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18/02/2021 | FRANCE | N°18VE04087

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 18 février 2021, 18VE04087


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil :

- sous le n° 1708760, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune du Raincy a refusé de reconnaître comme étant imputable au service l'accident survenu le 29 mars 2017, d'enjoindre à la commune du Raincy de reconnaître comme étant imputable au service l'accident survenu le 29 mars 2017, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir et de mettre à la charge de la commune du R

aincy le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'art...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil :

- sous le n° 1708760, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune du Raincy a refusé de reconnaître comme étant imputable au service l'accident survenu le 29 mars 2017, d'enjoindre à la commune du Raincy de reconnaître comme étant imputable au service l'accident survenu le 29 mars 2017, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir et de mettre à la charge de la commune du Raincy le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- sous le n° 1709080, d'annuler l'arrêté du 5 mai 2017 par lequel le maire de la commune du Raincy l'a placée en congé de maladie ordinaire à demi-traitement le 15 mai 2017, d'enjoindre à la commune du Raincy de procéder au réexamen de son dossier et de la placer en congé de maladie imputable au service à la suite de l'accident survenu le 29 mars 2017, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir et de mettre à la charge de la commune du Raincy le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- sous le n° 1709081, d'annuler l'arrêté du 15 juin 2017 par lequel le maire de la commune du Raincy l'a placée en congé de maladie ordinaire à demi-traitement du 1er au 21 juin 2017, d'enjoindre à la commune du Raincy de procéder au réexamen de son dossier et de la placer en congé de maladie imputable au service à la suite de l'accident survenu le 29 mars 2017, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir et de mettre à la charge de la commune du Raincy le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- sous le n° 1709085, d'annuler l'arrêté du 11 août 2017 par lequel le maire de la commune du Raincy l'a placée en congé de maladie ordinaire à demi-traitement du 21 juillet au 20 août 2017, d'enjoindre à la commune du Raincy de procéder au réexamen de son dossier et de la placer en congé de maladie imputable au service à la suite de l'accident survenu le 29 mars 2017, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir et de mettre à la charge de la commune du Raincy le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- sous le n° 1801401, d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2017 par lequel le maire de la commune du Raincy l'a placée en congé de maladie ordinaire à demi-traitement du 11 novembre au 8 décembre 2017, d'enjoindre à la commune du Raincy de procéder au réexamen de son dossier et de la placer en congé de maladie imputable au service à la suite de l'accident survenu le 29 mars 2017, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir et de mettre à la charge de la commune du Raincy le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1708760, 1709080, 1709081, 1709085 et 1801401 du 19 octobre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a :

- annulé la décision implicite par laquelle le maire de la commune du Raincy a refusé de reconnaître l'accident survenu le 29 mars 2017 comme étant imputable au service ;

- annulé les arrêtés pris par le maire de la commune du Raincy les 5 mai 2017,

15 juin 2017, 11 août 2017 et 11 décembre 2017 plaçant Mme C... en congé de maladie ordinaire à demi-traitement ;

- enjoint au maire de la commune du Raincy, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, d'une part, de prendre une décision de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident survenu le 29 mars 2017, d'autre part, de placer

Mme C... en congé de maladie à plein traitement au titre de la journée du 15 mai 2017, de la période du 1er au 21 juin 2017, de la période du 21 juillet au 20 août 2017 et de la période du 11 novembre au 8 décembre 2017 ;

- mis à la charge de la commune du Raincy le versement à Mme C... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- rejeté le surplus des conclusions des demandes.

II. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite du maire de la commune du Raincy refusant de lui accorder la protection fonctionnelle, d'enjoindre à la commune du Raincy de lui accorder la protection fonctionnelle, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à compter du jugement à intervenir et de mettre à la charge de la commune du Raincy le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1708753 du 19 octobre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a :

- annulé la décision implicite par laquelle le maire de la commune du Raincy a refusé à Mme C... le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

- enjoint au maire de la commune du Raincy de prendre une décision accordant la protection fonctionnelle à Mme C..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement ;

- mis à la charge de l'Etat le versement à Mme C... de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2018 sous le n° 18VE04087 et un mémoire en réplique, enregistré le 21 février 2019, la commune du Raincy, représentée par

Me A..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1708760, 1709080, 1709081, 1709085 et 1801401 du tribunal administratif de Montreuil du 19 octobre 2018 ;

2°) et de mettre à la charge de Mme C... le versement de la somme de

1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la matérialité des faits allégués par Mme C... à l'appui de sa reconnaissance d'imputabilité du service n'est pas établie ; les faits se seraient produits dans un bureau commun à plusieurs agents et en leur présence mais aucun d'entre eux ne corroborent la scène décrite ; Mme C... n'a pas averti ses collègues, ni sa hiérarchie ; la plainte déposée par Mme C... n'a pas eu de suite.

