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05/03/2020 | FRANCE | N°18VE03996

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 05 mars 2020, 18VE03996


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'amende infligée à la SAS Bati B... sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, pour le paiement solidaire de laquelle il est poursuivi en sa qualité de gérant de cette société.

Par un jugement n° 1704172 du 2 octobre 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 1er décembre 20

18 et le 1er novembre 2019, M. B..., représenté par Me Mattei, avocat, demande à la Cour :

1° d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'amende infligée à la SAS Bati B... sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, pour le paiement solidaire de laquelle il est poursuivi en sa qualité de gérant de cette société.

Par un jugement n° 1704172 du 2 octobre 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 1er décembre 2018 et le 1er novembre 2019, M. B..., représenté par Me Mattei, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge de l'amende litigieuse ;

3° de mettre à la charge de l'Etat deux sommes de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en remboursement respectivement des frais exposés en première instance et en appel.

M. B... soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement contesté est irrégulier dès lors qu'aucune mesure d'instruction n'a été diligentée en vue d'obtenir de l'administration des éléments de preuve relatifs à la publication des arrêtés de délégation permettant aux auteurs des avis de mise en recouvrement de les signer et que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve au profit de l'administration et ont commis une erreur de droit ;

Sur la régularité de l'avis de mise en recouvrement du 10 avril 2012 :

- l'administration ne justifie pas du caractère régulier ni de la publication ou de l'affichage dans un lieu accessible au public des délégations et sous-délégations permettant à son auteur de le signer ;

Sur la régularité de l'avis de mise en recouvrement du 5 février 2016 :

- l'administration ne justifie pas du caractère régulier ni de la publication ou de l'affichage dans un lieu accessible au public des délégations et sous-délégations permettant à son auteur de le signer ;

- il n'a pas été destinataire de la proposition de rectification du 15 décembre 2011 ayant conduit à l'application de la pénalité litigieuse ni de la réponse aux observations du contribuable du 20 janvier 2012 ;

Sur le bien-fondé de l'amende litigieuse :

- l'action de l'administration était prescrite au 31 décembre 2015, dès lors que l'amende en litige relève d'un contentieux de l'assiette soumis aux dispositions des articles L. 188 et L. 189 du livre des procédures fiscales et non de celles de l'article L. 274 de ce livre. En outre, le contentieux de l'assiette de la SAS Bati B... n'a pas eu pour effet de suspendre la prescription d'assiette de l'amende en litige.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de sa comptabilité qui a porté sur la période du 30 octobre 2009 au 31 décembre 2010 en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, la SAS Bati B..., qui exerce une activité de travaux de maçonnerie générale et gros oeuvre de bâtiments, a reçu une proposition de rectification le 15 décembre 2011 par laquelle il lui était notamment demandé de désigner le bénéficiaire de distributions. Faute d'avoir répondu, l'administration l'a informée le 20 janvier 2012 que la pénalité pour distributions occultes de 100 %, prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts serait mise à sa charge pour un montant de 89 215 euros. Un avis de mise en recouvrement lui a été notifié le 10 avril 2012, ainsi qu'à M. B..., le 5 février 2016, déclaré, en sa qualité de gérant, solidairement responsable de cette pénalité, en vertu du 3 du V de l'article 1754 du code général des impôts. M. B... relève appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 2 octobre 2018 qui a rejeté sa demande de décharge de cette pénalité.

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'action et des comptes publics :

2. Il ressort de l'instruction que M. B... a présenté dans le délai de recours devant la cour administrative d'appel, un mémoire d'appel qui ne constitue pas la seule reproduction littérale de son mémoire de première instance et énonce à nouveau, de manière partiellement différente, les moyens justifiant la décharge des impositions en litige. Cette motivation répondant aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de ses conclusions en annulation en appel au motif que celles-ci ne comporteraient aucun moyen contestant la régularité formelle du jugement ou de la procédure juridictionnelle devant le Tribunal administratif, doit être écartée.

3. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". L'article 1759 de ce code dispose que : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. (...). ". Enfin, aux termes du 3 du V de l'article 1754 du même code : " (...) Les dirigeants sociaux mentionnés à l'article 62 et aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter ainsi que les dirigeants de fait gestionnaires de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de l'amende prévue à l'article 1759 ".

