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02/07/2020 | FRANCE | N°17VE02653

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 02 juillet 2020, 17VE02653


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 3 janvier 2013 par laquelle la communauté d'agglomération Seine-Essonne a refusé de lui rembourser les rémunérations qu'il a versées à M. E... au titre de sa prise en charge depuis le 1er janvier 2012 et de la condamner à lui verser la somme de 262 246, 43 euros tous chefs de préjudices confondus, assortie des intérêts légaux à compter du

13 novembre 2012, ainsi que la capitalisation de cette somme.

Par un jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 3 janvier 2013 par laquelle la communauté d'agglomération Seine-Essonne a refusé de lui rembourser les rémunérations qu'il a versées à M. E... au titre de sa prise en charge depuis le 1er janvier 2012 et de la condamner à lui verser la somme de 262 246, 43 euros tous chefs de préjudices confondus, assortie des intérêts légaux à compter du 13 novembre 2012, ainsi que la capitalisation de cette somme.

Par un jugement n° 1301295 du 12 juin 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande du CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 août et 5 septembre 2017, 10 septembre, 28 octobre et 29 novembre 2019, le CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE, représenté par Me B..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de condamner la communauté d'agglomération Seine-Essonne devenue Grand Paris Sud Essonne Sénart à lui verser la somme de 262 246,43 euros à parfaire, assortie des intérêts légaux à compter du 13 novembre 2012, et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 13 novembre 2013 et à chaque date anniversaire ;

3° de mettre à la charge de Grand Paris Sud Essonne Sénart le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le jugement attaqué :

- est entaché d'irrégularité, dès lors que le principe du contradictoire a été méconnu et qu'il est insuffisamment motivé ;

- est entaché d'erreurs de faits et de droit au regard des dispositions des articles 97, 97 bis et 99 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

- méconnaît les dispositions de l'article 53 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984.

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 88-614 du 6 mai 1988 pris pour l'application des articles 98 et 99 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée et relatif à la perte d'emploi et au congé spécial de certains fonctionnaires territoriaux ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de Me B... pour le CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE et de Me C..., substituant Me D..., pour la communauté d'agglomération Seine- Essonne, devenue Grand Paris Sud Essonne Sénart.

Vu la note en délibéré enregistrée le 19 juin 2020, pour le CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 19 juin 2020, pour la communauté d'agglomération Seine- Essonne, devenue Grand Paris Sud Essonne Sénart ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du maire de Colombes du 26 décembre 2006, M. E..., directeur territorial en fonction au sein des services de cette commune, a été détaché pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2007 auprès de la communauté d'agglomération Seine-Essonne, le président de cet établissement ayant, par un arrêté du 19 décembre 2006, procédé au détachement de l'intéressé sur l'emploi fonctionnel de directeur général adjoint des services. Le président de cet établissement public ayant, par un même arrêté du 9 novembre 2007, décidé de mettre fin au détachement de M. E... sur son emploi fonctionnel à compter du 5 janvier 2008, et dit que l'agent serait réintégré à cette date dans sa collectivité d'origine, l'intéressé a, à sa demande, été pris en charge par le Centre National de la Fonction Publique Territoriale à compter du 1er avril 2008 puis par le Centre Interdépartemental de Gestion de la Grande Couronne à compter du 1er janvier 2010. Par un courrier du 13 septembre 2011 reçu le 19 septembre, M. E... a alors adressé à la communauté d'agglomération Seine-Essonne une demande tendant à bénéficier du congé spécial prévu par l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984. Cette demande a été implicitement rejetée par une décision en date du 19 décembre 2011. Ayant continué à assurer la prise en charge de la rémunération de M. E..., le CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE (CIG) a demandé à la communauté d'agglomération Seine-Essonne, devenue Grand Paris Sud-Seine-Essonne-Sénart, le remboursement des sommes versées à compter du 1er janvier 2012. Cette demande a été rejetée par le président de la communauté d'agglomération le 3 janvier 2013. Le CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE a alors demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 3 janvier 2013 par laquelle la communauté d'agglomération Seine-Essonne a refusé de lui rembourser les rémunérations qu'il a versées à M. E... au titre de sa prise en charge depuis le 1er janvier 2012, et de la condamner à lui verser la somme de 262 246, 43 euros tous chefs de préjudices confondus, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation. Par un jugement du 12 juin 2017, dont le CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE relève appel, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : "L'instruction des affaires est contradictoire. (...)."

