Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) ARMOS a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des amendes mis à sa charge au titre des années 2012 et 2013 pour un montant total de 139 018 euros.
Par un jugement n° 1603117 du 20 novembre 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge des amendes au titre des années 2012 et 2013, déchargé partiellement la SARL ARMOS des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des deux années en litige, et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 janvier et 21 novembre 2019, la SARL ARMOS, représentée par Me Niclet, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2° de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les provisions sur les comptes locataires des logements de Montreuil, Lagny sur Marne et Villemomble sont déductibles de son résultat imposable en application des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, dès lors que le risque de non recouvrement des loyers est justifié ;
- les provisions constituées pour dépréciation sur comptes clients sont également justifiées et sont, dès lors, déductibles en application des mêmes dispositions ;
- les petites charges diverses portées dans le Grand Livre sans facture, correspondant aux frais de mission, dons, frais de formation et participation aux frais d'entretien du véhicule du dirigeant, peuvent également être admises en déduction, dès lors qu'elles ont été engagées dans l'intérêt de la société ;
- en application des dispositions du 1er alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, elle entend se prévaloir de la prise de position formelle de l'administration qui transparaît dans la proposition de rectification qui lui a été adressée suite à la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet au titre des années 2014 et 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n°2020-1404 du 18 novembre 2020 ;
- le décret n°2020-1405 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) ARMOS, qui exerce une activité de conseil et d'étude, de construction et de gestion immobilière, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2012 et 2013, à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. Ces rappels ont été assortis d'une amende pour défaut de présentation de comptabilité informatisée. La SARL ARMOS relève régulièrement appel du jugement du 20 novembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge des amendes au titre des années 2012 et 2013, suite au dégrèvement opéré par l'administration en cours d'instance, et l'a partiellement déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des deux années en litige, en tant que ce jugement n'a pas fait droit intégralement à sa demande de décharge.
Sur le terrain de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature [...] / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. [...] ".
3. En premier lieu, si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée.
4. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a remis en cause la déductibilité de plusieurs charges diverses concernant des missions effectuées en 2012 et 2013, des dons et pourboires, des frais de formation et des frais de déplacement du dirigeant de la société, au motif que ces dépenses n'étaient pas justifiées. En se bornant à relever l'utilité de ces dépenses pour son bon fonctionnement et à expliquer les calculs effectués pour parvenir aux montants forfaitaires dont elle demande la déduction, sans produire aucun élément susceptible d'attester de la réalité de ces dépenses, la SARL ARMOS ne justifie pas de la déductibilité de ces charges.
5. En second lieu, il résulte des dispositions précitées du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, qu'une entreprise peut porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent, en outre, comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'enfin, elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.
6. D'une part, pour établir qu'elle supporte les risques d'impayés de loyers concernant des appartements situés à Montreuil, Lagny-sur-Marne et Villemomble, appartenant non à la société requérante mais à son gérant et son épouse, M. et Mme B..., elle produit les conventions de gestion signées les 12 février 2011 et 25 janvier 2013 pour une durée d'un an, selon lesquelles la SARL ARMOS s'est engagée à garantir M. et Mme B... des impayés de loyer, moyennant une commission de 14 % des loyers à gérer, dont 4 % au titre de la garantie d'impayés. La société requérante n'établit pas l'existence de cette convention de gestion pour la période du 12 février 2012 au 25 janvier 2013. Elle soutient, en outre, que trois familles étaient occupantes sans droit, ni titre, et produit au soutien de ses allégations le procès-verbal de constat d'huissier établi en mars et avril 2013, ainsi que les trois arrêts de la Cour d'appel de Paris du 7 août 2015, confirmant les jugements du juge des référés du tribunal d'instance de Bobigny ordonnant leur expulsion. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration a admis la déductibilité des provisions pour risque d'impayés au titre de ces trois familles occupantes sans titre de l'immeuble de Drancy. S'agissant des provisions restant en litige, la société requérante ne justifie pas, par la production de mises en demeures adressées à deux locataires le 1er septembre 2014, des difficultés de recouvrement alléguées et, par suite, de la déductibilité de ces provisions.
7. D'autre part, la SARL ARMOS a déduit de ses résultats imposables des exercices clos en 2012 et 2013, des provisions pour dépréciation des créances de plusieurs de ses clients.
8. Pour justifier du bien-fondé de la déduction d'une provision de 5 896,28 euros, correspondant à sa créance sur la société Queiper construction résultant d'une facture du 28 janvier 2013, la requérante se prévaut du conflit entre les deux dirigeants de cette société et de la liquidation de celle-ci le 10 juillet 2014. Toutefois, elle se borne à produire trois courriers de relance datés des 25 avril 2013, 11 septembre 2013 et 5 mars 2014, sans preuve d'envoi, dont les deux premières, antérieures à la constatation de la provision, n'ont pas été présentées lors du contrôle. En tout état de cause, la seule circonstance que la facture du 18 janvier 2013 n'ait pas été honorée à la clôture de l'exercice 2013 ne permet pas, à elle seule, d'établir la probabilité de perte de cette créance.
