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05/03/2020 | FRANCE | N°19VE03951-19VE03959

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 05 mars 2020, 19VE03951-19VE03959


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1911127 du 14 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montr

euil a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

I) Par une requête n° 19VE0395...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1911127 du 14 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

I) Par une requête n° 19VE03951 et des mémoires, enregistrés les 29 novembre 2019, 11 décembre 2019 et 27 janvier 2020, M. B..., représenté par Me E..., avocat, demande à la Cour :

1° de lui accorder l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2° d'annuler le jugement attaqué ;

3° d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2019 du préfet des Hauts-de-Seine ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement, au profit de Me E..., d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

M. B... soutient que :

- le jugement attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'il n'a pas été régulièrement convoqué à l'audience du 14 octobre 2019, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 776-7 du code de justice administrative ;

L'arrêté litigieux en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français :

- est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne présente pas de risque de fuite, ne constitue pas une menace à l'ordre public et est susceptible de voir sa situation régularisée au titre de l'admission exceptionnelle au séjour ; il ne pouvait ainsi pas intervenir sans lui accorder un délai de départ volontaire ;

- est entaché d'une erreur d'appréciation compte tenu de sa situation personnelle ;

- contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

L'arrêté litigieux en tant qu'il fixe le pays de renvoi :

- a été pris par une autorité incompétente ;

- est entaché d'un défaut de motivation ;

- est illégal compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

L'arrêté litigieux en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français :

- est insuffisamment motivé, dès lors que le préfet ne s'est pas prononcé sur chacun des critères conduisant à son adoption ;

- est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

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II) Par une requête n° 19VE03959 et des mémoires, enregistrés les 29 novembre 2019, 11 décembre 2019 et 27 janvier 2020, M. B..., représenté par Me E..., avocat, demande à la Cour :

1° de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2° de prononcer le sursis à exécution du jugement rendu le 14 octobre 2019 par le tribunal administratif de Montreuil et de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 3 octobre 2019 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement, au profit de Me E..., d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- le caractère non suspensif du recours interjeté en appel à l'encontre du jugement du 14 octobre 2019 et de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 3 octobre 2019, l'expose à une expulsion du territoire alors qu'il dispose de ses attaches familiales sur le territoire national ; l'urgence est en conséquence démontrée ;

- le jugement attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'il n'a pas été régulièrement convoqué à l'audience du 14 octobre 2019, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 776-7 du code de justice administrative ;

- il existe un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté attaqué :

L'arrêté litigieux en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français :

- est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne présente pas de risque de fuite, ne constitue pas une menace à l'ordre public et est susceptible de voir sa situation régularisée au titre de l'admission exceptionnelle au séjour ;

- est entaché d'une erreur d'appréciation compte tenu de sa situation personnelle ;

- contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

L'arrêté litigieux en tant qu'il fixe le pays de renvoi :

- a été pris par une autorité incompétente ;

- est entaché d'un défaut de motivation ;

- est illégal compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

L'arrêté litigieux en tant qu'il prononce une interdiction de retour sur le territoire français :

- est insuffisamment motivé, dès lors que le préfet ne s'est pas prononcé sur chacun des critères conduisant à son adoption ;

- est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les observations de Me E... pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par les requêtes susvisées enregistrées sous les n° 19VE03951 et 19VE03959, M. C... B... demande l'annulation et le sursis à exécution d'un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

2. M. B..., ressortissant mauricien né le 1er janvier 1983, a fait l'objet d'un arrêté du 3 octobre 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement n° 1911127 du 14 octobre 2019 dont M. B... relève appel et demande le sursis à exécution, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.

Sur les conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président. ".

4. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de prononcer l'admission de M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, précité.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience.(...) " . Aux termes de l'article R. 431-1 du même code : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le mandataire de M. B... a, par le biais de l'application télérecours, reçu le 10 octobre 2019, à 13h08, la convocation à l'audience du 14 octobre 2019 devant le Tribunal administratif de Montreuil, dans les conditions prévues par les dispositions rappelées ci-dessus du code de justice administrative, et qu'au surplus Me D..., représentant M. B..., était présent à cette audience et y a formulé des observations. M. B... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le jugement attaqué aurait été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière, faute d'avoir été régulièrement averti du jour de l'audience et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté litigieux en tant qu'il porte obligation de quitter sans délai le territoire français :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...).

8. Comme l'a relevé le premier juge, la décision attaquée vise notamment les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont elle fait application. En outre, elle expose la situation personnelle, familiale et administrative de M. B... ainsi que les motifs ayant conduit à prononcer une obligation de quitter le territoire français. La décision attaquée comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine n'aurait pas procédé à un examen sérieux et particulier de la situation de l'intéressé avant de prendre à son encontre la décision contestée. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen sérieux de la situation de l'intéressé doivent être écartés.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) II. L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...)Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...)".

10. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... est entré régulièrement sur le territoire français le 3 août 2018, il s'y est maintenu irrégulièrement sans être titulaire d'un titre de séjour, n'a pas tenté de régulariser sa situation en sollicitant la délivrance d'un tel titre, et a déclaré aux services de police lors de son audition le 3 octobre 2019 ne pas vouloir retourner dans le pays dont il a la nationalité. Par suite, le préfet des Hauts-de-Seine a pu, sans méconnaître les dispositions rappelées au point 9, ni entacher sa décision d'une erreur d'appréciation au regard de la situation de l'intéressé, estimer que celui-ci présentait un risque de fuite et décider de lui faire obligation de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. M. B... soutient qu'il réside en France depuis le mois de décembre 2015 avec sa femme et leurs deux enfants âgés de 7 et 10 ans, qu'il y exerce une activité professionnelle et n'a plus d'attaches familiales à l'île Maurice. Toutefois, il ne justifie pas, par les seules pièces qu'il produit, de sa présence continue sur le territoire français avant le mois de janvier 2018. En outre, il ne démontre pas vivre maritalement avec son épouse par la production de justificatifs comportant une adresse différente de celle de son épouse et de leurs enfants, et alors que les fiches de liaison des deux enfants remises au service animation jeunesse de la commune de Villepinte pour l'année scolaire 2018/2019 font état de la séparation de leurs parents. Au surplus, si son épouse, qui a la même nationalité, bénéficie d'un titre de séjour temporaire, celui-ci n'est valable que jusqu'au 22 mai 2020. Enfin, l'intéressé n'apporte aucun document justifiant d'une activité professionnelle et ne démontre pas qu'il n'aurait plus aucune attache dans le pays dont il a la nationalité, et dans lequel il a résidé jusqu'à l'âge de 35 ans. Il n'existe ainsi aucun obstacle à ce que sa cellule familiale se reconstitue dans son pays d'origine. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ne peuvent qu'être écartés.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

14. Par les pièces qu'il produit, M. B... ne démontre pas résider avec son épouse, titulaire d'une carte de séjour temporaire arrivant à expiration le 22 mai 2020, et avec leurs deux fils nés en 2009 et 2012 à l'île Maurice, et scolarisés en France depuis le mois de décembre 2015 en école élémentaire pour l'aîné et septembre 2017 en école maternelle pour le cadet. En outre, en tout état de cause, pour les motifs exposés au point 12, et eu égard, à la courte durée de scolarisation en France des enfants et à l'absence d'obstacle à la reconstitution de la cellule familiale à l'île Maurice dont les membres de la famille ont la nationalité, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté litigieux en tant qu'il fixe le pays de destination :

15. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs du jugement attaqué, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cette décision, dès lors que son signataire bénéficiait d'une délégation régulière lui donnant compétence pour obliger l'intéressé à quitter le territoire français et à fixer le pays de destination.

16. En deuxième lieu, la décision attaquée est suffisamment motivée pour avoir été prise au visa des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application, et pour mentionner que l'intéressé est de nationalité mauricienne et que la cellule familiale peut se reconstruire dans le pays d'origine.

17. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté litigieux en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

18. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / Sauf s'il n'a pas satisfait à une précédente obligation de quitter le territoire français ou si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, le présent III n'est pas applicable à l'étranger obligé de quitter le territoire français au motif que le titre de séjour qui lui avait été délivré en application de l'article L. 316-1 n'a pas été renouvelé ou a été retiré ou que, titulaire d'un titre de séjour délivré sur le même fondement dans un autre Etat membre de l'Union européenne, il n'a pas rejoint le territoire de cet Etat à l'expiration de son droit de circulation sur le territoire français dans le délai qui lui a, le cas échéant, été imparti pour le faire. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français".

19. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire ne lui a été accordé, une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit ainsi comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

20. En l'espèce, l'arrêté du 3 octobre 2019, pris au visa des dispositions rappelées au point 18, indique que si M. B... fait état d'une présence en France depuis le 3 août 2018, ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas anciens, intenses et stables alors qu'il a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 35 ans et que sa cellule familiale peut y être reconstituée. Cet arrêté mentionne également qu'il séjourne en France irrégulièrement et qu'il a déclaré ne pas vouloir se conformer à une mesure d'éloignement. Par suite, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas entaché son arrêté d'un défaut de motivation.

21. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... n'établit pas sa présence continue en France avant le mois de janvier 2018. Sa cellule familiale peut être reconstituée à l'île Maurice dont chacun des membres a la nationalité, et il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français sans tenter de régulariser sa situation. Par suite il n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Hauts-de-Seine aurait méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

22. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ne peuvent qu'être écartés.

23. Il résulte de ce qui précède que les conclusions en annulation présentées par M. B... doivent être rejetées. Il s'ensuit qu'il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

24. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 19VE09351 de M. B... tendant à l'annulation du jugement n° 1911127 du Tribunal administratif de Montreuil du 14 octobre 2019, les conclusions de la requête n° 19VE03959 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

25. L'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions présentées par M. B... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : M. B... est admis à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : La requête n° 19VE03951 de M. B... est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 19VE03959.

Nos 19VE03951... 9


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03951-19VE03959
Date de la décision : 05/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: M. Stéphane CLOT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : TEELOKEE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-03-05;19ve03951.19ve03959 ?
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