3. Le CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE soutient que la commune de Colombes n'ayant pas donné suite à une mesure d'instruction, prise par le tribunal administratif de Versailles le 6 février 2017 lui demandant de préciser les possibilités de procéder au reclassement de M. E..., le tribunal aurait procédé à ses propres investigations y compris dans les " archives de la juridiction " et aurait, ainsi, fondé son jugement sur des éléments qui ne lui auraient pas été communiqués. Toutefois, il ne ressort pas de l'instruction que le tribunal se serait fondé sur des éléments non soumis au débat contradictoire des parties pour statuer sur le litige dont il était saisi. Par suite, le moyen tiré de ce que le principe du caractère contradictoire de la procédure aurait été méconnu doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

5. Le CIG soutient que le jugement contesté serait irrégulier pour avoir omis de répondre au moyen, soulevé par sa note en délibéré du 29 mai 2017, tiré de ce qu'il ne lui incombait pas de rapporter la preuve de ce que la ville de Colombes ne disposait pas d'emploi vacant pour réintégrer M. E.... Cependant, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés au soutien des moyens de la demande, a statué par une appréciation motivée, sur la charge de la preuve de l'absence de d'emploi vacant au sein des services de la commune de Colombes, et a notamment relevé au point 5 de son jugement que : "la commune de Colombes n'a pas répondu à la mesure d'instruction ordonnée le 6 février 2017 par le tribunal tendant à ce qu'elle précise les mesures prises entre septembre 2011 et mars 2012 pour offrir à M. E... un emploi correspondant à son grade ; que, dans ces conditions, la commune de Colombes, collectivité d'origine de M. E..., ne peut être regardée comme établissant qu'elle n'était pas en mesure d'offrir à M. E... un emploi correspondant à son grade lorsque cet agent a demandé le bénéfice des dispositions de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984".

6. Il résulte de ce qui précède que le CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'étendue du litige :

7. La communauté d'agglomération Seine-Essonne, devenue Grand Paris Sud-Essonne-Sénart soulève l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 3 janvier 2012 par laquelle son président a rejeté la demande indemnitaire du CIG. Il ressort toutefois des écritures du CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE que celui-ci n'a pas repris en appel les conclusions en annulation qu'il avait présentées devant le Tribunal administratif contre cette décision, ne soumettant à la Cour que des conclusions indemnitaires. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée ne peut qu'être écartée.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

S'agissant de la responsabilité de Grand Paris Sud-Seine-Essonne-Sénart :

8. D'une part, aux termes de l'article 67 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale: " A l'expiration d'un détachement de longue durée, le fonctionnaire est, sauf intégration dans le cadre d'emplois ou corps de détachement, réintégré dans son corps ou cadre d'emplois et réaffecté à la première vacance ou création d'emploi dans un emploi correspondant à son grade relevant de sa collectivité ou de son établissement d'origine. / Lorsqu'aucun emploi n'est vacant, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an dans sa collectivité d'origine dans les conditions prévues à l'article 97. Si, au terme de ce délai, il ne peut être réintégré et reclassé dans un emploi correspondant à son grade, le fonctionnaire est pris en charge dans les conditions prévues à l'article 97 soit par le Centre national de la fonction publique territoriale pour les fonctionnaires relevant de l'un des cadres d'emplois de catégorie A auxquels renvoie l'article 45, soit par le centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l'établissement qui les employait antérieurement à leur détachement pour les autres fonctionnaires. (...) ".

