La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2020 | FRANCE | N°17VE00893

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 05 juin 2020, 17VE00893


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, de condamner la commune de Boulogne-Billancourt à lui verser l'intégralité de son traitement brut pour la période du 12 mai 2009 au 11 mai 2010 et la moitié de son traitement brut pour la période du 12 mai 2010 au 11 mai 2012, le total de ces sommes ne pouvant être inférieur à un montant de 31 257,12 euros, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Boulogne-Billancourt de déclarer les sommes qui lui sont dues auprès de l'e

nsemble des organismes de sécurité sociale et de rectifier ses bulletins de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, de condamner la commune de Boulogne-Billancourt à lui verser l'intégralité de son traitement brut pour la période du 12 mai 2009 au 11 mai 2010 et la moitié de son traitement brut pour la période du 12 mai 2010 au 11 mai 2012, le total de ces sommes ne pouvant être inférieur à un montant de 31 257,12 euros, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Boulogne-Billancourt de déclarer les sommes qui lui sont dues auprès de l'ensemble des organismes de sécurité sociale et de rectifier ses bulletins de paie.

Par un jugement n° 1506555 du 23 janvier 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de Mme C... comme étant portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 mars et 10 novembre 2017, Mme C..., représentée par Me Poiraton, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de condamner la commune de Boulogne-Billancourt au paiement des salaires soumis à cotisations de sécurité sociale qui lui sont dus pour la période du 12 mai 2009 au 11 mai 2010 à hauteur de 100 % du salaire brut, déduction faite de la partie de traitement brut soumis à cotisations de sécurité sociale déjà versées, soit 50 %, et pour la période du 12 mai 2010 au 11 mai 2012, à hauteur de 50 % de son salaire brut, la somme correspondant au rappel de salaires devant porter intérêts avec capitalisation de ceux-ci à compter du 24 février 2015, date de sa réclamation préalable ;

3° d'enjoindre à la commune de Boulogne-Billancourt de procéder au calcul des traitements sans que la somme devant lui être versée ne soit inférieure à un montant de 31 257,12 euros ;

4° d'enjoindre à la commune de Boulogne-Billancourt de rectifier ses bulletins de paie et de lui délivrer des bulletins pour la période en litige dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5° de mettre à la charge de la commune de Boulogne-Billancourt le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de 13 euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges se sont déclarés incompétents, dès lors que le litige n'est pas fondé sur une créance d'indemnité journalière de sécurité sociale mais sur l'obligation de la commune de maintenir le traitement brut soumis à cotisations de sécurité sociale de son agent contractuel en congé de grave maladie en application des dispositions des articles 8 et 12 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- la commune de Boulogne-Billancourt a commis une faute en ne transmettant pas à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) l'attestation de salaires en vue de l'indemnisation du congé de grave maladie, et a été négligente en lui laissant croire qu'elle était prise en charge au titre de l'assurance maladie en mentionnant à tort sur les bulletins de paie le versement des indemnités journalières. Elle a donc été privée des indemnités journalières de la part de la CPAM et de toute réelle indemnisation de son congé de grave maladie au titre de la sécurité sociale ;

- la commune n'a pas respecté son obligation, résultant des articles 8 et 12 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, de maintenir le salaire de son agent ;

- elle aurait dû percevoir 100 % de son salaire brut pour la période du 12 mai 2009 au 11 mai 2010, déduction faite de la seule partie de traitement brut qui a été soumis à cotisations de sécurité sociale, et 50 % de son salaire brut pour la période du 12 mai 2010 au 11 mai 2012. Elle est donc fondée à réclamer une somme de 4 496,22 euros bruts au titre de rappel de salaires pour la période courant du 12 mai 2009 au 31 décembre 2009, de 12 839,22 euros bruts pour l'année 2010, de 9 748,30 euros bruts au titre de l'année 2011 et de 4 173,38 euros bruts pour la période courant du 1er janvier au 11 mai 2012, soit un montant total de 31 257,12 euros bruts ;

- les sommes qui lui ont été versées par la commune de Boulogne-Billancourt du 12 mai 2009 au 11 mai 2012 au titre d'indemnités journalières étant prescrites, la commune ne saurait en réclamer le remboursement ;

- sa créance n'est pas prescrite au regard des dispositions de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 dès lors qu'elle n'a appris que le 7 juin 2013 que la commune de Boulogne-Billancourt n'avait pas perçu les indemnités journalières de sécurité sociale.