4. Les dispositions visées au point précédent instaurent une pénalité fiscale sanctionnant le refus par une personne morale de révéler l'identité des bénéficiaires d'une distribution de revenus. Cette pénalité est distincte de l'impôt sur les sociétés et ne peut être regardée comme une pénalité correspondant à cet impôt. Si la personne sanctionnée par cette pénalité ne peut utilement se prévaloir de moyens relatifs à la procédure d'imposition ayant conduit à mettre à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, elle peut, en revanche, contester le principe, le montant et la procédure propre à cette pénalité. Il en va de même des dirigeants solidairement tenus au paiement de cette même pénalité. Il suit de là que, contrairement à ce que fait valoir le ministre de l'action et des comptes publics, M. B... a intérêt à solliciter la décharge de la somme de 89 215 euros au titre de la pénalité infligée à la société Bati B... et dont il est solidairement tenu au paiement en sa qualité de gérant de cette société.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 188 du livre des procédures fiscales : " Le délai de prescription applicable aux amendes fiscales concernant l'assiette et le paiement des droits, taxes, redevances et autres impositions est le même que celui qui s'applique aux droits simples et majorations correspondants. / Pour les autres amendes fiscales, la prescription est atteinte à la fin de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle les infractions ont été commise (...) ". L'article L. 189 du même livre précise que " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun. / La prescription des sanctions fiscales autres que celles visées au troisième alinéa de l'article L. 188 est interrompue par la mention portée sur la proposition de rectification qu'elles pourront être éventuellement appliquées ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le délai de reprise de l'administration pour les pénalités prévues par l'article 1759 du code général des impôts court jusqu'à la fin de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le délai imparti à la société pour répondre à la demande de désignation adressée par l'administration sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts a expiré.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. (...) ". L'article R. 2562 du même livre précise que : " Lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement (...) ". L'article 1203 du code civil dispose que : " Le créancier d'une obligation contractée solidairement peut s'adresser à celui des débiteurs qu'il veut choisir, sans que celui-ci puisse lui opposer le bénéfice de division ".

7. Si l'administration peut s'adresser au dirigeant d'une société à laquelle a été infligée la pénalité prévue par les dispositions citées au point 2 en vue d'obtenir le paiement de la somme correspondante, dès lors qu'il en est solidairement responsable en vertu de ces mêmes dispositions, la garantie que constitue, pour le Trésor public, l'existence de débiteurs tenus solidairement au paiement d'une créance fiscale ne peut être mise en oeuvre, lorsqu'il existe un débiteur principal de l'impôt ou de la pénalité fiscale qui est le contribuable, que si cette créance a été régulièrement établie à son égard et, en particulier, s'il a été destinataire d'un avis de mise en recouvrement régulièrement notifié dans le délai de reprise. Par suite, la personne qui est recherchée en paiement solidaire d'une imposition ou d'une pénalité mise à la charge d'un débiteur principal est fondée à soutenir que l'imposition ou la pénalité n'a pas été régulièrement établie si l'administration n'a pas, avant l'expiration du délai de reprise, régulièrement notifié au débiteur principal un avis de mise en recouvrement.

8. M. B... fait valoir que l'avis de mise en recouvrement notifié le 10 avril 2012 à la société Bati B... débiteur principal est irrégulier en ce qu'il n'a pas été signé par une personne régulièrement habilitée.

9. Aux termes de l'article L. 252 du livre des procédures fiscales : " Le recouvrement des impôts est confié aux comptables publics compétents par arrêté du ministre chargé du budget (...) ". Selon les dispositions de l'article L. 256 du même livre : " (...) L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret. Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public compétent. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 257 A du même livre, dans sa rédaction applicable : " Les avis de mises en recouvrement peuvent être signés et rendus exécutoires et les mises en demeure de payer peuvent être signées, sous l'autorité et la responsabilité du comptable public compétent, par les agents du service ayant reçu délégation. "

10. Si, par un arrêté du 1er mars 2012, le chef du service comptable a donné à Mme D... C..., contrôleuse, signataire de l'avis de mise en recouvrement du 10 avril 2012, délégation à cet effet, l'administration ne justifie pas que cet arrêté de délégation de signature a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Seine-Saint-Denis ni même affiché dans les locaux du centre des finances publiques, la seule mention dans son article 2 que cet arrêté serait affiché dans les locaux du service étant insuffisante, alors que M. B... conteste expressément l'existence de cet affichage. Dans ces conditions, l'administration, qui ne peut être regardée comme apportant, comme elle en a la charge, la preuve que la signataire de l'avis de mise en recouvrement en date du 10 avril 2012 adressé à la SAS Bati B... agissait dans le cadre d'une délégation de signature régulièrement publiée, ne justifie pas que la pénalité en litige avait fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement régulièrement notifié au débiteur principal, préalablement à sa mise en recouvrement auprès de M. B..., débiteur solidaire. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que la pénalité en cause n'a pas été régulièrement établie et à en demander la décharge. Il s'ensuit que M. B... est, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de la pénalité litigieuse.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de M. B..., une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à raison des frais exposés tant en première instance qu'en appel, non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1704172 en date du 2 octobre 2018 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : M. B... est déchargé de la pénalité pour le paiement solidaire de laquelle il est poursuivi en sa qualité de gérant de la SAS Bati B....

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

N° 18VE03996 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03996
Date de la décision : 05/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-04-02 Contributions et taxes. Généralités. Amendes, pénalités, majorations. Pénalités pour distribution occulte de revenus.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Stéphane CLOT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : SELARL MATTEI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-03-05;18ve03996 ?
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