9. D'autre part, aux termes de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'il est mis fin au détachement d'un fonctionnaire occupant un emploi fonctionnel mentionné aux alinéas ci-dessous et que la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, celui-ci peut demander à la collectivité ou l'établissement dans lequel il occupait l'emploi fonctionnel soit à être reclassé dans les conditions prévues aux articles 97 et 97 bis, soit à bénéficier, de droit, du congé spécial mentionné à l'article 99, soit à percevoir une indemnité de licenciement dans les conditions prévues à l'article 98. Ces dispositions s'appliquent aux emplois : (...) de directeur général, de directeur général adjoint des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 10 000 habitants, (...)". Aux termes de l'article 99 de la même loi : " Les collectivités ou établissements dans lesquels des fonctionnaires territoriaux occupent un emploi fonctionnel visé à l'article 53 ont la faculté d'accorder, sur demande des intéressés, un congé spécial d'une durée maximale de cinq ans dans des conditions fixées par décret. /La demande de congé spécial au titre du premier alinéa de l'article 53 peut être présentée jusqu'au terme de la période de prise en charge prévue au I de l'article 97. Le congé spécial de droit est accordé par la collectivité ou l'établissement public dans lequel le fonctionnaire occupait l'emploi fonctionnel, y compris lorsque la demande est présentée pendant la période de prise en charge. / Pendant ce congé, la rémunération des intéressés demeure à la charge de la collectivité ou de l'établissement public concerné. / A l'expiration de ce congé, le fonctionnaire est admis d'office à la retraite. / Toutefois, les fonctionnaires qui bénéficient d'un congé spécial de droit octroyé pendant la prise en charge sont mis à la retraite au plus tard à la fin du mois au cours duquel ils réunissent les conditions requises pour obtenir une pension à jouissance immédiate à taux plein. Un décret en conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article ". Aux termes de l'article 6 du décret du 6 mai 1988 susvisé : " Le congé spécial prévu à l'article 99 de la loi du 26 janvier 1984 (...) peut être accordé si le fonctionnaire qui en fait la demande compte au moins vingt ans de services civils et militaires valables pour le calcul de ses droits à pension, est à moins de cinq ans de son âge d'ouverture du droit à une pension de retraite et occupe son emploi depuis deux ans au moins. / Ce congé est accordé de droit dans les mêmes conditions au fonctionnaire qui en fait la demande en application de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 précitée sans toutefois que puisse lui être opposée la condition d'une occupation de son emploi depuis deux ans au moins. (...). Enfin aux termes de l'article 7 de ce décret : " Le congé spécial est accordé par l'autorité territoriale qui a nommé le fonctionnaire dans l'emploi fonctionnel. "

10. Il résulte des dispositions citées aux points 8 et 9 qu'il appartient à la collectivité d'origine d'un fonctionnaire territorial en détachement de le réintégrer, en application de l'article 67 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, à la fin de celui-ci, au besoin en surnombre pendant un an, et donc d'assurer sa prise en charge financière, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la date de la fin de ce détachement marque également la fin du détachement dans un emploi fonctionnel, dès lors qu'il n'est établi ni que la collectivité d'origine n'est pas en mesure d'offrir un emploi correspondant à son grade, ni que le fonctionnaire a demandé à la collectivité d'accueil de bénéficier des dispositions de l'article 53 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984.

11. Dès lors que le président de la communauté d'agglomération Seine-Essonne a, par un même arrêté du 9 novembre 2007, d'une part, décidé de mettre fin de façon anticipée au détachement de M. E... sur son emploi fonctionnel à compter du 5 janvier 2008, et d'autre part, dit qu'il serait réintégré à cette date dans sa collectivité d'origine, l'intéressé avait, en application des dispositions rappelées au point 7, la faculté de solliciter de la collectivité auprès de laquelle il avait occupé son emploi fonctionnel, le bénéfice des dispositions de l'article 53 de la loi n°84-53 susvisées et notamment du congé spécial mentionné à l'article 99. L'intéressé ayant exprimé une demande en ce sens par courrier du 13 septembre 2011, reçu par la communauté d'agglomération le 19 septembre 2011, soit avant le 31 décembre 2011, date du terme initial de son détachement auprès de cet établissement, le président de la communauté d'agglomération Seine-Essonne était tenu de lui accorder de droit ce congé spécial dès lors que l'intéressé remplissait les conditions d'âge et d'ancienneté rappelées à l'article 6 du décret du 6 mai 1988, et ceci alors même qu'à la date de sa demande, M. E... était pris en charge par le CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE.