............................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.

Une note en délibéré présentée pour Mme C... a été enregistrée le 28 mai 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., assistante de conservation du patrimoine non titulaire, a été recrutée le 4 novembre 1996 par la commune de Boulogne-Billancourt, par des contrats à durée déterminée, puis par un contrat à durée indéterminée. Elle a été placée en congé de grave maladie le 12 mai 2009, prolongé jusqu'au 12 mai 2012, date à laquelle elle a été reconnue définitivement inapte au service. Après avoir vainement adressé une réclamation préalable le 24 février 2015, Mme C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Boulogne-Billancourt à lui verser l'intégralité de son traitement brut pour la période du 12 mai 2009 au 11 mai 2010, ainsi que la moitié de son traitement brut pour la période du 12 mai 2010 au 11 mai 2012, et d'enjoindre à son ancien employeur de déclarer les sommes qui lui sont dues auprès de l'ensemble des organismes de sécurité sociale et de rectifier ses bulletins de paie. Par un jugement n° 1506555 du 23 janvier 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande comme étant portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale : " Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale. / Cette organisation règle les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, et qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux ". Selon les dispositions de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " L'assurance maladie comporte : / (...)5°) L'octroi d'indemnités journalières à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique constatée par le médecin traitant, (...) de continuer ou de reprendre le travail (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 323-10 de ce code : " En vue de la détermination du montant de l'indemnité journalière, l'employeur ou les employeurs successifs doivent établir une attestation se rapportant aux payes effectuées pendant les périodes de référence définies ci-dessus. Cette attestation, à l'appui de laquelle sont présentées, le cas échéant, les pièces prévues à l'article L. 3243-2 du code du travail est adressée à la caisse (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 323-11 : " L'attribution de l'indemnité journalière prévue à l'article L. 323-4 est exclusive de l'allocation de chômage./ La caisse primaire de l'assurance maladie n'est pas fondée à suspendre le service de l'indemnité journalière lorsque l'employeur maintient à l'assuré, en cas de maladie, tout ou partie de son salaire ou des avantages en nature, soit en vertu d'un contrat individuel ou collectif de travail, soit en vertu des usages, soit de sa propre initiative. / Toutefois, lorsque le salaire est maintenu en totalité, l'employeur est subrogé de plein droit à l'assuré, quelles que soient les clauses du contrat, dans les droits de celui-ci aux indemnités journalières qui lui sont dues (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 8 du décret susvisé du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale : " L'agent non titulaire en activité employé de manière continue et comptant au moins trois années de services, atteint d'une affection dûment constatée, le mettant dans l'impossibilité d'exercer son activité, nécessitant un traitement et des soins prolongés et présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée bénéficie d'un congé de grave maladie pendant une période maximale de trois ans. / Dans cette situation, l'intéressé conserve l'intégralité de son traitement pendant une durée de douze mois. Le traitement est réduit de moitié pendant les vingt quatre mois suivants ". Selon les dispositions de l'article 12 de ce même décret : " Le montant du traitement servi pendant une période de maladie, de grave maladie, d'accident du travail, de maladie professionnelle, de maternité, de paternité ou d'adoption est établi sur la base de la durée journalière d'emploi de l'intéressé à la date d'arrêt du travail. / Les prestations en espèces servies en application du régime général de la sécurité sociale par les caisses de sécurité sociale ou par les régimes de protection sociale des professions agricoles en matière de maladie, maternité, paternité, adoption, invalidité, accidents du travail ou maladie professionnelle ainsi que les pensions de vieillesse allouées en cas d'inaptitude au travail sont déduites du plein ou du demi-traitement maintenu par les collectivités ou établissements en application des articles 7 à 10 ".