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., pour la commune du Raincy.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 18VE04087 et 18VE04088 concernent la situation d'un même agent, présentent à juger la même question et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

2. Mme C..., adjoint administratif titulaire de la commune du Raincy a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 29 mars 2017 sur son lieu de travail. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Par un jugement n°1708760, 1709080, 1709081, 1709085 et 1801401 du 19 octobre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision implicite de rejet et enjoint notamment au maire de la commune du Raincy de prendre une décision reconnaissant l'accident comme étant imputable au service. En outre, par un jugement n° 1708753 du 19 octobre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Raincy a rejeté la demande de protection fonctionnelle que Mme C... avait formulée par un courrier du 22 mai 2017. La commune du Raincy relève appel de ces deux jugements.

Sur la reconnaissance de l'imputabilité au service :

3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".

4. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de former sa conviction sur les points en litige au vu des circonstances de l'espèce.

5. A l'appui de sa requête d'appel, la commune du Raincy conteste la matérialité des faits invoqués par Mme C....

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... soutient avoir été victime le

29 mars 2017 de faits d'exhibition sexuelle de la part d'un usager, parent d'élève, venu effectuer des démarches administratives. L'intéressée a porté plainte le jour même auprès du commissariat de police du Raincy et a donné l'identité de son agresseur. Elle a été examinée sur réquisition par le docteur Kerleguer, le 31 mars 2017, dont le certificat fait état, notamment, de stress post-traumatique avec reviviscence de la scène en boucle et de lésions entraînant une incapacité totale de travail initiale de cinq jours. Cet état a été confirmé par deux certificats médicaux, établis le 29 mars 2017 par le docteur Broc et le 19 mai 2017 par le docteur Morel. Enfin, Mme C... s'est vu prescrire, le 11 mai 2017, six séances de psychothérapie pour traumatisme dû à une agression sexuelle. La commune du Raincy souligne que l'agression se serait produite dans un bureau commun à plusieurs agents en leur présence sans que ces derniers corroborent la scène décrite. Toutefois, d'une part, les faits décrits par l'intimée ont pu être commis sans que d'autres agents en soient directement témoins. D'autre part, la commune ne produit aucune attestation ou témoignage des agents concernés de nature à contredire les allégations de Mme C.... Par ailleurs, la circonstance que le parquet de Bobigny ait indiqué, sur une fiche de renseignements datée du 7 février 2019, que " cette procédure ne semble pas avoir été enregistrée à ce jour au Parquet de Bobigny " ne permet pas d'infirmer la matérialité des faits rapportés par Mme C.... Dans ces conditions, eu égard aux éléments de nature judiciaire et médical produits par Mme C..., les faits d'exhibition sexuelle doivent être regardés comme établis. Par suite, la commune du Raincy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision implicite de refus d'imputabilité au service de cet accident.

Sur la protection fonctionnelle :

7. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. (...) / La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

8. Si la commune du Raincy conteste la matérialité des faits pour lesquels Mme C... a sollicité l'octroi de la protection fonctionnelle, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que les faits d'exhibition sexuelle commis par un usager au sein des locaux de travail doivent être regardés comme établis. Par suite, la commune du Raincy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision de refus de la protection fonctionnelle était entachée d'illégalité. Les conclusions de la commune ne peuvent qu'être rejetées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune du Raincy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé les décisions implicites rejetant les demandes de Mme C... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 29 mars 2017 et au bénéfice de la protection fonctionnelle.

Sur les frais liés aux instances :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a en revanche lieu de mettre à la charge de la commune du Raincy une somme de 2 000 euros à verser à Mme C... à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de la commune du Raincy sont rejetées.

Article 2 : La commune du Raincy versera à Mme C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

Nos 18VE04087 , 18VE04088


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE04087
Date de la décision : 18/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection en cas d'accident de service.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: Mme Jeanne SAUVAGEOT
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : SCP GABORIT - RUCKER - SAVIGNAT - VALENT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-02-18;18ve04087 ?
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