12. La communauté d'agglomération Grand Paris Sud Essonne Sénart fait valoir qu'elle n'était pas tenue d'accorder à M. E... le congé spécial qu'il sollicitait, au motif qu'il incombait à la commune de Colombes, en tant que collectivité d'origine de l'intéressé, de le réintégrer dans ses effectifs, dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle n'était pas en mesure de lui offrir un emploi correspondant à son grade. Toutefois cette circonstance est sans incidence sur l'obligation qui était la sienne, en sa qualité de collectivité d'accueil, d'accorder à l'agent le bénéfice des dispositions de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 résultant de sa nomination sur emploi fonctionnel, dès lors que l'intéressé l'avait saisie d'une demande en ce sens par courrier du 13 septembre 2011, dans le délai de prise en charge prescrit par l'article 99 de la loi du 26 janvier 1984.

13. La communauté d'agglomération Grand Paris Sud Essonne Sénart relève que M. E... ne pouvait demander le 13 septembre 2011 à se voir accorder un congé spécial dès lors qu'il avait déjà sollicité le bénéfice des dispositions de l'article 53 susvisé. S'il ressort de l'instruction que l'intéressé avait souhaité, par un courrier du 29 novembre 2007, pouvoir bénéficier du reclassement prévu à l'articles 53 dans les conditions prévues aux articles 97 et 97 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, il ressort des termes mêmes du jugement n°0801408 rendu le 8 octobre 2010 par le Tribunal administratif de Versailles, que cette mesure lui a été refusée par la communauté d'agglomération Seine-Essonne, et qu'en dépit de ce jugement, M. E... n'a pu bénéficier ni de cette mesure, ni des autres garanties statutaires prévues par les dispositions de l'article 53 susvisé, à la date à laquelle il a demandé à se voir accorder un congé spécial.

14. Lorsqu'il statue sur des conclusions tendant à la réparation des préjudices causés par l'illégalité d'une décision administrative, il incombe au juge administratif d'examiner la légalité de cette décision, alors même qu'elle serait devenue définitive. Par suite, Grand Paris Sud Essonne Sénart n'est pas fondée à soutenir que le CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE ne serait pas recevable à demander sa condamnation à réparer les dommages occasionnés par sa décision implicite du 19 décembre 2011 rejetant la demande de congé spécial de M. E..., au motif que cette décision individuelle serait devenue définitive.

15. Enfin, si la communauté d'agglomération fait valoir en défense que le CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE ne justifie pas avoir assuré un suivi personnalisé de M. E... à l'occasion de sa prise en charge et conteste en conséquence l'exigibilité de sa contribution du fait de cette carence, la circonstance, à la supposer même établie, que cet établissement n'aurait pas rempli ses obligations légales en matière d'assistance à l'agent dans sa recherche d'emploi, à supposer qu'elle s'applique à l'égard d'un agent bénéficiant de congé spécial relevant de l'article 99 de la loi statutaire, est sans incidence sur l'obligation qu'avait la communauté d'agglomération, de s'acquitter de la rémunération de l'intéressé durant la période de son congé spécial.

16. Il résulte de ce qui précède que le CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Il est par suite fondé à demander à ce que la communauté d'agglomération Seine-Essonne, devenue Grand Paris Sud Essonne Sénart soit condamnée à l'indemniser à hauteur de la rémunération qu'il a versée à M. E... au titre de la période au cours de laquelle l'agent aurait dû être rémunéré par la communauté d'agglomération Seine-Essonne au titre du congé spécial prévu à l'article 99 de la loi n°84-53 susvisée, que cette collectivité était tenue de prendre à sa charge.