9. Pour justifier du bien-fondé des déductions concernant la créance de 2 000 euros sur la SARL Les Constructeurs Associés, la SARL ARMOS soutient, sans produire aucune pièce au soutien de ses allégations, que la SARL Les Constructeurs Associés avait décidé de ne pas payer la facture du 16 septembre 2013, tenant la requérante pour responsable de son échec à l'occasion d'un appel d'offre auquel elle prenait part. Toutefois, la société requérante soutient qu'elle a fini par obtenir en 2015 le paiement de l'intégralité de la créance. Par suite, aucun élément ne justifiait la probabilité que cette créance fût irrécouvrable à la clôture de l'exercice 2013.
10. Pour justifier du bien-fondé de la déduction de la créance de la SAS BQSE, à hauteur de 19 877,52 euros, la société requérante soutient, sans produire aucune pièce au soutien de ses allégations, que sa créancière aurait décidé de ne pas honorer plusieurs factures établies en 2013, suite à un abandon de son projet. Au demeurant, la SARL ARMOS reconnaît que ces sommes ont été recouvrés en 2014. Par suite, elle n'établit pas la probabilité que cette créance était irrécouvrable à la clôture de l'exercice 2013.
11. Pour justifier du bien-fondé de la déduction de la créance de 18 218,03 euros de la SARL Besnard et Chauvin, la SARL ARMOS soutient que le contrat à l'origine de cette créance portait sur des travaux de réhabilitation, que de tels travaux pouvaient conduire à de nombreux surcoût, et que, par voie de conséquence " la créance n'est jamais certaine dans ce cas ". Toutefois, à supposer même ces circonstances établies, elles sont insuffisantes à établir la probabilité que cette créance fût irrécouvrable à la clôture de l'exercice 2013. En tout état de cause, il résulte de l'instruction qu'une partie des créances de la société Besnard et Chauvin ont été réglées.
12. Pour justifier du bien-fondé de la déduction des créances de la société Léon Grosse, au titre de ses agences de Linas et de Satory, la société requérante se prévaut, sans toutefois produire de pièces au soutien de ses allégations, de la situation de ces deux agences et de départs de certains responsables. En outre, il ressort des pièces versées au dossier par la SARL ARMOS que la société Léon Grosse a régulièrement honoré plusieurs factures au cours des années 2012 et 2013. Enfin, le seul échange de courriels et les courriers adressés par la requérante au sujet d'une prestation délivrée mais contestée par la société Léon Grosse sont d'autant moins suffisants à établir la probabilité que ces créances étaient irrécouvrables à la clôture des exercices 2012 et 2013, qu'est également versé au dossier un courrier de cette société du 5 juillet 2017 confirmant une incompréhension et une contestation sur trois dossiers mais témoignant de la volonté de trouver une solution amiable.
13. Enfin, pour justifier du bien-fondé de la déduction d'une créance de 184 388,27 euros de la SARL Tripode BTP, la requérante se prévaut des difficultés de cette entreprise, au demeurant dirigée par le même gérant. Si elle verse au dossier les bilans de cette société au titre des années 2012 et 2013, qui font état d'un résultat négatif, il ressort de l'extrait de K-Bis également produit par la requérante, que le 1er septembre 2011, la société Tripode BTP a décidé de poursuivre son activité, en dépit d'un actif net devenu inférieur à la moitié de son capital social. En outre, la requérante ne produit ni courrier de relance adressé à cette société, ni aucune pièce témoignant d'un quelconque litige entre les deux sociétés. Dans ces conditions, elle n'établit pas la probabilité des risques de défaut d'encaissement au 31 décembre 2012 et au 31 décembre 2013.
14. Il résulte de ce qui précède que la SARL ARMOS ne justifie pas des dépenses engagées au titre de charges diverses et n'établit pas la probabilité de non-recouvrement de ses différentes créances justifiait les provisions en litige. Il suit de là que c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts que le vérificateur a réintégré aux résultats imposables de la requérante au titre des exercices clos en 2012 et 2013 le montant des charges diverses et des provisions pour dépréciation des créances clients qui avaient été initialement déduits.
Sur le terrain de la doctrine :
15. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. [...] ".
16. La SARL ARMOS se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'abandon par le vérificateur des rehaussements fondés sur la contestation de la déductibilité de certaines provisions, notifiés au titre des années 2014 et 2015, par une proposition de rectification du 30 juin 2017. La requérante ne saurait utilement se prévaloir de l'abandon de ces rectifications suite à ses observations, au demeurant postérieur aux années en litige, qui ne saurait être regardé comme une prise de position formelle de l'administration dont elle puisse se prévaloir. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par l'administration de la position qu'elle aurait prise ne peut qu'être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL ARMOS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, sa requête, y compris ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL ARMOS est rejetée.
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N° 19VE00254