre de ses fonctions. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée, à le supposer soulevé, manque donc en fait et doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; ".

5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. Pour infliger à Mme E... la sanction de rétrogradation, le maire de la commune de Clichy-la-Garenne a retenu que l'intéressée avait laissé perdurer en 2013 et 2014 au sein de la crèche qu'elle dirigeait des pratiques pédagogiques plaçant en difficulté les enfants accueillis alors que sa hiérarchie lui avait expressément demandé de les faire cesser, que Mme E... avait ainsi contrevenu aux dispositions de l'article 2 du décret n° 2010-613 du 7 juin 2010, que ces faits fautifs révélaient un manquement à son obligation de service et d'obéissance hiérarchique et portaient atteinte à la considération de la structure et qu'enfin, ces faits n'étaient pas dignes d'un fonctionnaire du grade de Mme E....

7. Mme E... conteste tout d'abord la réalité des faits qui lui sont reprochés. Il ressort cependant des pièces du dossier et, en particulier, du rapport d'enquête administrative du 21 décembre 2012, qu'il a été constaté au sein de la crèche dirigée par Mme E... la pratique dite de la " pièce des émotions " consistant à isoler des enfants en pleurs dans une pièce fermée et qu'il a été clairement demandé à l'intéressée de faire cesser immédiatement cette pratique. Les services de la commune ont toutefois retenu, à l'issue de la seconde enquête menée en 2014, que cette pratique perdurait au sein de la crèche même si la salle avait changé de nom. Si Mme E... soutient avoir mis fin à l'isolement sans surveillance des enfants dès le début de l'année 2013 et produit à l'appui de cette allégation quatre attestations, ces attestations, qui émanent d'une ancienne adjointe au maire, relative à l'absence de plainte de parents ou d'agents, d'une éducatrice de jeunes enfants ainsi que d'un agent dont l'enfant était accueilli au sein de la crèche, témoignent des qualités professionnelles générales de Mme E... mais ne permettent pas d'établir le fait que la pratique incriminée avait cessé après l'enquête administrative de décembre 2012. Seule l'attestation d'une éducatrice de jeunes enfants ayant travaillé au sein de l'établissement d'avril 2006 à fin janvier 2014 mentionne spécifiquement que l'utilisation de l'espace en litige avait cessé. Toutefois, cette seule pièce ne permet pas d'infirmer les faits retenus par la commune dès lors qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, des annexes au 3ème rapport daté du 13 novembre 2014 que plusieurs agents, attachés à l'établissement mais provenant également d'un autre établissement et affectés au " Jardin Extraordinaire " pour une semaine au mois de février 2014, ont attesté de ce que la pratique en litige avait encore cours au sein de la crèche. Dans ces conditions, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis. Par ailleurs, outre que cette méthode d'isolement était à tout le moins controversée et qu'elle ne faisait pas l'objet d'un consensus au sein des agents de l'établissement, il ressort également des pièces du dossier que Mme E... s'est abstenue d'en faire cesser la pratique au sein de l'établissement qu'elle dirigeait alors même que cela lui avait été expressément demandé par la collectivité qui l'emploie. Par suite, ces faits, qui caractérisent un manquement à son obligation de service d'obéissance hiérarchique, sont fautifs et susceptibles de fonder une sanction disciplinaire.

8. Mme E... soutient ensuite que la sanction retenue n'est pas proportionnée à la gravité des fautes qui lui sont reprochées. Elle souligne, à l'appui de ce moyen, qu'elle n'avait jamais fait l'objet d'une sanction auparavant et que ses qualités et son professionnalisme ont été reconnus par sa hiérarchie au travers de ses notations, par ses collègues et par les agents. Toutefois, compte tenu de la gravité des faits reprochés, de leur durée et du niveau de responsabilité de Mme E..., la sanction prononcée de rétrogradation dans le grade inférieur n'est pas entachée de disproportion.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Clichy-la-Garenne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme E... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E... le versement de la somme que la commune de Clichy-la-Garenne demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Clichy-la-Garenne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 19VE02473


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Jeanne SAUVAGEOT
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : VIEGAS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 18/03/2021
Date de l'import : 30/03/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19VE02473
Numéro NOR : CETATEXT000043278760 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-03-18;19ve02473 ?
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