4. Il résulte de ce qui précède que le critère de la compétence des organismes du contentieux de la sécurité sociale est, en ce qui concerne les agents publics, lié non à la qualité des personnes en cause, mais à la nature même du différend. Par conséquent, les litiges à caractère individuel qui peuvent s'élever au sujet de l'affiliation d'une personne à un régime de sécurité sociale relèvent de la compétence des juridictions du contentieux général de la sécurité sociale. Il en va ainsi, même dans le cas où les décisions contestées sont prises par des autorités administratives, dès lors que ces décisions sont inhérentes à la gestion, suivant des règles de droit privé, du régime de sécurité sociale en cause. En revanche, relèvent de la compétence du juge administratif les litiges portant sur la mise en oeuvre, par les collectivités locales, des dispositions du décret du 15 février 1988 à l'égard de leurs agents non titulaires, et ne relevant pas de la législation de la sécurité sociale.

5. En l'espèce, Mme C... soutient que c'est à tort que les premiers juges se sont déclarés incompétents, dès lors que le litige n'est pas fondé sur une créance d'indemnité journalière de sécurité sociale mais sur l'obligation qu'avait la commune de maintenir son traitement brut soumis à cotisations de sécurité sociale à l'occasion de son placement en congé de grave maladie, en application des dispositions des articles 8 et 12 du décret n° 88-145 du 15 février 1988. Elle estime que la commune a commis une faute engageant sa responsabilité pour n'avoir pas soumis à cotisations sociales son traitement brut, pour n'avoir pas transmis à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie l'attestation de salaires en vue de l'indemnisation du congé de grave maladie en application des dispositions citées au point 2 et issues du code de la sécurité sociale, et pour avoir indiqué à tort sur ses fiches de paie portant sur la période litigieuse que les sommes qui lui étaient versées constituaient des indemnités journalières de sécurité sociale, non soumises à cotisations sociales. Toutefois ce différend ne porte pas sur une faute qu'aurait commise la commune pour n'avoir pas versé son salaire à un agent contractuel en méconnaissance des dispositions du décret du 15 février 1988, l'intéressée ne contestant d'ailleurs pas avoir perçu le salaire auquel elle pouvait prétendre durant la période litigieuse, mais sur les fautes commises par la commune de Boulogne-Billancourt dans la gestion et la mise en oeuvre d'un dispositif de sécurité sociale, pour n'avoir pas transmis aux organismes de sécurité sociale les documents permettant la conservation des droits de Mme C... en sa qualité d'assurée sociale, ni pratiqué la subrogation légale en application des dispositions du code de la sécurité sociale visées au point 2, et enfin pour n'avoir pas soumis à cotisations sociales les salaires qu'elle lui a versés, Mme C... exposant que ces manquements ont eu pour effet de la priver d'une partie des droits auxquels elle pouvait prétendre en sa qualité d'assurée sociale. Ces agissements, à les supposer établis, se rattachent à la responsabilité de l'administration pour avoir méconnu les droits que Mme C... tenait de sa qualité d'affiliée à un régime de sécurité sociale à l'occasion des cotisations sociales afférentes à son salaire, et concernent ainsi la gestion, suivant des règles de droit privé, du régime de la sécurité sociale dont le contentieux relève des juridictions judiciaires. Par conséquent, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande comme étant portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

7. La commune de Boulogne-Billancourt n'étant pas la partie perdante, les conclusions de Mme C... tendant à mettre à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

N° 17VE00893 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00893
Date de la décision : 05/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-02 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Exécution du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: M. Stéphane CLOT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : SCP SALLES et POIRATON ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-05;17ve00893 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award