S'agissant du montant de l'indemnité due au CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE :

17. Aux termes de l'article 99 de la loi n°84-53 susvisée : " ( ...) les fonctionnaires qui bénéficient d'un congé spécial de droit octroyé pendant la prise en charge sont mis à la retraite au plus tard à la fin du mois au cours duquel ils réunissent les conditions requises pour obtenir une pension à jouissance immédiate à taux plein". Aux termes de l'article 6 du décret du 6 mai 1988 susvisé relatif au congé spécial : " (...) Sous réserve des dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article 99 de la loi du 26 janvier 1984 précitée, il prend fin lorsque le fonctionnaire atteint la limite d'âge et, au plus tard, à la fin de la cinquième année après la date où il a été accordé. (...)". Selon les dispositions du I de l'article 8 de ce décret : " L'intéressé perçoit, pendant le congé spécial, une rémunération égale au montant du traitement indiciaire atteint à la date de la mise en congé, majoré du montant de l'indemnité de résidence et, s'il y a lieu, du supplément familial de traitement. ".

18. Compte tenu de ce qui précède, le congé spécial que la communauté d'agglomération Seine-Essonne devait accorder à M. E... aurait dû débuter le 1er décembre 2011, comme l'intéressé le demandait, pour s'achever le 31 décembre 2016, date à laquelle il avait, d'une part, atteint l'âge légal de départ en retraite et, d'autre part, accumulé 164 trimestres de cotisations auprès de la Caisse Nationale de Retraite des Agents des Collectivités Territoriales dont il relevait en sa qualité de fonctionnaire. Ainsi, dès lors que M. E... ne remplissait qu'à cette date les conditions requises pour obtenir une pension à jouissance immédiate à taux plein compte tenu de sa situation, le CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE est fondé à demander la condamnation de la communauté d'agglomération Grand Paris Sud Essonne Sénart à lui verser la somme de 254 746,43 euros correspondant aux dépenses qu'il a engagées au titre de la prise en charge de M. E..., pendant la période courant du 1er décembre 2011 au 31 décembre 2016 au cours de laquelle cet agent pouvait prétendre au bénéfice du congé spécial. En revanche, le CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE ne justifie pas de la réalité des frais de gestion qu'il aurait supportés à l'occasion de la prise en charge de M. E.... En outre, il ne ressort pas de l'instruction que cette prise en charge et le rejet de sa demande indemnitaire par la communauté d'agglomération lui aurait causé un préjudice moral.

S'agissant des intérêts et de leur capitalisation :

19. La somme de 254 746,43 euros attribuée au CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE portera intérêts à compter du 13 novembre 2012, date de sa demande préalable. Ces intérêts seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts au 13 novembre 2013 et à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette date.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Le CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de Grand Paris Sud Essonne Sénart tendant à mettre à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, en revanche de mettre à la charge de Grand Paris Sud Essonne Sénart une somme de 2 000 euros à verser au même titre au CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1301295 du 12 juin 2017 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La communauté d'agglomération Seine-Essonne, devenue Grand Paris Sud Essonne Sénart est condamnée à verser au CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE la somme de 254 746,43 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2012. Ces intérêts seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à la date du 13 novembre 2013, puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : La communauté d'agglomération Grand Paris Sud Essonne Sénart versera une somme de 2 000 euros au CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du CENTRE INTERDEPARTEMENTAL DE GESTION DE LA GRANDE COURONNE DE LA REGION ILE-DE-FRANCE est rejeté.

Article 5 : Les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la communauté d'agglomération Seine-Essonne, devenue Grand Paris Sud Essonne Sénart sont rejetées.

N° 17VE02653 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Détachement et mise hors cadre. Détachement.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Stéphane CLOT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : SCP LONQUEUE - SAGALOVITSCH - EGLIE-RICHTERS et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 02/07/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17VE02653
Numéro NOR : CETATEXT000042097012 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-02;17ve02653 ?
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